HADÈS Archéologie

Îlot Raphaël

Fiche

Résumé

Éloignée de la cité antique, ancienne capitale de la Novempopulanie, la ville médiévale d’Éauze (Gers) se dresse sur le point le plus haut du relief local et s’est développée autour du prieuré Saint-Luperc. En amont de l’extension de bâtiments municipaux avec la construction d’une crèche et de bureaux, un diagnostic archéologique effectué rue Raphaël en 2010 par Pierre Pisani (Inrap), avait mis au jour un fossé orienté nord-sud, sur près de 37 m de long. L’opération archéologique confiée à la société Hadès au cours de l’été 2013 a permis de renseigner et de préciser les différentes occupations du lieu sur une longue chronologie.

Le fossé, large de 3 à 4 m et profond de 2 m, est comblé par divers apports de remblais (fig. 1). Son pendage vers le nord suit celui du relief de la butte. Les niveaux inférieurs s’apparentent à un colmatage hydromorphe qui indiquerait que le fossé serait resté ouvert le temps qu’il se comble naturellement en partie basse. Les découvertes de vases presque complets et de rejets de boucherie – dont un crâne de bœuf – renforcent cette hypothèse d’un fossé ouvert et utilisé comme dépotoir. Les datations par le radiocarbone montrent que ce colmatage inférieur se situe entre le Xe et le XIe siècle. Comme le prieuré serait aménagé sur la butte, d’après la documentation, entre 960 et 980, ce fossé est peut-être celui de l’enclos prieural. Les remblais qui le scellent ont été déposés à partir du XIIIe siècle. Ces premières données montrent ainsi un usage sur près de deux siècles.

Les autres vestiges médiévaux sont moins bavards. Par stratigraphie relative, certaines fosses peuvent être associées à la période médiévale, mais la majorité d’entre elles sont vraisemblablement d’époque moderne (fig. 2). Le nombre important de structures en creux, sur le fossé ou le long de celui-ci, avant la construction de murs par dessus, suggère que l’espace situé sur sa bordure orientale est resté vacant pendant une durée malheureusement indéterminée.

Le parcellaire urbain, tel qu’il figure sur le plan cadastral napoléonien, apparaît entre la fin du Moyen Âge et l’époque moderne. Le bâti se développe sur le fossé progressivement comblé sous la forme de longs espaces rectangulaires orientés est-ouest, perpendiculairement à la direction du fossé. Un long mur, orienté nord-sud, s’implante sur la bordure orientale du fossé et forme la limite de ce parcellaire. Sur la portion comprise entre ce mur et le fossé, une zone de circulation matérialisée par un niveau de calade en galets longeait le bâti.

Outre les structures en creux, la fouille a mis au jour quelques sépultures qui n’apparaissaient pas dans le diagnostic de 2010 (fig. 3). Les orientations principales sont est-ouest, la tête à l’ouest, toutefois deux sépultures nord-sud ont été observées. Les sépultures sont les seules structures sur le site à avoir livré du mobilier antique. Une sépulture, datée par le carbone 14 entre le IIe et le IIIe siècle, contenait une fiole fusiforme dont quelques exemplaires du même type sont connus à Toulouse, Narbonne, Béziers, Lunel-Viel et Arles. Toutes ces fioles ont été trouvées en contexte funéraire et la plupart correspondent à des productions connues pour la seconde moitié du IIIe et le courant du IVe siècle. Une des sépultures présentait un cas atypique : l’individu, orienté nord-sud avec la tête au sud, était allongé sur le ventre, les pieds joints. Il pourrait s’agir d’un cas de refus de sépulture. Le mobilier céramique associé s’apparente aux productions de la fin du Moyen Âge.

La fouille de l’Îlot Raphaël permet d’illustrer sur la longue durée l’occupation d’une parcelle urbaine et la gestion de cet espace. D’abord limite d’enclos lorsque le fossé était en fonction, avec une zone vacante percluse de fosses dépotoirs, elle est conquise par un urbanisme illustré ici par un niveau de circulation bordé de bâtiments. Il est difficile de conclure sur la vocation propre d’un espace funéraire antique sur cette zone. Peut-être que la découverte alentour de nouvelles sépultures permettra de statuer sur ce point.

Christophe CALMÉS