HADÈS Archéologie

Place Lemaigre Dubreuil

Fiche

Résumé

L’intervention archéologique menée par la société Hadès à Solignac durant les mois de mai et juin 2014 a été réalisée dans le cadre d’un projet de réaménagement de la place Lemaigre Dubreuil et de ses abords, sous maîtrise d’ouvrage de la Commune de Solignac et de la Communauté d’agglomération Limoges Métropole. Cette fouille avait pour objectif principal d’étudier les vestiges du haut Moyen Âge et les fossés de l’enclos abbatial, mis au jour lors d’un diagnostic archéologique effectué au printemps 2013 par l’Institut National de Recherches Archéologiques Préventives (dir. Emmanuel Barbier).

Sans nul doute, la découverte de stocks de grains en place, sous la forme de fosses-silos alto-médiévales, constitue l’un des faits majeurs de cette fouille (fig. 1). La densité des fosses autorise à penser qu’elles participaient d’une véritable « économie » de stockage, en lien avec les revenus en nature que percevait l’abbaye. Plusieurs indices fiables, dont un puissant remblai dans lequel ont été aménagés de très nombreux trous de poteau, suggèrent que cette activité de stockage s’est perpétuée sous une autre forme (aérienne), durant le haut Moyen Âge toujours. De toute évidence, l’enclos était délimité au nord par une structure fossoyée à fond plat, que nous interprétons en première lecture comme un fossé essentiellement ostentatoire, ou en tout cas ne participant pas d’un véritable système de défense (fig. 2). L’ensemble de ces événements a été réuni dans une vaste période couvrant les VIIe-IXe siècles (phase 1).

Un deuxième apport important de cette fouille a été la mise au jour de plusieurs sédiments dont la principale caractéristique est de receler une très grande quantité de charbons et de graines carbonisées. Ces « couches noires », comme nous les avons appelées, semblent se rapporter à un incendie attribué, selon plusieurs sources, aux Normands (années 860, phase 2). Bien sûr,  les paléo-semences piégées dans ces niveaux ont constitué une mine d’information pour l’étude carpologique ; en effet, elles documentent de façon précise la nature des réserves de produits (grains essentiellement) de la phase précédente.

S’ensuivent deux périodes à vrai dire mal documentées par la fouille, durant lesquelles l’enclos semble avoir connu une occupation d’une nature différente de la précédente, constituée pour l’essentiel de puissants bâtiments en dur (phases 3 et 4, IXe-XIIe siècles). Cette réorganisation de l’enclos est allée de pair avec le creusement d’un nouveau fossé mesurant au minimum 14 m à l’ouverture, d’un aspect plus défensif que le fossé sud, dont il reprend le tracé. À la lumière des données textuelles, cette mise en défense, ainsi que la construction de bâtiments au sud, pourraient trouver un début d’explication dans le contexte socio-historique de cette période, marqué par des conflits naissants entre les abbés et la « société civile » de Solignac.

Il faut toutefois attendre les années 1200-1300 pour voir apparaître des preuves concrètes d’un investissement de l’enclos par les habitants laïcs. Ceux-ci font bâtir des maisons à l’intérieur du périmètre de l’ancien castrum, occasionnant la rétraction de celui-ci autour de l’église abbatiale, et le rebouchage du fossé défensif. La phase 5 (XIIIe-XVe siècles) est sans conteste la deuxième grande période de cette fouille, après celle du haut Moyen Âge. Les trois vestiges d’habitations qui ont été exhumés au cours de cette opération, auxquels nous associons une galerie excavée découverte en fin de fouille, constituaient les vestiges architecturés les mieux conservés du chantier, toutes périodes confondues (fig. 3).

L’occupation de l’enclos sous la forme de bâtiments empierrés s’est poursuivie au-delà du Moyen Âge, ce dont attestent trois édifices : un probable logis, bâti en appui des maisons médiévales, un édifice absidial indéterminé, et un troisième bâtiment de moindre ampleur, dont la géométrie du plan (carrée) a été remarquée. Ces trois ensembles auraient été construits durant l’Époque moderne (phase 6), période durant laquelle les logis de la période précédente continuèrent à être habités.

Le site n’a été remanié en profondeur qu’à la toute fin du XIXe siècle, lorsqu’il fut décidé d’y transférer le champ de foire. Les vestiges de la bascule publique, retrouvés au nord-ouest de la zone de fouille, illustrent cette séquence (phase 7).

La fouille de Solignac a donc contribué, certes modestement, à accroître les connaissances sur l’organisation de l’enclos du « premier » monastère de Solignac, par la mise en évidence d’une vaste aire de stockage des grains du haut Moyen Âge, au nord de cet espace. Il resterait pourtant encore beaucoup à faire, du point de vue de l’archéologie, pour restituer les différentes « aires fonctionnelles » de cet enclos, tel qu’on peut l’imaginer, par exemple, à l’observation du célèbre plan de Saint-Gall. Gageons que des recherches futures permettent de poursuivre cette enquête, à Solignac bien sûr, mais aussi dans d’autres sites monastiques du Limousin.

Dimitri PALOUMBAS-ODILE