HADÈS Archéologie

La Tour Montréal

Fiche

Résumé

À Sauveterre de Béarn (Pyrénées Atlantiques), la tour médiévale, dite tour Montréal, fait l’objet d’une réhabilitation sous la direction de B. Voinchet, Architecte en Chef des Monuments Historiques. Les travaux de 2001 comprenaient la restauration de la façade sud et prévoyaient la construction d’un sol au niveau du rez-de-chaussée d’origine. À cet effet, des sondages d’évaluation ont été prescrits par le S.R.A. afin de mieux comprendre l’organisation des circulations et la fonction de l’édifice. Haute de 37 m, cette tour est bâtie sur le versant d’un à pic rocheux qui surplombe le gave d’Oloron. Son espace intérieur, totalement vide, conserve les corbeaux et les trous de boulins de trois étages au-dessus du rez-de-chaussée. Depuis une évaluation archéologique réalisée en 1997 par le S.R.A., un nouveau niveau a été identifié. Il correspond à une porte aménagée dans l’angle inférieur sud-est de l’édifice et découverte à cette occasion. Cette porte, percée après la construction de la tour, donne accès à un espace indéterminé (une cave ?) qui se limite à la moitié sud de l’édifice (la moitié nord étant construite sur la partie horizontale du rocher). La compréhension de cet espace a suscité l’ouverture d’un sondage d’évaluation qui a dû être interrompu à 3 m de profondeur, faute de place pour stocker les terres déblayées. L’étude archéologique réalisée à cet effet a mis en évidence une différence stratigraphique entre le comblement de la moitié nord et celui de la moitié sud. Au nord, les fondations de l’édifice suivent le profil du versant rocheux : l’unique assise de fondation est progressivement complétée par de nouvelles assises en fonction de l’inclinaison de la pente. de ce fait, le rez-de-chaussée de la moitié nord devait se prolonger au sud par un plancher construit sur un demi-espace inférieur, ouvert sur la porte basse. Si les arrachements visibles dans le parement du mur sud correspondent bien à ce plancher disparu, les limites imposées par le sondage (rebord de l’à pic rocheux) n’ont pas permis de reconnaître la présence d’un quelconque appui en vis à vis (un mur de refend ou un quelconque support).

L’étude archéologique a également permis le repérage d’une palissade matérialisée par trois trous de poteaux associée à un sol de circulation en galets, aménagé directement sur le rocher. Ce sol, daté par des céramiques de la fin XIVe début XVe siècle est à deux reprises exhaussé. Malheureusement, la zone fouillée s’est limitée à une bande de 0,60 m de large, perpendiculaire au mur oriental et la séquence stratigraphique reconnue n’a pu être mise en relation avec le bâti en raison de la construction, au XXe siècle, d’un drain le long du mur est.

Les rapides études historique et architecturale ont montré un caractère défensif manifeste (meurtrières et galeries de hourds en encorbellement sur les façades sud et est). Dans son état primitif, seules deux portes permettaient un accès du côté du bourg. Ultérieurement, deux autres portes sont percées sur la face est. Toutefois, son aménagement intérieur fait plutôt référence à une fonction liée au commerce (entrepôt ?) activité phare de Sauveterre tout au long du Moyen Âge par la présence de nombreuses niches murales et le faible éclairage naturel des salles. Cette confusion a été probablement recherchée par les bâtisseurs ou commanditaires. Quant à la vocation résidentielle, elle est très secondaire, voire inexistante, et marquée par une unique baie géminée. Ici point de latrines et de cheminées. Il ne s’agit pas pour autant d’une tour urbaine à vocation aussi strictement commerciale que la tour de Grède à Oloron Sainte-Marie.

D’après la modénature des baies, cette tour pourrait avoir été édifiée au XIIIe siècle, sous Gaston VII Moncade (1229 1290) à qui l’on doit d’avoir fortifié le Béarn. Cependant, faute de document d’archives, nous ignorons qui en fut le commanditaire. Ce fut vraisemblablement un personnage de première importance et suffisamment riche pour se permettre d’élever un édifice entièrement en pierres de taille et de très grande dimension. Ce commanditaire devait aussi être puissant pour obtenir du vicomte l’autorisation de construire une tour, ce privilège lui étant réservé. Pour le XIIIe siècle, on ne connaît pas de tour équivalente en Béarn. Il faut attendre le XIVe siècle pour trouver des édifices aussi considérables avec les donjons de Montaner, d’Orthez ou de Pau. Rare tour urbaine conservée dans le Sud-Ouest de la France, elle présente donc un grand intérêt, d’autant plus que sa fonction n’est pas identifiée avec certitude.

Catherine BOCCACINO et Françoise GALÈS

Catherine BOCCACINO