HADÈS Archéologie

Le château

Fiche

Résumé

2002, opération préventive

Malgré son état de conservation, le château de Bournazel conserve de nombreux indices de son organisation originelle. L’analyse architecturale, appuyée sur la lecture des sources écrites et iconographiques, permet de déterminer les dispositions initiales et de les rapprocher des vestiges conservés. Il est ainsi possible de proposer une restitution du volume et de l’élévation est de l’aile orientale (fig. 51 à 53). Ce travail de restitution suppose quelques réserves et ne doit pas être pris à la lettre dans ses détails. Il constitue une évocation relativement fidèle mais insuffisamment documentée dans le cas présent. Nous n’avons pas disposé, en particulier pour la façade est, de relevés de détail très précis . Les circulations originelles et les fonctions des salles au début du XVIIIe siècle peuvent aussi être restituées et confrontés à l’état actuel de l’édifice (fig. 54). La consultation de ces figures permet de repérer aisément sur place les éléments disparus, les anciennes circulations et les modifications.

Il reste toutefois à veiller à ce que les travaux de piquetage des murs à venir soient l’objet d’un regard averti pour que de nouvelles données ne soient pas perdues . Il convient aussi de signaler, dans l’éventualité de dégagements à venir, qu’une partie des éléments de décor disparus de l’aile orientale se trouvent peut être enfouis dans les remblais qui comblent la tour sud et une partie de la salle basse . Enfin, tous les travaux susceptibles de toucher au sous-sol (creusement d’une fosse d’ascenseur, décaissement de sols, création de réseaux, etc.) devront être signalés au Service Régional de l’Archéologie de Midi-Pyrénées et feront l’objet d’un suivi archéologique. Comme nous l’avons vu, cet état des lieux partiel montre l’étendue des recherches qui restent à effectuer pour comprendre non seulement le château Renaissance mais aussi le (ou les) château(x) antérieur(s).

Pierrick STÉPHANT

 

2010, suivi de travaux sur Monuments Historiques

Les propriétaires du château de Bournazel souhaitent établir une évocation paysagère de jardins du XVIe siècle, dans une parcelle située en contrebas du château (fig. a). Une intervention a été assurée par la société Hadès à la demande du Service Régional de l’Archéologie dans le cadre de la mission de suivis de travaux sur Monuments Historiques en Midi-Pyrénées.

Son objet était de vérifier l’existence de jardins contemporains de la reconstruction du château, dans la 1ère moitié du XVIe siècle. L’existence de jardins était envisageable au vu du type de projet architectural, du contexte environnemental et des rares vestiges observables sur le terrain. Il a donc été décidé de procéder à une évaluation du potentiel archéologique de cette parcelle par une opération de sondages. Les informations rassemblées devaient permettre à terme de guider le projet d’évocation paysagère dans le respect des vestiges conservés.

Malgré des conditions de terrain peu clémentes, les données collectées ont permis de dégager différentes phases d’aménagements de l’espace traité. Un aplanissement du socle rocheux et la mise en place de remblais constituent une première phase d’aménagement préalable à l’installation des jardins. des canalisations et deux bassins, circulaire et rectangulaire, sont ensuite mis en place (fig. b et c). Les éléments de construction et d’ornementation de ces derniers semblent indiquer qu’ils ont été installés au XVIe siècle. Le château étant construit vers 1545, on peut supposer que les jardins ont été aménagés postérieurement, peu après le milieu du XVIe siècle.

Dans une seconde phase d’aménagement, des canalisations sont rajoutées à l’ensemble hydraulique, multipliant ainsi les points d’alimentation. Elles sont probablement de peu postérieures aux premiers aménagements.

Par la suite, le bassin rectangulaire est muni d’une rampe contre son mur est. En l’absence de mobilier pouvant renseigner cette phase, aucune datation précise ne peut être proposée (fig. c).

L’espace change ensuite de fonction. Il est transformé en terrain agricole, nivelé par les labours et équipé d’un nouveau système de drainage (puits et drains glaçurés peu enterrés), seule une pièce d’eau étant conservée au sein du grand bassin, probablement destinée à servir d’abreuvoir au bétail. Bien que difficilement datable, on peut supposer que sa mise en place a eu lieu au XIXe siècle.

Enfin tardivement, la pièce d’eau est transformée en puisard, le mur oriental de la parcelle est remonté, une canalisation en béton est disposée sur le terrain.

Si l’existence de jardins appartenant au programme de construction du château n’est plus à mettre en doute, la mise en culture de ces derniers n’a pour autant pas été décelée. Les labours ont en effet fait disparaître tout indice de mise en culture.

Évelyne BILLAUD

 

2014, les jardins du château

Le château de Bournazel se situe dans une plaine entre Villefranche-de-Rouergue au sud-ouest, Decazeville au nord-ouest et Rodez au sud-est, dans le département de l’Aveyron.

La localisation du château médiéval, mentionné dès le IXe siècle, est inconnue. C’est le château du milieu du XVIe siècle, construit à l’est du site, qui a retenu l’attention des historiens et historiens de l’art depuis le XIXe siècle. Ils s’accordent pour présenter Bournazel comme l’un des « joyaux » de la Renaissance en Rouergue, inscrit dans une époque de fleurissement de ces édifices avant les guerres de Religion, dans la droite ligne des châteaux d’Assier, de Montal et de Graves.

L’intervention archéologique s’est déroulée dans le cadre des travaux de restauration du château financés par ses propriétaires et réalisés sous la maîtrise d’œuvre de Bernard Voinchet, Architecte en chef des Monuments historiques. Ces travaux concernent notamment la reconstruction des élévations disparues au sud-est et une évocation des jardins de la Renaissance. Dans ce cadre, le suivi archéologique a été centré sur le dégagement de la porte sculptée du soubassement de l’escalier monumental sud et de possibles structures d’adduction d’eau. Des compléments d’observations ont été réalisés dans l’aile nord en vue d’un terrassement et dans un bâtiment des communs à l’est. Ils ont été étendus aux jardins, avec le dégagement d’une porte bouchée et d’une chantepleure dans le mur les divisant (fig. 1).

Le grand escalier du château de Bournazel est ainsi un ouvrage atypique. Il est aujourd’hui à l’état de vestige, mais il peut être en partie restitué grâce aux quelques élévations conservées, aux fragments retrouvés et aux dessins du XIXe siècle. La porte se distingue nettement par son décor du reste du programme sculpté du château (fig. 2). Celui-ci est en effet centré sur l’exaltation d’une esthétique à l’Antique dans la cour, rythmée par les bucranes, trophées, personnages mythologiques et bustes. Sur la porte sud, si le langage architectural antique est utilisé, il met en revanche bien plus en valeur la personne du seigneur, par la profusion décorative des armoiries et l’omniprésence de la figure du lion (fig. 3).

Une autre particularité de cette entrée monumentale est son intégration dans un escalier. Contrairement aux grandes portes sculptées des châteaux de la Renaissance française qui desservent des ailes ou des galeries, l’entrée magnifiée du château de Bournazel ouvre sur une vaste cage d’escalier.

Celui-ci se développe en volées droites autour d’un noyau occupé par des petites pièces superposées ouvertes sur les paliers nord. Ce type d’escalier semble appartenir à un cas particulier qui a pu être observé dans le Midi de la France autour de 1500. Un tel escalier a pu répondre à des questions pratiques, permettant d’ouvrir sur de nombreux espaces à des niveaux différents : il a ainsi fonction de lien entre les jardins et la cour d’honneur.

Néanmoins, des questions demeurent sur les aménagements extérieurs immédiats et sur un système d’adduction d’eau entre le château et les jardins. Il a ainsi été impossible d’identifier un niveau de sol fonctionnant avec la porte sud du grand escalier. En revanche, il semble aujourd’hui évident que le niveau devant le soubassement sud se développait de plain-pied vers les jardins, qui eux suivaient ensuite un léger pendage vers le sud. La porte et le grand escalier appartiennent au projet initial du château moderne, et ceci invite à penser que les jardins aussi.

Léa GERARDIN