HADÈS Archéologie

Le « Bassin des Ladres »

Nos métiers Production scientifique Opérations Le « Bassin des Ladres »

Fiche

  • Responsable : Pierrick STÉPHANT
  • Localité : Ax-les-Thermes (Ariège)
  • Type d’opération : 
  • Période : 
  • Agence : MIDI

Résumé

La ville d’Ax-les-Thermes conserve un aménagement hydraulique remarquable, dénommé « Bassin des Ladres », situé dans le « barri du bain » à proximité de l’hôpital d’origine médiévale et en contrebas des sources thermales des Canons et du Rossignol. Il s’agit d’un vaste ouvrage quadrangulaire bordé par trois à quatre degrés sur chacun de ses côtés, souvent considéré comme un témoin du thermalisme médiéval. À la suite d’un projet architectural de cuvelage et de restauration du bassin proposé par la commune, la Conservation Régionale des Monuments Historiques de Midi-Pyrénées a sollicité le Service Régional de l’Archéologie de Midi-Pyrénées en vue d’une évaluation archéologique du site. Un cahier des charges pour la réalisation d’une étude en deux étapes a été proposé par C. Dieulafait (SRA) : une recherche historique et iconographique préalable à un diagnostic archéologique confié au bureau d’étude HADES. L’étude historique et iconographique permet de dresser un premier bilan de nos connaissances sur la morphogénèse de la ville et de ses quartiers, ainsi que sur la pratique du thermalisme et ses vestiges. Elle rassemble un ensemble de documents inédits (photographies, plans) qui montre la complexité de la morphogenèse de la ville d’Ax et les innombrables zones d’ombre qui subsistent. Dissocié de ce contexte, il serait tentant de considérer le « Bassin des Ladres » comme étant le lieu mentionné au XIVe siècle par les registres de l’Inquisition de Geoffroy d’Ablis et de Jacques Fournier. Ce serait oublier l’existence de l’hôpital et des étuves attenantes, de même que les autres lieux du thermalisme axois comme le Couloubret. Malheureusement les mentions des registres d’Inquisition sont laconiques quant aux ouvrages hydrauliques. Le diagnostic archéologique, limité à quatre sondages implantés dans l’emprise du bassin, a permis de documenter la nature des constructions et leur homogénéité ainsi que la chronologie des structures. Le Bassin des Ladres apparaît comme un ouvrage homogène du point de vue structurel et formel. Le remblai d’exhaussement du fond et le remblai latéral de terre et de galets sont identiques dans les quatre sondages. de même, les maçonneries du premier degré emploient systématiquement des blocs morainiques. Il en est de même pour le pavement de fond qui ne présente aucun changement de matériaux ou de mise en œuvre. Cette cohérence se retrouve dans le parti architectural, malgré de très nombreuses réfections. On constate que l’agencement des emmarchements est identique pour tous les côtés délimitant le bassin et répond à un dispositif architectural logique : le premier degré correspond à la paroi du bassin et sa margelle de bordure, le second degré s’apparentant à une banquette et le dernier degré constituant un emmarchement d’accès au bassin. Ces observations sommaires méritent d’être confrontées à une étude fine des maçonneries latérales, permettant d’analyser le parti architectural et de comprendre par exemple le plan général, en trapèze relativement régulier ou les angles abattus des degrés supérieur.

Cette unité architecturale est confirmée par l’unité du mobilier archéologique, très homogène, qui permet de situer avec précision la chronologie de l’édification au plus tard dans la seconde moitié du XIIIe siècle. L’homogénéité du remblai sous-jacent au pavement, une fois débarrassé des nombreuses pollutions de monnaies de l’extrême fin du second millénaire, milite en faveur d’un pavement originel dans la majeure partie du bassin.

Au-delà de l’ouvrage thermal, deux sondages ont mis en évidence des constructions adjacentes au bassin datant de la période médiévale. Il semble que cette situation n’ait pas été de longue durée car nous avons noté en deux endroits la réalisation de calades de galets postérieurement au XVIe siècle. Elles manifestent une évolution de la fonctionnalité à l’époque Moderne, poursuivie jusqu’au XXe siècle avec la réalisation du quatrième degré occidental.

Enfin, la présence constante d’une proportion de mobilier antique résiduel, du Ier siècle avant notre ère au milieu du premier siècle de notre ère, atteste d’une occupation de la confluence à la fin de l’Âge du fer.

L’étude documentaire et archéologique du Bassin des Ladres éclaire donc sous un jour nouveau l’histoire de la ville d’Ax-les-Thermes. Elle permet de dater de la fin du XIIIe siècle un ouvrage thermal majeur de la ville et de poser les premiers jalons d’une compréhension de sa structure. Bien qu’effleurée seulement par les sondages, les abords immédiats du site révèlent un potentiel archéologique riche et complexe. L’ouvrage en lui-même constitue un exemple inédit et mérite d’être replacé dans le cadre plus général de l’hydraulique médiévale. Sa technique de construction, bien que très simple, en fait un ouvrage fonctionnel qui ne présente pas un investissement technologique très complexe. Il a toutefois été réalisé avec soin comme le montre son pendage et la régularité des emmarchements. Il n’a pas, à notre connaissance, de précédent et il ne peut être comparé, par sa nature et sa forme, à aucun édifice connu pour cette période, de l’hydraulique monastique ou juive par exemple. Ce constat ajoute bien sûr à la valeur et à la singularité de l’ouvrage. Cette étude est l’occasion de relativiser nos connaissances et de les replacer dans une perspective de recherche, de conservation et de restauration à venir. Il convient d’insister sur le fait que des travaux de restauration à venir méritent d’être programmés dans le cadre d’une large concertation entre les divers intervenants. Une étude archéologique du bâti préalable et un suivi archéologique doivent être réalisés dans le cadre de ce projet. La réalisation des sondages a aussi montré que le site pose des problèmes de conservation : fragilité des éléments de pavement, fréquentation intensive, entretien hydro-mécanique du site.

Pierrick STÉPHANT