HADÈS Archéologie

Zac de l’Aize, Les Cruchades

Nos métiers Production scientifique Opérations Zac de l’Aize, Les Cruchades

Fiche

Résumé

La fouille archéologique du site de la ZAC de l’Aize fait suite à un diagnostic réalisé en 2005 2006 par l’INRAP. Hormis quelques vestiges épars des périodes protohistoriques et romaines, celui-ci avait principalement permis de mettre en évidence une occupation rurale du bas Moyen Âge (XIIIe XIVe siècles), sur laquelle a porté la présente opération, ainsi qu’une nécropole occupée au moins entre le Xe et le XIVe siècles et située à proximité du site, au lieudit la Madeleine, où la tradition locale rapporte l’existence d’une église, également attestée par des sources textuelles de la fin du Moyen Âge.

Le site se trouve à la frontière entre la plaine de la Limagne et les premiers massifs des Combrailles, environ 1,5 km au nord du village de Combronde et à 26 km au nord-ouest de Clermont Ferrand, sur le tracé de l’axe de circulation reliant Clermont à Bourges. La fouille a concerné le décapage extensif d’une surface totale de 3700 m2. Les vestiges archéologiques se concentrent sur la partie est de la parcelle, sur une surface d’environ 2000 m2, en bordure d’un ancien chemin vicinal qui a sans doute conservé le tracé d’un axe de circulation médiéval reliant Combronde à Montcel, via l’église de la Madeleine. Les structures archéologiques se répartissent en deux phases principales d’occupation.

Le premier état est caractérisé par un ensemble de structures en creux, délimité à l’est par un fossé parallèle au chemin, long d’environ 30 m pour une largeur comprise entre 30 cm et 1,50 m. Un trou de poteau situé du côté intérieur du fossé ainsi que la présence exclusive de macro restes de noisetier dans son comblement indiquent qu’il s’agit sans doute des vestiges d’une petite tranchée délimitée par un clayonnage, qui a également pu faire office de fossé de drainage.

À l’ouest de cette tranchée, le terrain naturel argileux est recoupé par un ensemble de grandes fosses de plans irréguliers et polylobés. Il pourrait s’agir de fosses d’extraction d’argile, destinée à la confection de poteries (comme pourrait le suggérer le toponyme proche des Cruchades) ou de terres cuites architecturales (activité artisanale qui a prévalu à Combronde jusqu’au début du XXe siècle). Au nord-ouest du réseau de fosses, une autre structure en creux présente un plan rectangulaire à angles arrondis d’une surface totale d’environ 16 m2, dont le côté ouest est barré par un muret en pierre sèche et dont la paroi nord est percée par un étroit creusement en goulot, large d’environ 60 cm. L’ensemble évoque le plan de certains fonds de cabane excavés, bien qu’aucun indice d’occupation (foyer, niveau d’occupation) ne permette ici de s’assurer qu’il s’agit bien d’un espace d’habitation ou de travail.

Les structures en creux du premier état sont comblées par des niveaux argilo limoneux contenant un mobilier céramique daté entre le XIIIe et le XIVe siècle. Parmi un assemblage essentiellement composé de fragments de céramiques communes à pâte mi fine, surtout destinées à la cuisson (marmites), on distingue un lot relativement important de vaisselle à pâte fine kaolinitique de type « très décoré », dont certaines pièces évoquent des productions bourbonnaises.

Les structures du second état d’occupation s’implantent en partie sur les niveaux de comblement des structures en creux du premier état.

Il s’agit essentiellement d’un ensemble de bâtiments construits en matériaux périssables (bauge ou pisé) sur solins de pierre. On décompte au moins trois bâtiments, dont le mieux conservé présente deux phases d’occupations distinctes. Dans ce bâtiment, un premier état est caractérisé par un foyer subcirculaire dallé, au sud duquel se développe une zone d’épandage charbonneuse, d’environ 4 m2, concentrant un assemblage important de macro restes végétaux ainsi que des vestiges mobiliers suggérant une activité domestique (fusaïoles, couteau, cruches, marmites). À cette première unité d’occupation, dont on ne peut déterminer précisément l’étendue, succède un bâtiment de plan rectangulaire (environ 48 m2) bâti sur solins de pierre et jouxté au nord par une pièce semi excavée dont seule la paroi ouest est construite en dur (appentis ?). Un second bâtiment, au nord-est, présente des dimensions nettement plus importantes (au moins 115 m2) pour un plan composé d’au moins trois pièces. Deux foyers successifs sont aménagés à l’angle nord-est du bâtiment, contre son mur nord. D’autres tronçons de murs – présentant un état de conservation beaucoup plus lacunaire – indiquent que des bâtiments se développaient également sur la partie sud est du site. Le second état d’occupation du site est également caractérisé par un ensemble de structures drainantes, dont la plupart est organisée en un même réseau au plan régulier et convergeant vers les points bas du site. Il s’agit de canalisations étroites, larges d’une trentaine de centimètres au plus et formées par des moellons allongés plus ou moins soigneusement disposés dans des tranchées en U creusées dans l’encaissant argileux. La présence de cet important réseau de drainage indique la nécessité d’évacuer les eaux pluviales dans un terrain argileux imperméable et peut être les eaux usées provenant des structures d’occupation (stabulation ?).

Ce second niveau d’occupation est scellé par un ensemble de niveaux d’abandons contenant un mobilier céramique semblable à celui recueilli dans les structures de l’état 1. La séquence d’occupation du site, depuis sa création ex nihilo jusqu’à son abandon définitif semble donc assez courte, resserrée autour des XIIIe XIVe siècles. L’interprétation du site reste assez délicate, en l’absence de données textuelles nous renseignant sur son statut. Si la fonction domestique semble avérée dans certains espaces d’habitation du second état, une vocation exclusivement agricole semble devoir être exclue, étant donnée l’absence de structures de stockage et la faible quantité de macro restes végétaux identifiés sur le site. Celui-ci a toutefois pu recevoir des structures dédiées à la stabulation et à une activité artisanale, même opportuniste (extraction de l’argile, tissage). La courte existence du site de la ZAC de l’Aize doit sans doute être mise en relation avec la présence de l’église de la Madeleine située environ 200 m au nord, qui semble avoir été un pôle religieux relativement important, par sa position intercalaire entre les fiefs de Combronde et Montcel. La présence d’un chemin reliant cette église au village, probablement depuis le Moyen Âge, et longeant le site à l’est, indique que le site de la ZAC de l’Aize pourrait correspondre à un établissement rural précaire, lié au développement de cet axe de circulation et à une fréquentation accrue du site de la Madeleine au bas Moyen Âge.

Mathias DUPUIS