HADÈS Archéologie

Église Saint-Pierre

Fiche

  • Responsable : Stéphanie TONON
  • Période de fouille : 1999
  • Localité : Caillac (Lot)
  • Type d’opération : 
  • Période :  ,
  • Agence : MIDI

Résumé

L’intervention archéologique menée autour de l’église Saint Pierre de Caillac a été motivée par l’aménagement d’un drain autour du bâtiment ecclésial. Préalablement à ces travaux, des sondages archéologiques avaient été réalisés en 1993 par Didier RIGAL (AFAN). Il avait ainsi pu mettre au jour une partie de l’ancien cimetière au sud de l’église, ainsi que l’amorce d’un prolongement de la nef vers l’ouest. En conséquence, au vu du potentiel archéologique des abords du bâtiment, une fouille a été prescrite par le Service Régional de l’Archéologie afin de compléter nos connaissances sur le bâtiment et ses abords immédiats.

La mise en phases des diverses structures découvertes lors de la fouille a permis de déterminer plusieurs états de la construction de l’église.

La première église romane (XIe – XIIe siècles)est construite dans la plaine, à une centaine de mètre du Lot. L’édifice est isolé, mais devait être entouré dès cette époque d’un habitat comme pourrait en témoigner les caves des maisons se trouvant autour de l’église. L’actuelle Mairie, ainsi que la maison de M. et Mme DELBARY à l’ouest, possèdent chacune des caves voûtées correspondant vraisemblablement en altitude absolue au sol de cette église primitive . Par ailleurs, le cadastre décrit une limite ovalaire des parcelles autour de l’édifice et cet agencement, que l’on peut interpréter comme un enclos ecclésial, atteste aussi de l’ancienneté du site.

L’édifice est construite suivant un plan de type basilical à nef unique, avec une entrée au nord et un narthex ou clocher porche à l’ouest. Au vu des dimensions de la porte, on peut imaginer qu’elle était ornée d’ébrasements à ressauts et d’une voussure sculptée. L’extension ouest de l’église peut être interprétée comme un narthex ou un clocher porche, bien que nous n’ayons qu’une vue partielle de l’ensemble. Ce vestibule était réservé aux pénitents qui ne pouvaient accéder à l’église. Bien souvent, la porte nord était réservée aux baptisés, la porte sud symbolisait l’entrée des catéchumènes dans la Maison de Dieu. Au regard des différences de niveaux entre les corbeaux du piédroit et du pilier central, on peut imaginer qu’un arc aveugle ornait le mur nord de cette extension et qu’une colonne ou un trumeau décoré reposait sur le pilier central.

Les niveaux de circulation se trouvent environ 2 m plus bas que le niveau actuel. À l’extérieur de l’édifice, il semble avoir été matérialisé par un aménagement de dalles (109,80 NGF) reconnu partiellement le long du mur gouttereau nord. Au niveau de l’abside, l’arase de fondation est sensiblement plus élevée que les dalles extérieures (+ 50 cm). En conséquence, le chœur liturgique était plus haut que la nef et il a pu exister un emmarchement entre ce chœur et la nef. À l’intérieur de l’église, le dallage de la nef se trouvait vraisemblablement au niveau du seuil de la porte nord (110,16 NGF). Il fallait donc aussi monter une marche pour passer du narthex (110 NGF) à la nef. Cet édifice primitif est en partie détruit pour des raisons qui nous sont inconnus. Il n’a pas été retrouvé de traces d’incendie ou d’important remblai de démolition. L’église est reconstruite vraisemblablement au cours du XIIe siècle et son plan est modifié. L’abside est reprise et légèrement agrandie. La porte nord est bouchée, vraisemblablement parce que le niveau de la nef est rehaussé de 0,50 m. Il en est de même pour le narthex qui est abandonné et en partie remblayé. Notons que les dalles qui formaient peut être le sol de ce vestibule ont toutes été enlevées, il ne subsiste en effet aucune trace du niveau de circulation contemporain de la première église. Il semble qu’un habitat léger ait été aménagé dans la partie nord du narthex comme en témoignent les dalles et le muret mis au jour par D . RIGAL. Les corbeaux du piédroit gauche devaient encore être visibles. La porte nord et le narthex étant bouchés, c’est au sud que l’on aménage une nouvelle entrée avec un escalier d’accès. La nécessité de construire un tel escalier montre que le niveau de circulation extérieur de l’église est encore très bas (110,05 NGF) par rapport au nouveau dallage, de l’église qui correspond au sol actuel. Au nord, la tombe T 02 témoigne de l’existence probable d’un cimetière dont le niveau supérieur devait se trouver à quelques centimètres au-dessus du seuil de la porte nord. Peut-être existait-il auparavant, mais nous n’avons pas trouvé de sépultures contemporaines du premier édifice. Cette tombe bâtie anthropomorphe s’inscrit dans la typologie des sépultures médiévales découvertes dans le Quercy. Elle est en effet très fréquente dans la région et ne semble pas correspondre à un type de sépulture privilégiée, comme on l’a souvent pensé, mais plutôt à un mode d’inhumation dominant pour la période médiévale. Sa situation contre le mur gouttereau de l’église, sous les gouttières, rappelle cependant l’importance du sujet. Dans les textes , ces places au plus près de l’église étaient en général les plus prisées et les plus onéreuses.

Au XIIIe ou au XIVe siècle, l’église est à nouveau reconstruite. Cette reprise est peut être due à l’emplacement du site, à 100 m du Lot, dans le lit majeur du fleuve. des problèmes d’inondations ont sans doute poussé les habitants à remblayer les abords de l’édifice afin de former une sorte de motte sur laquelle on a reconstruit le bâtiment. L’abside romane est rasée et sur ses fondations on érige un chevet à trois pans. Toute la partie nord du site semble avoir été remblayée d’au moins 1 m. L’ancien narthex est complètement comblé (110,90 NGF) et on y aménage un four ayant peut être servit à la confection de cloches. C’est sans doute pendant cette phase de travaux que l’on construit le clocher au-dessus de la croisée de l’église. Au sud, l’escalier est lui aussi remblayé et on installe des tombes dans les marches et au-delà. Le cimetière occupera la zone septentrionale jusqu’au milieu du XIXe siècle.

Une nouvelle phase de travaux a lieu à la fin du XVe ou au début du XVIe siècle. Catherine de Lolmie, châtelaine de Langle, fait édifier une chapelle au nord de l’église. Il est difficile de préciser si son pendant existait au sud. Si tel est le cas, l’église se présente au début du XVIe siècle sur le plan d’une croix latine. Entre 1490 et 1510, la porte d’entrée sud est remaniée. On rétrécit son ouverture en aménageant dans l’embrasure une porte de style Renaissance, très décorée. Il semble que ce travail ait été effectué par des ouvriers italiens travaillant à cette époque au château de la Grezette. Peut-être était ce même une commande du seigneur de ce château. Cet aménagement entraîne une fois de plus un remblaiement à l’extérieur de l’église. Les remblais du cimetière arrivent au niveau du premier tambour des colonnettes de la première porte romane. En conséquence, on construit un petit escalier qui permet de descendre dans la nef. Cet escalier restera en place jusqu’en 1994. Les derniers aménagements datent du début du XVIIe siècle, lorsque les descendants de la famille de Langle font agrandir la chapelle nord et en percent le mur ouest-afin de pouvoir librement accéder à l’église sans être vus des fidèles. La comparaison des mortiers des fondations incitent à penser que la chapelle sud date de cette période. L’église acquiert alors sa forme définitive. Plus tard, une sacristie sera construite entre le chevet et la chapelle sud.

L’occupation du cimetière perdure jusqu’au XIXe siècle. Les inhumations se succèdent sur plusieurs niveaux. Les sujets découverts sont tous des adultes, parfois enterrés avec un chapelet ou une bague. Les corps reposent dans des cercueils ou simplement dans des linceuls en pleine terre. La concentration des tombes devant l’entrée de l’église montre la volonté des défunts de se trouver au plus près de l’accès à la Maison de Dieu. Par ailleurs, la mauvaise conservation des corps, dont il manque presque toujours des membres, ainsi que la multitude d’ossements épars dans le remblai du cimetière, témoignent de la réutilisation fréquente des emplacements, particulièrement dans ce secteur. C’est en 1865 que l’aître est abandonné, puis déplacé à l’est de l’église. La croix forgée sur la place de la Mairie rappelle à notre souvenir l’entrée de cette aire cimetériale.

Stéphanie TONON