HADÈS Archéologie

Place de l’église Saint-Martin

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Fiche

Résumé

Suite à un projet d’aménagement de la place de l’église à Hure, et à la destruction d’une mosaïque datée du IVe siècle de notre ère, le Service Régional d’Archéologie a décidé de l’urgence d’une fouille de sauvetage. La profondeur des travaux de réaménagement étant limitée, le cahier des charges ne prescrivait qu’un nettoyage de surface. La superficie concernée est d’environ 350 m². Malgré des investigations restreintes, les informations récoltées ont été riches et nombreuses.

Trois états romains ont pu être reconnus lors du nettoyage et des différents sondages menés sur la place de l’église.

• Avant le début du premier siècle de notre ère on trouve un premier état avec le mur M6. Il est associé à une mosaïque et un niveau de sol.

• Autour du milieu du premier siècle, l’ensemble connaît un premier remaniement, dans ce qui semble être une extension vers le nord. On construit un mur en abside (M5), qui vient reposer contre M6 (qui est conservé). Le niveau de sol (au nord) est remblayé sur une cinquantaine de centimètres. Parallèlement, on construit M2, au nord duquel on trouve un niveau de sol extérieur à une altitude identique à celui de M5.

• Un dernier état intervient aux alentours des IIIe et IVe siècles. Toutes les structures sont arasées puis remblayées sur 0,70 0,80 m. Le centre de la place est « bétonné » pour former un grand espace bordé au nord par M3, à l’ouest par M4 et au sud par M7. Cette cour intérieure est flanquée de bâtiments relativement importants : probablement une galerie mosaïquée au nord (à laquelle on accède par un emmarchement, son niveau de sol étant à 0,20 m au-dessus du sol de la cour), des pièces en enfilade dont une grande abside au sud.

• Les deux derniers états romains sont tout à fait remarquables si l’on considère la mise en œuvre des constructions. En effet, les remaniements successifs ont consisté en un remblaiement systématique du terrain (d’abord 0,50 m puis 0,70 à 0,80 m), et les niveaux de sols rencontrés sont exactement à la même altitude de part et d’autre de la place, alors que l’on s’attendrait à ce qu’ils suivent un pendage sensible dû à la topographie du terrain. Nous avons donc la marque d’un aménagement en plateau de la colline du bourg de Hure. Les difficultés rencontrées, probablement dès les hautes époques et encore aujourd’hui, pour le maintien des terres de cette terrasse montrent le caractère monumental des constructions romaines, qui ont dû nécessiter l’intervention d’une ingénierie civile développée. Une étude géologique sur le mur de soutien de cette terrasse, et les terres entre les arcades qui le portent, est en cours pour tenter de comprendre l’histoire de l’aménagement de la terrasse.

Après l’abandon du site, une occupation vient perturber les vestiges romains autour des VIIIe Xe siècles. Ces derniers ne semblent pas réutilisés, et font place à des constructions légères en bois (signalées par la présence de trous de poteaux).

Vers le XIe siècle, on construit l’église autour de laquelle on implante un cimetière qui perdure jusqu’en 1870, date à laquelle il est abandonné. On nivelle alors les terres jusqu’au niveau de la place actuelle. Ce dernier fait explique le peu de sépultures mises au jour lors du nettoyage.

Cette opération a mis en évidence la très haute sensibilité archéologique de la place de l’église de Hure. Les vestiges romains affleurant (notamment les mosaïques 1 et 2) ont déjà largement souffert de l’érosion du temps mais aussi des manipulations humaines. Il semble urgent de protéger ces structures.

Il est difficile de cerner un secteur archéologique sensible sur la commune de Hure. Où que l’on se trouve au nord du chemin départemental n° 224 et de la voie communale n° 3, depuis le lieu-dit Julians jusqu’au canal latéral, il semble que les vestiges romains soient omniprésents. Les sources bibliographiques de même que notre opération ou les témoignages confirment cette impression d’une occupation du bourg depuis l’âge du bronze, occupation extrêmement importante et développée aux périodes romaines sans solution de continuité jusqu’à nos jours.

La commune d’Hure a été le cadre de nombreuses découvertes archéologiques depuis le milieu du XIXe siècle. Les érudits locaux considéraient ce site comme étant la cité d’Ussubium sur l’itinéraire d’Antonin. Cette opération archéologique n’a pas pour but de répondre à ces questions. Cependant elle lève un peu plus le voile sur l’étendue et l’importance des richesses du sous-sol de Hure, montrant ainsi l’intérêt qu’il y aurait à entreprendre une étude de plus grande ampleur, tant documentaire qu’archéologique. Il faut aussi souligner le caractère monumental des édifices mis au jour lors du nettoyage, à travers la mise en place de superstructures visant à maintenir une terrasse artificielle, la construction d’une cour intérieure de plus de 550 m2 et la composition même du sol de cette cour, un mélange de mortier et de béton d’une épaisseur d’environ 0,30 m. La présence à Hure d’une très importante villa ou d’une petite cité pourrait relancer le débat tant sur l’organisation géographique des centres antiques que sur les voies dont on cerne mal le tracé (rive gauche/rive droite) à cet endroit. de plus, les indices d’une occupation continue depuis l’époque romaine jusqu’à aujourd’hui sont suffisamment rares pour qu’ils méritent que l’on s’y intéresse.

Olivier HENRY