HADÈS Archéologie

Projet de Scène nationale

Nos métiers Production scientifique Opérations Projet de Scène nationale

Fiche

Résumé

La fouille archéologique préventive du site de l’ancienne Gare routière a été réalisée en préalable aux travaux de construction d’une nouvelle salle de spectacle pour la Comédie de Clermont-Ferrand, labellisée Scène nationale. Elle fait suite à un diagnostic mené en 2007 sous la direction de G. Alfonso (Inrap) et s’est déroulée en deux temps, entre le 11 mars et le 22 novembre 2013, puis entre le 12 mai et le 25 juin 2014, sur une surface de 4 500 m2 (parcelle HR 57).

Le site est localisé dans un secteur particulièrement humide de la ville d’Augustonemetum/Clermont-Ferrand, en fond de vallée de la Tiretaine du Sud. Il s’agit d’un quartier périphérique de l’agglomération, dont le lotissement ne semble pas réellement débuter avant le IIe siècle apr. J.-C. Ces conditions environnementales ont permis une très bonne conservation des vestiges, qui couvrent deux périodes principales d’occupation : l’Antiquité (fin du Ier siècle – début du IIe siècle / fin du IVe siècle) d’une part, le bas Moyen Âge et l’époque moderne d’autre part.

Les premières constructions (phase 1a) ont été édifiées à la fin du Ier siècle ou au tout début du IIe siècle et correspondent à deux bâtiments indépendants. Le premier (A), incomplètement reconnu, est localisé en partie nord de l’emprise. Il se développe très certainement au delà, au niveau du bâtiment de l’ancienne Gare routière, et a subi d’importants dommages lors de réaménagements ultérieurs. Les quelques espaces préservés semblent appartenir à un édifice à vocation résidentielle, mais il est difficile de les caractériser plus précisément. À quelques mètres plus à l’est, un deuxième bâtiment (B) est nettement mieux documenté. Il s’inscrit dans une parcelle limitée au sud par un cours d’eau, qui traverse l’emprise de fouille d’est en ouest, et couvre une surface de 260 m2 environ (fig. 1). De part et d’autre d’une aile centrale occupée par au moins une salle de service et une pièce de réception, deux prolongements symétriques se développent au nord et au sud. Ils accueillent des espaces de faibles dimensions, mais au décor soigné et chauffés par des foyers, que nous interprétons comme des chambres à coucher. Compte tenu de la localisation du site – en périphérie de la ville et à proximité d’importantes voies de communication (desserte sud et contournement de la butte) –, de la présence de deux vastes cours et d’un nombre important de petites salles identifiées à des appartements, le bâtiment B peut être assimilé à une auberge. Cette interprétation est confortée par l’analyse du mobilier, notamment la lecture d’une inscription peinte sur un élément de façade en bois, où il est fait mention d’un ou de plusieurs voyageurs (uiatoris ou uiatores).

À la fin du IIe siècle (phase 1b), une bonne partie de l’édifice A est détruite pour la mise en place d’un réseau hydraulique constitué de conduits d’adduction et d’évacuation en bois. Les quelques espaces épargnés sont réaménagés, mais leur destination reste énigmatique. L’auberge B est elle aussi remodelée, avec l’adjonction de nouvelles pièces en partie sud.

La phase 2a (fin du IIe siècle – milieu du IIIe siècle) correspond au véritable essor de l’urbanisation du quartier (fig. 2). La première étape des travaux est la canalisation du cours d’eau en partie orientale de l’emprise. Cette opération permet aux occupants d’investir sa rive droite, où l’auberge (B) est agrandie avec l’ajout d’une nouvelle aile (G). Elle est en outre dotée à l’ouest d’une vaste cour à ciel ouvert, ce qui déplace la façade de la parcelle de près de 12 m dans cette direction et entraîne la destruction définitive de l’édifice A. Dans le même temps, une domus à cour centrale (D) est édifiée dans la parcelle voisine à l’ouest, lotie parallèlement à une autre propriété (C) que nous n’avons qu’en partie reconnue. La domus D est délimitée au sud par le cours d’eau, tandis qu’au nord, elle était probablement longée par le decumanus identifié lors des fouilles du 49 boulevard Gergovia. Les bâtiments s’organisent en trois ailes réparties autour d’une cour dotée d’un portique à trois branches. Au sud, un vaste jardin d’agrément occupe l’arrière de la parcelle. De l’autre côté du chenal, en rive droite, deux édifices à vocation artisanale sont bâtis. Le premier (E) est de destination inconnue et le second (F) correspond probablement aux infrastructures d’une meunerie hydraulique. Il fait face à un canal de dérivation maçonné, construit en rive gauche, contre le mur de clôture des parcelles C et D, et sa fouille a permis de découvrir une importante quantité de meules de grand diamètre, ainsi que les pièces en bois de l’engrenage du moulin. Le mobilier permet en outre de soupçonner le travail du bois, de l’os, du cuir et des peaux à proximité.

Durant la deuxième moitié du IIIe siècle, les principaux réaménagements concernent la domus D et les installations artisanales du tiers sud de l’emprise. Le péristyle de la maison est reconstruit, avec notamment la construction de ce qui paraît être une fontaine et la mise en place d’égouts domestiques évacuant les eaux de la cour (toiture et fontaine). Le bâtiment E est agrandi et une boulangerie est installée dans l’édifice F. À la fin de cette période, il sert de dépotoir pour une grande quantité de pièces en bois issus du démantèlement de constructions voisines.

En effet, dès la fin du IIIe siècle (phase 3a), l’activité du cours d’eau entraîne la désaffectation de toute la partie méridionale de l’emprise, soumise à ses crues répétées. Parallèlement, l’auberge est amputée d’une bonne partie de ses capacités d’accueil et la parcelle B est totalement réorganisée. L’établissement change peut-être alors de fonction pour être transformé en domus à cour centrale. C’est ce que suggère le plan de l’édifice, dès lors centré autour de la cour septentrionale qui est dotée d’un nouveau portique. L’ancienne aile sud est détruite et remplacée par des espaces probablement voués au stockage des denrées.

La parcelle est progressivement enclose au sud et à l’est, tournant ainsi définitivement le dos au chenal à la fin du IIIe siècle (phase 3b). À cette période, les propriétés C et D sont abandonnées et une partie des édifices est détruite.

Au cours du IVe siècle (phase 4), la parcelle B est réoccupée par un nouvel édifice (I) dont la fonction est inconnue. Seuls les murs délimitant l’ancien bâtiment sont conservés et des murs sont ajoutés à chacun de ses angles, créant ainsi des pans coupés probablement destinés à soutenir les parties hautes de la construction (fig. 3). L’absence de tout aménagement intérieur au sein de ce vaste espace (environ 1 450 m2) comme la mauvaise conservation des parties supérieures de la séquence stratigraphique grèvent toute tentative d’interprétation.

Durant ce même IVe siècle, à une période qu’il nous est impossible de situer par rapport à l’occupation du bâtiment I, un ensemble fossoyé quadrangulaire est créé dans l’angle sud-ouest de l’édifice (phase 5). Sa fonction est là encore difficile à saisir. Les mobiliers les plus récents datent l’abandon du site antique de la fin du IVe siècle, soit en même temps que de nombreux autres sites clermontois.

L’emprise concernée par l’opération archéologique n’est réoccupée qu’à partir du milieu du XVe siècle (phase 6). Le terrain, marqué par un retour à un environnement humide, est semble-t-il drainé pour être mis en culture. Il en effet divisé en parcelles au sein desquelles ont été découvertes plusieurs tranchées principalement orientées nord-sud et parsemées de piquets en bois, parfois seuls conservés et formant des alignements indiquant l’emplacement des creusements disparus (fig. 4). L’analyse de ces excavations et des prélèvements de sédiments, ainsi que la lecture des textes médiévaux nous incitent à interpréter ces vestiges comme des plantations de vignes conduites sur échalas. Des recoupements, associés à la présence de mobilier plus récent, montrent que les parcelles ont été cultivées jusque dans le courant de l’époque moderne.

Julien OLLIVIER