HADÈS Archéologie

Lou Cros (ZAC du Causse)

Fiche

  • Responsable : Nicole GANGLOFF
  • Localité : Labruguière (Tarn)
  • Type d’opération : 
  • Période : 
  • Agence : MIDI

Résumé

1996

Un projet de création de ZAC sur le plateau du Causse de Labruguière (Tarn), a nécessité une évaluation archéologique sous forme de sondages discontinus (surface du site = 20000 à 21000 m² ; surface fouillée = environ 10%). Cette campagne de sondages a permis de compléter les données récoltées à l’occasion d’une première intervention sur le tracé de la future voirie et d’esquisser un panorama plus complet de l’occupation humaine, particulièrement à l’époque antique.

L’organisation qui se dégage du site est celle, dans les dernières décennies avant notre ère et au début du siècle suivant d’une occupation humaine éclatée, dispersée sur une grande partie du plateau.

Assainie et délimitée par un réseau fossoyé, celle-ci s’articule autour de quelques noyaux en « dur » : bâtiment rectangulaire, grande zone empierrée (peut être intérieur d’un bâtiment), à la périphérie desquels s’organisent des activités rurales et artisanales (foyers) .

Cette occupation est d’autant plus intéressante qu’elle paraît en l’état des choses échapper à l’imagerie traditionnelle de la villa gallo romaine, grande résidence rurale du maître, de sa famille et de sa domesticité. Mais nous savons aujourd’hui, car l’archéologie commence à en fournir maints exemples, que de petites structures (bergeries, étables, etc.) rattachées administrativement et servilement à ces vastes domaines mais géographiquement plus ou moins éloignées des lieux résidentiels émaillaient le tissu rural. Il est par conséquent particulièrement intéressant de déterminer quel type d’habitat et d’activités se sont implantés à l’époque antique sur ce causse au nord est duquel passe une voie antique . Ajoutons qu’en ce qui concerne notre région nous avons peu d’informations sur ce type de structures.

Il est à remarquer que l’emplacement d’une aire empierrée qui survient dans une petite dépression très en bas de pente, quasiment à l’extrémité de ce plateau surplombant le Thoré, est inhabituel et suscite bien des interrogations. En effet, la forte rupture de pente, une quinzaine de mètres plus loin, profondément creusée et ravinée par les lits des ruisseaux et les chenaux dus aux eaux de ruissellement qui ont affouillé les berges, a dû poser un certain nombre de problèmes aux occupants du lieu même si la topographie à l’époque antique n’était pas tout à fait semblable à l’actuelle. Cette situation particulière trouve peut être son explication dans la nature des activités qui étaient pratiquées en ce lieu.

Nicole GANGLOFF

1997

Préalablement à l’aménagement d’une ZAC sur le Causse de Labruguière (Tarn), une fouille de sauvetage a été prescrite par le Service Régional de l’Archéologie. Celle-ci faisait suite à l’évaluation réalisée en décembre 1996.

La fouille du site de Lou Cros a révélé plusieurs phases d’occupation dont la plus ancienne est une implantation indigène qui n’est pas antérieure au début du second siècle avant J.-C. Celle ci, seulement détectée ponctuellement au cours de l’intervention se caractérise par des sols rubéfiés et des fossés peu larges (entre 40 et 60 cm), stériles dans leurs portions sondées et comblés de sédiment charbonneux. En raison de la nature argileuse du terrain, d’autres structures en creux potentielles (sablières basses, trous de poteaux…) n’ont pas été détectées. Deux structures de combustion à galets n’ayant livré aucun mobilier pourraient être rattachées à cette occupation. La céramique appartenant à cette période est essentiellement constituée d’amphores du type Dressel 1 et de quelques exemplaires gréco italiques apparaissant en utilisation secondaire dans l’occupation postérieure.

A l’époque augustéenne, la mise en place d’un vaste enclos fossoyé condamne ces aménagements : trois bâtiments en matériaux périssables dont deux présentent des solins en pierres sèches entrecoupés de trous de poteaux et présentant des restes d’enduits peints sont aménagés sur les fossés antérieurs. Cette technique de la sablière basse interrompue, peu employée généralement sur les sites d’époque romaine, semble être l’expression d’une forte adhésion locale à l’ancien fond indigène. L’usage privilégié de la terre et du bois, matériaux vernaculaires, caractérise en effet ce site qui, jusqu’à son abandon vers la fin du I er ou le tout début du second siècle après J.-C., n’utilisera la pierre qu’en fondation, legs indubitable de la romanisation.

La fouille n’a touché qu’une partie de cet habitat à vocation vraisemblablement agro-pastorale, dont la superficie globale peut grâce aux sondages d’une campagne précédente et à la confirmation par photographie aérienne être estimée à 5100 m² . Au moins trois phases d’aménagement spatial y sont perceptibles malgré le délabrement et l’arasement considérable des structures. Elles concernent en premier lieu l’édification de bâtiments résidentiels et la création d’un empierrement destiné à faciliter la circulation à l’intérieur de l’enclos. Dès cette époque (première moitié du I er s. ap J. C.) des fours métallurgiques (forge) fonctionnent à proximité de l’une des constructions. Sous Claude, l’aire de circulation est rechargée à l’aide de matériaux hétérogènes et transformée en cour où un chemin d’accès mène à l’une des résidences ; une nouvelle génération de fours voit le jour et un mur bahut isole les maisons du fond ouest de l’enclos, apparemment réservé au stockage des déchets. L’ultime aménagement à la fin du I er s. touche les fossés qui sont comblés systématiquement (mais pas sur la totalité du périmètre) par de grandes quantités de céramiques et de matériaux divers laissant à penser qu’un mur en terre crue aurait pu venir partiellement ceinturer l’habitat.

À l’extrémité nord est de cet enclos et en dehors de celui-ci, l’intervention a révélé un puits d’une profondeur minimale de 3,50 mètres et des négatifs de murs. Cette position excentrée associée aux indices au sol d’un probable mécanisme démultiplicateur destiné à puiser l’eau pourrait s’expliquer par la présence d’un troupeau de bovidés ou d’ovicapridés paissant à proximité de l’habitat, des bâtiments d’exploitation (étable, bergerie) pouvant se rattacher à cette entité.

Le contexte global dans lequel s’insère cette ferme habitat d’une incontestable aisance demeure difficile à appréhender. Il est certain que les tronçons de fossés détectés à l’est et au nord du plateau ainsi que les restes éparpillés de structures informelles matérialisent sur plusieurs hectares du causse une occupation des sols complexe. Aménagée à l’époque augustéenne à proximité d’une voie antique dont les dimensions évoquent les cardines des cadastrations romaines celle-ci pourrait fort bien s’insérer dans une organisation parcellaire dont la maille reste à découvrir. Sa présence dans cette zone du Castrais n’est en tout cas pas isolée et contribue à compléter le schéma évolutif et notre perception de cette micro région.

Nicole GANGLOFF