HADÈS Archéologie

La Vieille

Fiche

Résumé

Le village de Tourtouse prend place sur une éminence rocheuse dans un méandre du Lens. Naturellement défendu sur trois de ses côtés, le promontoire était peut être barré par un fossé sur son flanc sud. de l’ensemble castral ne subsistent aujourd’hui que la porte nord de l’enceinte et des tronçons de courtines. Une tour, généralement interprétée comme un donjon, occupe le sommet de la roque. Située à peu de distance de l’église, elle fait aujourd’hui office de clocher.

Désireuse d’assurer la conservation et la valorisation de son patrimoine, la commune sollicitait une protection du site au titre des Monuments Historiques. C’est dans cette optique qu’a été menée cette opération archéologique. Confiée au bureau Hadès, elle s’est déroulée du 15 au 19 novembre 2010 et comportait deux volets (fig. a).

Le premier, assuré par Laurence Murat, concernait l’étude des élévations de la tour clocher (fig. b). Cette ébauche d’analyse devait permettre de démêler quelque peu le véritable imbroglio architectural que constitue cet édifice. Il s’agissait notamment d’en cerner les grandes phases de construction et de réaménagement.

Les rapides observations réalisées ont ouvert d’intéressantes pistes de réflexion.

Un phasage chronologique relatif et provisoire de ces campagnes de travaux peut ainsi être proposé.

Une première phase de construction a été identifiée au niveau inférieur. La pièce en question, de plan carré, était très probablement associée à un autre espace intérieur sur lequel elle ouvrait au sud par une porte à double système de fermeture. Elle était munie d’un soupirail qui donnait vraisemblablement sur l’extérieur à l’est. La fonction et l’emprise de ce bâtiment primitif restent inconnues, mais il paraît en tous cas difficile d’y reconnaître la tour maîtresse du site castral médiéval.

Une deuxième campagne de travaux est entreprise durant le Moyen Âge. Les murs nord test du premier niveau sont reconstruits, circonscrivant, probablement associés à l’élévation antérieure ouest-conservée, un espace de plan indéterminé, l’implantation du mur sud restant inconnue. Une baie aujourd’hui murée signale une fonction résidentielle qui perdurera jusqu’à la fin de l’occupation de la tour.

Dans un troisième temps, un mur est mis en place au sud, au premier étage, sur l’emprise du mur originel du niveau inférieur. Une porte de communication interne s’y inscrit, confirmant que l’édifice comprenait encore (ou de nouveau) au moins une autre pièce au sud, au rez-de-chaussée aussi bien qu’à l’étage.

Enfin, une quatrième phase de construction de grande l’ampleur est entreprise à l’Époque moderne. L’édifice revêt dès lors l’aspect d’une tour de plan polygonal massivement contrebutée et couronnée de mâchicoulis. Les étages, présentant divers équipements de confort, sont desservis par un escalier inscrit dans l’épaisseur des murs. Le caractère ostentatoire de cette construction insolite laisse penser qu’elle a été édifiée à la gloire de son commanditaire qui pourrait bien n’être autre que l’évêque Bruno de Ruade, qui, au XVIIe siècle entame sur la Roque un programme constructif ambitieux.

Par la suite, différents travaux de réaménagement, de consolidation et de restauration sont entrepris successivement, ne modifiant pas pour autant les dispositions principales que revêtait l’édifice depuis l’époque moderne. La tour clocher apparaît donc aujourd’hui, malgré un état de délabrement avancé, comme un reflet assez fidèle de ce qu’elle était probablement dès le XVIIe siècle.

La réalisation de deux sondages constituait le second volet de l’intervention.

Ils ont été ouverts mécaniquement dans une parcelle voisine, située en contrebas, au nord-ouest du clocher. Ils devaient permettre de documenter le potentiel archéologique de cette parcelle, qui devrait à l’avenir abriter un théâtre de verdure.

Le premier sondage a été ouvert au pied du mur de terrasse séparant cette parcelle de la plateforme sommitale. Sous une succession de remblais de datation incertaine, ont été mis au jour les restes d’un mur orienté est ouest. En grande partie détruit, il repose directement sur le substrat. Les seuls éléments permettant de dater sa mise en place sont fournis par un niveau organique qui s’appuie contre son parement nord. L’analyse radiocarbone réalisée sur un charbon de bois issu de cette couche a fourni une datation centrée sur le XIe siècle et la première moitié du siècle suivant.

Le second sondage a été ouvert au nord du précédent, dans un bâtiment encore en élévation mais partiellement ruiné. Plusieurs murs ont été mis en évidence (fig. c). Le plus ancien est orienté est ouest. Il recoupe des remblais contenant un mobilier caractéristique du bas Moyen Âge (notamment de la céramique grise dite « commingeoise »).

Le comblement de sa tranchée de fondation a livré un mobilier similaire. Les autres maçonneries observées dans ce secteur sont de datation plus récente. Certaines d’entre elles, dont les traces d’arrachement se lisent dans les murs environnants, peuvent être rattachées au bâti existant.

Compte tenu des délais et de la nature de l’opération, les informations recueillies sont partielles mais ne sont pas dénuées d’intérêt.

En ce qui concerne l’étude de la tour, cette première approche a donné lieu à des découvertes plus ou moins inattendues. En effet, ce bâtiment composite, aujourd’hui isolé, s’inscrivait vraisemblablement jusqu’à l’Époque moderne dans un tissu architectural plus dense et étendu dont rien ne subsiste aujourd’hui. En outre, son identification en tant que tour maîtresse du site castral a été remise en question, les vestiges rencontrés ne présentant aucune des caractéristiques d’un tel édifice. Pour finir, les nombreuses phases de travaux mises en évidence témoignent de la vitalité de cet ensemble castral à l’époque médiévale.

Cette intervention souligne, malgré les nombreuses questions restant en suspens, tout l’intérêt que présente un tel édifice, témoin de l’histoire du site du Moyen Âge à nos jours. Ce dernier mériterait d’être mieux connu grâce à une étude plus aboutie avant qu’une mise en valeur ne soit envisagée, afin d’être restauré dans le respect de son évolution architecturale.

Sur le plan sédimentaire, la découverte de niveaux et de murs médiévaux constitue la première trace archéologique tangible d’occupation des lieux à cette époque.

De nouvelles investigations à l’emplacement de la parcelle sondée et sur la plateforme sommitale permettraient sans doute de mieux caractériser cette occupation qui reste à ce jour difficile à définir précisément.

Plus largement, il conviendrait d’étendre les recherches, tant archéologiques que documentaires, à l’ensemble de l’enceinte villageoise afin d’intégrer ces quelques résultats dans une perspective plus vaste permettant de mieux renseigner l’histoire et le patrimoine archéologique de Tourtouse.

Rémi CARME