HADÈS Archéologie

Prieuré Saint-Jean

Fiche

Résumé

L’intervention menée au prieuré Saint-Jean de Catus entre dans le cadre d’un programme d’assainissement de l’ensemble des édifices, engagé par le service des Monuments Historiques et la commune de Catus, sous la direction de M. François Corouge, architecte en chef des Monuments Historiques.

Le projet comprenait la réalisation d’un drain destiné à abaisser le niveau des eaux souterraines d’infiltration et d’un réseau collecteur d’eaux pluviales. Ces travaux ont intéressé la périphérie de l’église et le bâtiment conventuel est. Il comprend de plus l’aménagement partiel des abords du prieuré par un décaissement du terrain sur une profondeur moyenne de 1,50 m.

Devant l’importance des travaux, le service régional de l’Archéologie a jugé qu’une fouille archéologique de sauvetage s’imposait. Celle-ci, confiée au bureau d’investigations archéologiques Hadès de Pau, a été réalisée par une équipe d’archéologues en mai, septembre et octobre 1994, complétée par un suivi de terrassements en janvier 1995.

Rappel historique

Fondé dans la deuxième moitié du XIe s., le prieuré Saint Jean de Catus compte parmi les ensembles conventuels les plus intéressants du Quercy. Il présente tout d’abord une des rares églises conservées de la fin du XIe s., hormis le chœur reconstruit au début du XVIe s. Le développement et l’enrichissement du monastère aux XIIe et XIIIe s. se traduit sur le site même par la construction des bâtiments conventuels (milieu XIIe s.). Il n’en subsiste aujourd’hui que l’aile est (au rez-de-chaussée: sacristie, salle du chapitre et passage du cloître au jardin des moines; à l’étage: le dortoir) et l’aile nord (réfectoire et cuisine).

La guerre de Cent Ans met fin à cette prospérité. Pris à trois reprises par les Anglais, Saint Jean de Catus, comme nombre de prieurés en Quercy, est abandonné à la fin du XIVe et au début du XVe s. C’est durant cette période de troubles que le cloître et probablement une partie du bâtiment conventuel nord sont détruits et que le temporel est déserté.

Le prieuré est mis en commende en 1450, mais il faut attendre la fin du XVe s. pour que soit entrepris son redressement. Cette œuvre, engagée par Antoine de Luzech, sera poursuivie par son successeur Jacques de Miolans. Ainsi, dans le premier quart du XVIe s. d’importantes campagnes de travaux vont profondément modifier l’église. C’est d’abord le chevet roman qui est remplacé par un chœur gothique. Puis l’ensemble de l’édifice est voûté, avec adjonction des contreforts et arcs boutants extérieurs.

Le monastère est sécularisé en 1547.

A la fin du XVIIe s., l’ancienne église paroissiale Saint-Astier étant tombée en ruine par manque d’entretien , le service paroissial est transféré dans l’église prieurale qui prend alors le nom de Saint-Astier.

La Révolution divise les bâtiments conventuels en parcelles et les lieux sont transformés en caves et remises.

Il faut attendre la fin du XIXe s. pour que l’abbé Gintrand, curé de Catus, prenne conscience de l’intérêt des édifices et engage à ses frais une vaste campagne de rachats et de restauration des bâtiments. C’est probablement grâce à son intervention que ce site majeur pour l’histoire de l’art a pu parvenir à nous sans trop de dommages. Ainsi, la salle capitulaire, renommée pour ses chapiteaux du milieu XIIe s., est classée au titre des Monuments Historiques en 1891 et l’église en 1908. Les façades et toitures des immeubles bordant l’emplacement du cloître sont inscrites à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques depuis 1942.

Les apports de la fouille archéologique de sauvetage

Une occupation gallo-romaine attestée L’occupation du site durant l’Antiquité est pour la première fois attestée par la découverte de tegulae (tuiles gallo romaines) et de fragments de poteries datables du Ier au IVe s. sur l’ensemble de la zone couverte par le prieuré.

De nouvelles connaissances sur les bâtiments du prieuré

Le décaissement à la périphérie du prieuré a permis de retrouver les portes de l’église du XIe s. puis leurs modifications au cours des siècles. de même, à partir des données de la fouille nous avons tenté de mieux cerner la chronologie des travaux qui ont profondément modifié l’édifice et son environnement à partir de la deuxième moitié XVe s. Il faut ici rappeler qu’après le Moyen Âge, les remontées d’eaux semblent avoir constitué un souci permanent pour les habitants de Catus. En conséquence, à partir de cette époque il n’est pas un siècle où l’on n’ait pratiqué un exhaussement du niveau des sols autour du prieuré. À titre indicatif, le niveau actuel de la place, au sud de l’église, est environ à 1,70 m. au-dessus du sol du XIIe s. Si au sud les rehaussements sont progressifs et probablement dus à l’implantation du cimetière, à l’ouest et dans le cloître ceux-ci sont intervenus essentiellement en deux phases entre le XVIe et la fin du XIXe s.

Pour ce qui concerne les bâtiments conventuels, la mise au jour de la galerie orientale du cloître et une reconnaissance du mur bahut des autres galeries ont enfin permis de déterminer le plan du cloître, son mode de construction ainsi que le niveau du sol aux XIIe et XIIIe s. Les vestiges de l’escalier qu’empruntaient les moines pour monter au dortoir (1er étage au-dessus de la salle capitulaire) ont été retrouvés dans l’angle nord-est du cloître.

La découverte d’un ensemble sculpté exceptionnel

La mise au jour d’un ensemble lapidaire exceptionnel, constitué par l’arcature est du cloître détruite pendant la guerre de Cent Ans, constitue peut-être la découverte majeure de notre intervention. Une soixantaine de pierres taillées et sculptées, dont certaines peintes, ont été mises au jour. Cet ensemble comprend des bases, des colonnes, huit chapiteaux à décors de végétaux ou historiés, quatre fragments de tailloirs, une série de claveaux et des frises d’arcs. Les éléments sculptés sont souvent brisés ou incomplets (un seul chapiteau est intact). de plus, la totalité de l’arcature n’a pas été conservée. En effet, des récupérations ont été pratiquées entre le milieu du XVe et le début du XVIe s. pour être remployés dans les contreforts de l’église. Ce mobilier a tout de même permis une reconstitution graphique de l’élévation de l’arcature qui comptait huit arcades richement ornées.

Cet ensemble lapidaire, daté de la première moitié du XIIe s. par le style de la sculpture, est du plus grand intérêt pour l’histoire de l’art médiéval en Quercy. Il se place dans les grands courants artistiques de l’époque (Moissac, Cahors, Toulouse). Pour cette raison, il nécessiterait à lui seul une présentation muséographique sur le site même du prieuré.

Les modes d’inhumation du Moyen Âge au XIXe s.

La fouille d’une quarantaine de sépultures comprises entre la fin du XIe s. et le début du XIXe s. a permis d’établir une typo chronologie des inhumations. Toutes orientées ouest-est (tête à l’ouest), elles sont dans la majorité des cas pratiquées dans des coffres bâtis en pierre calcaire de forme trapézoïdale ou anthropomorphe . Les plus anciennes sont soigneusement construites, parfois liées au mortier, et conservent dans deux cas un dépôt de poteries. Ces sépultures, peu nombreuses, sont réparties dans le cloître et à la périphérie de l’église.

Ce n’est qu’au début de l’époque Moderne (à partir du XVIe s. environ) que les inhumations sont concentrées dans le cimetière, au sud de l’église. Celui-ci sera utilisé jusqu’en 1831, date de son transfert à son emplacement actuel. Cas exceptionnel pour le midi de la France, et qui semble propre au Quercy, les tombes sont bâties en pierre pratiquement jusqu’au XIXe s., alors qu’ailleurs ce type de sépulture est abandonné au XVe XVIe s. au profit des cercueils et des caveaux. Les cercueils ont d’ailleurs été rarement rencontrés dans la fouille. de même, aucune tombe d’enfant n’a été mise au jour, ceux-ci ayant généralement leur propre cimetière.

L’intervention menée à Catus nous paraît exemplaire de l’intérêt que peut revêtir une fouille de sauvetage aux abords d’un Monument Historique. Ses résultats probants sont d’abord dus à une parfaite collaboration entre la Conservation Régionale des Monuments Historiques et le Service Régional de l’Archéologie. En second lieu, c’est le site lui-même, peu perturbé et d’un grand intérêt, qui a permis des découvertes riches en nouveautés pour la connaissance du prieuré de Catus, et plus largement pour l’archéologie lotoise.

Bernard POUSTHOMIS