HADÈS Archéologie

L’issart

Fiche

  • Responsable : Julien VIAL
  • Période de fouille : 2010
  • Localité : Naucelle (Aveyron)
  • Type d’opération : 
  • Période : 
  • Agence : MIDI

Résumé

La fouille, sur la commune de Naucelle, du site de l’Issart a été réalisée dans le cadre du doublement de la RN88 dans le département de l’Aveyron. du 15 mars au 16 avril 2010, cette opération a permis l’étude sur un peu moins de 3000 m2, de l’essentiel – si ce n’est de l’intégralité – d’un établissement rural du début de notre ère implanté dans un secteur encore mal connu de la cité des Rutènes.

Le site est implanté sur un léger relief, en haut d’un versant orienté au sud-ouest. Conséquence de cette localisation, les vestiges se sont avérés largement arasés, les niveaux de sols n’étant en particulier que très ponctuellement conservés.

L’occupation du relief de l’Issart prend tout d’abord la forme d’un fossé d’orientation nord-ouest/sud est formant un retour à angle droit vers le sud. Cette structure qui matérialise probablement une limite parcellaire a été aménagée à la fin du Ier s. av. J. C., peu de temps avant que ne soit implanté l’établissement proprement dit.

Au début de notre ère, le fossé est volontairement comblé et deux bâtiments ainsi qu’un important four sont édifiés sur le site. Cet établissement est occupé durant les deux premiers tiers du Ier s. apr. J. C.

L’édifice principal de cet ensemble, d’une superficie de136 m2, présente un plan en L. Il comprend notamment une vaste salle à abside, sans doute à vocation domestique, ainsi que deux pièces probablement consacrées au stockage voire à des activités de production. Le recours à un plan absidial pour une pièce d’habitat au sein d’un établissement rural modeste s’avère particulièrement inhabituel ; nous n’en connaissons pas d’autre exemple en Gaule. Les modes de construction de ce bâtiment sont largement déterminés par les ressources locales en matériaux. Ainsi, les murs sont constitués d’une probable élévation en terre reposant sur un solin en schiste lui-même érigé sur une tranchée de fondation comblée par un bourrage de pierres. Les différentes pièces sont dotées de sols en terre battue. Quant aux couvertures, il est vraisemblable qu’elles aient été réalisées en tuiles. Si ces modes de construction peuvent sembler relativement frustes, la mise en œuvre du bâti témoigne cependant d’un soin certain. On note par ailleurs que le plan du bâtiment a été conçu avec comme module, le pied romain.

Le second bâtiment situé à quelques mètres au nord du précédent est une construction rectangulaire d’environ 10 m2, à pièce unique. Il présente la particularité d’être entièrement ouvert à l’ouest. Cette caractéristique suggère que cet édifice a pu être consacré à des activités de production. Toutefois, aucun autre élément ne permet de confirmer cette hypothèse. Les modes de construction sont globalement comparables à ceux du bâtiment précédent si ce n’est que les murs sont directement fondés sur une simple assise de blocs de schiste. Cet édifice est implanté sur une vaste fosse recoupant le fossé et qui a sans doute été destinée à l’extraction du sédiment nécessaire aux élévations du bâtiment à abside. Il apparaît enfin que ce second bâtiment a été reconstruit avec un léger changement d’orientation, peut être à la suite de l’incendie de son état initial.

Le four est lui, implanté à l’écart des deux bâtiments, sur le point culminant du site. Cet élément atypique correspond à un four semi enterré étroitement intégré à un petit édifice l’abritant des intempéries. Cette construction rectangulaire de près de 22 m2 de superficie est dotée de solides fondations bâties en blocs de schiste. Quant au four proprement dit, il présente une chambre circulaire, d’environ 2 m de diamètre, associée à un court alandier intégré à la façade nord de l’édifice. La chambre était couverte par une voûte en encorbellement. Bien que semi enterré, ce four n’est pas doté d’une sole suspendue. Aussi bien le dallage de son fond que l’ensemble de ses parois sont exclusivement constitués de tegulae pour la plupart retaillées et liées à l’argile. L’alandier s’ouvre sur une aire de chauffe excavée. Le four de l’Issart s’avère être tout à fait atypique et ses caractéristiques ne correspondent ni à celles d’une structure à vocation artisanale, ni à celles d’une structure destinée à traiter des céréales ou de la viande. Il présente par contre de nombreuses similitudes avec des fours de boulangerie mis au jour dans certaines agglomérations antiques et au sein de plusieurs camps légionnaires du limes. Il est donc vraisemblable que le four de l’Issart soit en définitive un four à pain.

Sans que l’on puisse établir de lien avec le four, une petite concentration de carporestes carbonisés a été mise en évidence à proximité du bâtiment à abside. Le blé nu est prédominant au sein de cet ensemble.

Cinq grandes fosses circulaires sont présentes dans la partie orientale de la fouille. Ces excavations ont sans doute permis l’extraction de l’argile nécessaire aux élévations des différents édifices du site. Certaines de ces fosses ont ensuite été partiellement comblées par des vidanges du four.

Enfin, à une soixantaine de mètres au sud est du bâtiment à abside, en bas de versant, a été mise au jour une vaste fosse oblongue et peu profonde. Cette structure dont la vocation initiale demeure indéterminée a été comblée par des apports successifs de matériaux de destruction provenant des bâtiments gallo romains. Ces déblais ont donc probablement été rejetés lors d’une mise en culture du relief postérieure à l’abandon de l’établissement du Ier s. apr. J. C. Le site de l’Issart fait en définitive partie de ces multiples petits établissements qui constituent entre agglomérations et villae les éléments fondamentaux du système agraire gallo-romain.

Dans le cas de l’Issart, il apparaît tout d’abord que l’établissement mis au jour associe des espaces ayant une vraisemblable vocation domestique à des pièces ainsi qu’un équipement liés à des activités productives ce qui atteste que l’on ne se trouve pas en présence d’une simple annexe agraire à vocation exclusivement utilitaire. Si l’établissement de l’Issart possède des espaces domestiques distincts, la part réservée à l’habitat y est néanmoins modeste. Par ailleurs, à l’exception du four, les espaces potentiellement destinés au stockage et à la transformation des denrées y sont en définitive limités et paraissent en conséquence peu compatibles avec la pratique d’une activité vivrière diversifiée propre à une exploitation familiale pouvant être qualifiée de ferme. A contrario, l’importance du four qui constitue l’équipement technique central du site témoigne d’une spécialisation de la production. Cette orientation vers une activité spéculative laisse en définitive à penser que l’établissement de l’Issart a sans doute constitué la dépendance d’un centre domanial. Peut-être les vestiges signalés au lieu-dit Bel Air, à un peu plus d’un kilomètre au nord de l’Issart, correspondent ils à ce dernier.

Au-delà de cette question de statut, la grande originalité de l’établissement de l’Issart réside dans la nature de sa production : en effet, tout laisse à penser que le four du site soit destiné à la cuisson du pain. Or nous n’avons pu trouver en Gaule, d’attestation de structure de capacité comparable au sein d’un établissement rural. Tous les fours proches de celui de l’Issart ont été mis au jour soit dans des agglomérations, soit dans des camps légionnaires. Une expérimentation a d’ailleurs permis de montrer que ce type de four permet de cuire en une fournée, une soixantaine de pains. Cela pose donc la question de la destination de la production du four de l’Issart. La fouille du site de la Ramière, dans le Gard, a toutefois permis l’étude d’une annexe agraire dotée de structures collectives de production de pain, production éventuellement destinée à l’alimentation des équipes travaillant dans les champs alentours. Une fonction similaire pourrait donc être éventuellement envisagée pour le four de l’Issart.

Julien VIAL