HADÈS Archéologie

Porte Bécharie, Hôtel Clédat

Nos métiers Production scientifique Opérations Porte Bécharie, Hôtel Clédat

Fiche

  • Responsable : Patrick BOUVART, Dimitri PALOUMBAS
  • Période de fouille : 2008
  • Localité : Uzerche (Corrèze)
  • Type d’opération : 
  • Période :  ,
  • Agence : MIDI

Résumé

La porte Bécharie et l’hôtel Clédat sont la propriété de la mairie d’Uzerche (fig. A). Ils ont été classés au titre des Monuments Historiques le 6 mai 1907. Désaffectés, les bâtiments font depuis 2000 l’objet d’un projet de sauvegarde établi par M. Stefan Manciulescu, ACMH. La commune souhaite, à terme, les valoriser et les réhabiliter. En raison de l’importance historique et archéologique de cet ensemble architectural, le Service Régional de l’Archéologie du Limousin a prescrit une étude préalable à tous travaux.

L’étude associe une recherche historique, une analyse archéologique des élévations et des sondages. M. Dimitri Paloumbas a effectué la recherche documentaire. La synthèse des données s’attache à relater les renseignements relatifs à la porte Bécharie et à l’hôtel Clédat. Toutefois, elle intègre nécessairement un panorama du contexte historique et archéologique du centre bourg d’Uzerche. M. Patrick Bouvart a été en charge de l’étude archéologique du bâti et des sondages. A l’issue des opérations de terrain, des bois ont été déterminés pour des prélèvements en vue de datations par expertise dendrochronologique. Cette intervention a été confiée à Madame Christelle Belingard. Une vingtaine de prélèvements a permis de préciser les chronologies de certaines campagnes de construction. L’étude historique et archéologique de la porte Bécharie et de l’hôtel Clédat a abouti à l’identification d’une dizaine de phases marquant l’évolution de cet ensemble architectural. Les chronologies des vestiges sont réparties entre le début du XIVe siècle et le XXe siècle, mais la démarche a pris en considération une grande part des connaissances et hypothèses sur la morphogénèse urbaine d’Uzerche. Elle a ainsi mis en exergue la persistance de l’ignorance concernant l’emprise et la nature des diverses fortifications suggérées par l’historiographie.

La première structure envisagée dans le secteur Bécharie serait une chaussée (Phase I). Son tracé ne correspondrait pas obligatoirement à celui des actuelles rues Gaby Furnestin et Jean Gentet. Plus sinueux, il pourrait se conformer aux contraintes imposées par le relief. Cette voie desservirait le culmen de l’éperon où une occupation continue est avérée depuis la période protohistorique. Au Moyen âge, l’agglomération uzerchoise est étroitement liée à l’implantation d’un castrum et d’une abbaye. L’édification d’une première fortification est, à ce titre, suggérée par des tiers de sous d’or du VIIe siècle portant l’inscription : Userca cas, User castro. Cependant, la chronologie de cette construction et son emprise demeurent hypothétiques. Cette enceinte pourrait se révéler très restreinte et exclure le secteur Bécharie. En outre, elle n’aurait peut-être pas connu d’accroissement à la période carolingienne laissant extra muros l’église Notre-Dame léguée à l’abbaye d’Uzerche en 992 par le vicomte Archambaud de Comborn. Cette situation aurait perduré jusqu’à la seconde moitié du XIIIe siècle, justifiant ainsi une division territoriale lors de la création des paroisses Saint Nicolas et Notre-Dame de Bécharie. L’architecture attribuée à la phase II est insuffisamment conservée pour être identifiée : simple porterie ou véritable tour porte (fig. B). Les vestiges se résument aujourd’hui à un passage couvert adoptant un système défensif : assommoir herse vantaux. Un étage était originellement affecté à une chambre de herse. Il n’en subsiste plus qu’une maçonnerie. L’hypothèse d’une portion de courtine attenante, à l’est, a été émise pour justifier la position topographique de la porte. L’implantation d’un dispositif de contrôle et de défense de la voie au niveau de la porte Bécharie ne peut pas être envisagée avec certitude avant le début du XIVe siècle. Elle pourrait éventuellement suivre ou accompagner une campagne de fortification observée vers 1320 lors des fouilles de l’abbaye. Les plus anciens vestiges conservés en élévation (phase II) n’appartiennent d’ailleurs pas nécessairement à la construction primitive. Ils peuvent correspondre à une réparation mentionnée en 1339, même si la source évoque la porte Barrachaude. Ils peuvent également résulter d’une reconstruction postérieure, éventuellement consécutive à l’un des trois sièges que la ville a subi en 1347, 1352 et 1354. La construction est néanmoins antérieure à 1366, terminus imposé par une expertise dendrochronologique de la phase III.

La phase III datée de l’année 1366 intègre la construction d’un bâtiment adossé à la porterie (fig. C). Une partie de ses élévations a été préservée, mais elle s’avère insuffisante pour identifier la fonctionnalité de cet édifice. L’hypothèse d’une habitation n’est soutenue par aucun argument. Le commanditaire demeure également inconnu. La porte Bécharie ou Barrachaude ainsi que l’édifice établi en phase III subissent ensuite une importante destruction dont la chronologie et les raisons restent indéterminées (phase IV). L’étude historique n’offre que la mention d’un tremblement de terre en 1372 pouvant justifier de tels dégâts, mais compte tenu de l’insuffisance de sources, cette interprétation demeure hypothétique.

Suite à cet évènement, la porterie est reconstruite (phase Va). Un bâtiment lui est adjoint à l’est, adossé à la supposée portion de courtine. La qualité et les particularités de cette architecture ont alors conduit à considérer une mention de Géraud de Pradel, seigneur de la porte Barrachaude comme une éventuelle identification de propriétaire. En outre, la construction d’un four à pain suggère l’hypothèse d’un local seigneurial dédié à l’exercice d’activités soumises à des droits banaux (phase Vb). Cette seigneurie confirmée par les sources à partir de 1420 relève soit de l’abbaye ou du vicomte de Comborn. À notre connaissance, ce dernier n’a concédé que l’église Notre-Dame de Bécharie en 994. Il a ainsi pu conserver une partie de la ville. Dans les deux cas, le XVe siècle est probablement marqué par le contrôle d’Uzerche assuré par la famille Comborn puisque Guichard de Comborn est abbé d’Uzerche entre 1433 et 1466.

Toutefois, faute d’indice chronologique pour dater ces deux phases, ces rapprochements demeurent des supputations. En effet, les campagnes de reconstruction ont pu avoir lieu seulement au début du XVIe siècle.

La reconstruction de l’édifice établi en phase III intervient dans une chronologie relative difficile à situer par rapport à la phase Va de la porterie (fig. D). L’emprise au sol du bâtiment est étendue. Les élévations témoigneraient en faveur d’une maison polyvalente, partagée entre des espaces résidentiels et des espaces de stockage probablement à fonction commerciale. Les chronologies obtenues à partir d’échantillons dendrochronologiques situent une part des travaux entre 1465 et 1530. Elles évoquent également un réaménagement de la distribution des espaces intérieurs entre 1514 et 1554. Cette période et la fonctionnalité de l’édifice autorisent l’hypothèse d’une attribution de la propriété à Léonard Clédat, marchand, cité par des sources à partir de 1557. Les guerres de Religion entraînent une importante destruction de l’ensemble des édifices érigés en phase V. Les sources n’apportent aucun détail sur la chronologie et les modalités de cette ruine.

La phase VII comprend la reconstruction de l’ensemble des bâtiments et un accroissement du corps de logis des Clédat par deux adjonctions. Les nouvelles dispositions des espaces confirment l’appartenance de l’ensemble à un seul propriétaire ou une seule famille, certainement les Clédat. L’acquisition de la porterie et du bâtiment hypothétiquement attribué jusqu’ici aux Pradel a pu s’effectuer vers 1610. À cette période, Vincent Clédat bénéficie d’importants revenus en tant que fermier de l’abbaye de Vigeois. Ils ont pu servir à financer le rachat et une partie des travaux. Une source mentionnant la construction de la porte Barrachaude en 1611 semble ainsi recevable, même si le risque de confusion persiste. Dans le cas d’une erreur, la typologie de divers éléments architecturaux, notamment des bouches à feu, favorise une estimation chronologique restreinte à la première moitié du XVIIe siècle. L’acquisition a alors pu se conclure lors de transactions aboutissant au mariage d’Antoine Clédat et Michelette de Pradel en 1646.

Les héritiers d’Antoine, Joseph Hélie de Clédat et sa femme, procèdent vers 1690 à la décoration d’une petite pièce éventuellement employée comme chapelle domestique. Un ensemble de fresques représentant des Sybilles et des Césars y est réalisé, probablement par le peintre Michel Cibille (fig. E).

Dans une période indéterminée comprise entre le milieu du XVIIe siècle et le début du XIXe siècle, un bâtiment est ajouté en extension au nord du logis primitif des Clédat. La fonctionnalité de ses étages installés sur une cave voûtée demeure ignorée. Les carrières des Clédat tournées vers la magistrature ne semblent plus liées à une activité marchande, mais une persistance dans le domaine n’est pas totalement exclue puisque certains reprennent ponctuellement la charge de fermier de l’abbaye de Vigeois.

L’expertise dendrochronologique des bois des planchers de l’extension au sud du logis des Clédat a mis en évidence une phase de réfections entre 1762 et 1790, probablement vers 1765. Elle serait ainsi attribuable à Henry Victor de Clédat.

Enfin, d’importantes transformations sont apportées par Martial Gabriel de Clédat entre 1812 et 1849. La plus remarquable est sans doute la construction d’un nouvel escalier desservant les étages à partir du niveau 3 (rez-de-chaussée sur rue). Les initiales MGC intégrées à la rampe en fer forgé de la première volée justifient cette attribution (fig. F). En conclusion, l’étude archéologique de l’hôtel Clédat et de la porte Bécharie n’est pas achevée. D’une part, les travaux de restauration devraient susciter une surveillance archéologique. En effet, le nettoyage de certaines maçonneries pour leur réfection pourrait révéler la présence de bois de construction dont l’expertise dendrochronologique est susceptible d’améliorer les chronologies. Les principaux secteurs concernés sont les sols des ES 401 et 402 établis sur des voûtes. D’autre part, plusieurs sondages complémentaires ou suivis de tranchées seraient indispensables. Certains seraient implantés sur la chaussée, en amont et en aval du passage de la porte Bécharie car la détermination topographique et chronologique de cet aménagement s’avère essentiel pour saisir l’évolution morphologique du centre bourg. D’autres seraient répartis de chaque côté du mur M20, sur la parcelle cadastrale 249 et à l’intérieur du bâtiment 1. Ils offriraient un aperçu des diverses périodes d’occupation de ce secteur. Les principaux objectifs seraient alors de vérifier le postulat d’une courtine attenante à la porte Bécharie et déterminer la chronologie de construction et la fonctionnalité du bâtiment 1.

Patrick BOUVART, Dimitri PALOUMBAS