HADÈS Archéologie

L’Abbaye

Fiche

  • Responsable : Bernard POUSTHOMIS, Valérie BABOULENE
  • Période de fouille : 1997, 2000, 2012-2013
  • Localité : Saint-Hilaire (Aude)
  • Type d’opération : 
  • Période :  , ,
  • Agence : MIDI

Résumé

1997

A la demande de l’Architecte en Chef des Monuments Historiques, deux sondages ont été réalisés dans la galerie ouest du cloître de l’abbaye Saint Hilaire (Aude). Ils avaient pour but de retrouver les anciens niveaux de sols de circulation pour les besoins d’un projet de réaménagement des galeries sud et ouest. L’un a été creusé dans l’angle sud ouest, au pied de l’escalier qui mène au centre ancien du bourg et le second à la base du bâtiment ouest. Le cloître actuel de l’abbaye bénédictine Saint Hilaire (Aude) aurait été édifié durant la 1ère moitié du XIVe s. mais l’ancienneté de ce monastère (fondation probable au IXe s.) et la présence d’une église de style roman permettent de supposer un, voire plusieurs états successifs du cloître.

Les vestiges d’un bâti ancien subsistent dans la galerie ouest. Les faibles dimensions du sondage n’ont pas permis d’en reconnaître le parement et par là même de le dater. Le sol du cloître du XIVe s. a été identifié. Assisé sur l’arase du mur ci dessus mentionné et sur le sol géologique (argile rouge) consolidé par des galets, dans l’angle sud-ouest des galeries, il était dallé en carreaux de céramique. Deux belles marches d’escalier, retrouvées dans l’angle sud-ouest des galeries, lui sont liées. Ce n’est qu’au XVIIIe ou XIXe s. que ce sol est rehaussé. L’escalier actuel ne paraît aménagé qu’à la fin du XIXe ou au début du XXe s. Quant au bâtiment abbatial ouest-dit “école des filles” (XIXe s. ?), il paraît peu fondé. Mais la couche de terre que l’on trouve au dessous de ses fondations pourrait reposer sur une maçonnerie plus ancienne que les limites du sondage n’ont pas permis de retrouver.

Bernard POUSTHOMIS

2000 : Les bâtiment monastiques

L’étude des bâtiments monastiques de l’abbaye de Saint-Hilaire d’Aude, effectuée en 1999 et 2000, a été commanditée par les services de la D.R.A.C. Languedoc-Roussillon préalablement à la programmation de travaux de restauration. Il s’agissait de réaliser une reconnaissance patrimoniale axée sur la recherche des états médiévaux des bâtiments monastiques, à l’exception de l’église. Pour cela, une recherche documentaire a d’abord été nécessaire dans les bibliothèques, les services d’archives et à la Médiathèque du Patrimoine pour les restaurations anciennes.

La documentation historique relative aux bâtiments conventuels est rare pour la période médiévale. En fait, ce sont les sources des XVIIIe et XIXe siècles qui renseignent le mieux sur leur fonction. Mais ces bâtiments ne servant plus alors à la vie monastique, les informations que l’on peut en tirer pour le Moyen Âge ont été relativement minces. Il fallait donc s’appuyer sur une analyse des élévations, complétée par des sondages archéologiques pour comprendre ces édifices.

L’étude des maçonneries médiévales n’a pas été aisée en raison de la diversité des parements en grès qui n’apparaissent pas homogènes. Mais elles procèdent malgré tout de techniques proches par la taille, les modules et les procédés de mise en œuvre. La construction de l’abbaye ayant été menée assez rapidement (2e moitié du XIIIe siècle 2e quart du XIVe siècle), dans cette fourchette chronologique relativement étroite, les variations dans les parements peuvent être dus à une construction réalisée en discontinu, par une succession de campagnes rapprochées dans le temps. Cela pourrait aussi être lié à l’intervention conjointe de plusieurs équipes de maçons aux mises en œuvre différentes.

Aucun indice sérieux ne permet d’identifier, sur le site actuel, les vestiges du monastère primitif daté des environs de l’an 825. Il est alors dédié à Saint Saturnin test le lieu où repose le corps de Saint Hilaire.. En 1256, l’abbé Guillaume « consacre à la restauration de l’abbaye, 1200 sols melgoriens », marquant sans doute ainsi la reconstruction (au moins partielle) des bâtiments conventuels. Le monastère est implanté sur la bordure nord est d’un promontoire rocheux, ce qui a sans doute nécessité un important travail d’adaptation du terrain. Son plan reprend la distribution traditionnelle des abbayes bénédictines. Au nord, se trouve l’église. À l’est, la salle capitulaire et une vaste salle (ouverte de quatre grandes arcades) dont il reste à déterminer la fonction composent le rez-de-chaussée. Le dortoir occupe l’ensemble de l’étage. Au sud, un vaste réfectoire (dont la limite orientale n’a pu être clairement identifiée) était lié à des cuisines dont l’implantation exacte n’est pas connue. Enfin, à l’ouest, devaient se trouver les celliers, mais la documentation relative à ce bâtiment est tardive. L’enclos monastique proprement dit se situe à un niveau inférieur à celui du bourg, dit « Fort », qui forme rempart. Mais, au sud, existe aussi au moins un bâtiment à la fonction indéterminée dont on conserve trois arcs. Dès le Moyen Âge, l’ensemble abbatial devait donc être étagé du nord au sud.

Succédant à la construction de l’église (2e ou 3e quart du XIIIe siècle), les bâtiments conventuels sont édifiés à la fin du XIIIe ou au début du XIVe siècle. Une progression du chantier du nord est à l’ouest n’est peut être pas à exclure. Le mur ouest du réfectoire qui comprend une superbe chaire de lecteur n’est bâti que dans le second quart du XIVe siècle avec le cloître, peut être pourvu dès l’origine d’arcs diagonaux dans les angles des galeries.

La période faste de l’abbaye est celle de sa construction, donc relativement courte. En effet, dès le milieu du XIVe siècle elle connaît de sérieuses difficultés consécutives à l’épidémie de Peste Noire puis à la guerre de Cent Ans. Ainsi, le nombre de moines chute de 32 au XIIIe siècle à 6 en 1461. Les bâtiments ne sont plus entretenus et doivent être en piteux état lorsque les abbés Arnaud Raymond de Roquette puis Gérard II de Bonnet reprennent le monastère en main à la fin du XVe siècle. D’importantes transformations sont alors effectuées, avec le réaménagement du rez-de-chaussée de l’aile orientale, où est installé le logis abbatial dont une salle est ornée d’un plafond peint de la fin du XVe siècle, la reconstruction partielle du réfectoire et une extension du domaine abbatial au sud, dans le Fort. Dès lors, ce domaine abbatial occupe la majeure partie du promontoire, avec des bâtiments étagés entre la partie nord et la partie sud. Son pourtour est bordé par des rues permettant d’accéder aux maisons du bourg desquelles l’abbaye est séparée par un jardin.

Mais, en 1574, Saint Hilaire subit les guerres de Religion. Si le bourg est brûlé et en grande partie ruiné, l’abbaye semble peu touchée. Quoi qu’il en soit, le monastère retombe dans une pauvreté dont il ne se relèvera pas et en 1748 l’abbaye est sécularisée. Désormais, l’église devient paroissiale, le logis abbatial transformé en presbytère, le réfectoire sans doute passablement ruiné affecté à des fonctions domestiques et le bâtiment des celliers ouest devient la maison des chapelains.

La Révolution démembre les bâtiments, vendus en parcelles distinctes. La dernière transformation notable est la reconstruction, au milieu du XIXe siècle, de l’aile ouest-pour en faire une école.

Valérie BABOULENE

2012-2013 : Le bâtiment oriental de l’abbaye

L’abbaye Saint-Hilaire est située au sud de Carcassonne, au bord de la rivière du Lauquet. En 1999 et 2000, l’ensemble des bâtiments abbatiaux avait été étudié (à l’exclusion de l’église), éclairant considérablement le phasage de l’édifice, sa datation, les reconstructions d’époque moderne et les dernières transformations des XVIIIe et XIXe siècles. En 2012, la municipalité de Saint-Hilaire a engagé la restauration de l’aile orientale (ancien presbytère) sous la direction de M. Jean-Louis Rebière, ACMH. Le suivi archéologique des travaux, prescrit par le service des Monuments historiques et réalisé en 2013, a apporté d’utiles informations qui complètent bien ou lèvent des doutes sur les données acquises lors de l’étude de 1999-2000.

La lecture des maçonneries mises à nu a permis de mieux préciser les techniques de construction ainsi que les étapes des modifications de la façade est. La diversité des grès mis en œuvre et des modules des moellons ne doit pas être interprétée comme la marque d’un phasage de la construction médiévale mais comme inhérente à tout chantier, avec ses variations dans l’approvisionnement des matériaux et dans les équipes de tailleurs de pierre (fig. 1). Bien que la façade orientale ait été passablement chahutée jusqu’au début du XXe siècle, les vestiges de deux baies éclairant la salle capitulaire ont été découvertes ainsi qu’une fenêtre complète du dortoir, à l’étage.

La charpente du presbytère comprend quatre pannes anciennes dont la sous-face est chanfreinée et les extrémités portent une moulure en accolade (fig. 2). Elles ont été datées en dendrochronologie du second quart du XIVe siècle. La longueur possible entre appuis de l’unique panne complète permet d’émettre l’hypothèse que ces bois sont à l’origine des entraits de fermes à chevrons porteurs.

Ces découvertes permettent donc de proposer une restitution du bâtiment dont la construction s’étalerait de l’extrême fin du XIIIe siècle au milieu du XIVe siècle (fig. 3). Au rez-de-chaussée, la salle capitulaire donne sur la galerie de cloître et est éclairée sur la façade arrière. Elle est contiguë à une grande salle, ouverte de quatre larges arcades à l’est, dont la fonction n’est pas connue. L’étage est entièrement occupé par le dortoir sous charpente, éclairé par une série de jours rectangulaires qui scandent les façades ainsi que par une grande croisée dotée de vitrages sur le mur pignon sud. On y accédait par une porte située à l’étage, dans l’angle nord-est du cloître, porte très probablement desservie par un escalier sur voûte rampante.

Les travaux de l’époque moderne, qui transforment la majeure partie du rez-de-chaussée en logis abbatial, ne traduisent pas un véritable projet d’ensemble (absence d’homogénéité dans les baies nouvelles). La grande salle médiévale du rez-de-chaussée est alors divisée en quatre pièces, dont certaines ouvrent directement sur la galerie de cloître, qui communiquent entre elles le long de la façade arrière. La salle centrale est occupée par le salon de l’abbé qui reçoit un superbe plafond peint, daté des années 1500 par le style du décor, mais jusque dans les années 1520 par la datation des bois (fig. 4). Le dortoir ne semble pas modifié.

Après 1748, lorsque cesse la vie monastique le bâtiment devient le presbytère. Un couloir est alors créé au revers de la façade sur cloître et permet de desservir toutes les salles, y compris l’ancienne salle capitulaire. Dans la deuxième moitié du XVIIIe ou la première moitié du siècle suivant, une grande partie de l’étage de la façade arrière est reconstruit et, dans le même temps, cette dernière reçoit un enduit général à plates-bandes et à bandeau saillant qui lui donnent une certaine homogénéité esthétique. Une étude spécialisée (atelier C. Laye) a montré que les repeints réalisés en 1859 sur les motifs du plafond du début du XVIe siècle sont moins systématiques qu’on pouvait le supposer.

Bernard POUSTHOMIS