HADÈS Archéologie

Château du Haut-Clairvaux

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Fiche

Résumé

2014

Le site castral du Haut-Clairvaux, en dépit de sa longue histoire et du classement au titre des Monuments Historiques du donjon et de la chapelle, n’a guère fait l’objet de recherches. Installé non loin de Châtellerault, sur une butte naturelle qui constitue un des points culminants du nord du département de la Vienne, le site du château du Haut Clairvaux est identifiable de loin, grâce à la silhouette élancée de la puissante tour maîtresse quadrangulaire qui en domine le panorama.

L’ensemble castral est circonscrit par le tracé d’une enceinte, dont les vestiges en élévation sont conservés pour les fronts occidental, oriental et méridional. C’est au sud-est de l’espace castral qu’a été aménagé l’accès principal au château, au contact avec le hameau du Haut-Clairvaux : le tracé de l’enceinte devient ici complexe et semble être complété par une enceinte externe dont l’organisation de détail nous échappe encore en partie. L’espace ainsi circonscrit correspond à la partie supérieure d’un versant orienté au sud. Dominant la partie nord du site, une éminence pourrait correspondre à un moment précoce de l’histoire de la fortification, ou au remblai d’effondrement de constructions de nature indéterminée. Le point nodal de l’enceinte castrale se situe néanmoins au niveau de la tour maîtresse, au sud-est, au contact de laquelle a été pérennisée l’entrée principale du château. À cette tour-maîtresse a été ajouté un puissant éperon défensif à archères. L’espace interne délimité par le fossé périphérique, de forme ovalaire, s’étend sur 200 m de longueur pour 80 m de largeur.

Au contact de l’enceinte et au sud-ouest de l’espace castral a été édifiée une chapelle. Placée sous le vocable de Notre-Dame des Vergers, cette construction d’époque romane se trouve à l’heure actuelle, au nord, en partie encavée dans un remblai dont la date de mise en place restait à établir. Côté sud, au contact de la courtine, la présence d’arrachements de maçonneries dans les élévations du mur gouttereau de la nef identifier la présence d’un bâtiment accolé à fonction encore indéterminée. L’origine et le statut de ce lieu de culte seront à éclaircir, tout comme l’existence éventuelle d’un prieuré de fondation seigneuriale.

Au nord et au contact de la chapelle, la présence d’un espace funéraire a pu être confirmée par une intervention archéologique récente. Cette opération a permis de caractériser au moins trois niveaux d’inhumation, les niveaux supérieurs étant établis dans un remblai apporté au cours du XIVe siècle contre les maçonneries nord et ouest de la chapelle, alors que les tombes appartenant au niveau le plus ancien (non daté) ont été creusées dans le substrat géologique. La fouille a également mis en évidence le bon état de conservation des ossements humains mis au jour. C’est une population médiévale classique (adultes et enfants), dans un état sanitaire médiocre, qu’a mis en lumière l’étude anthropologique (GEORGET 2012).

Pour finir, la présence de réseaux de galeries souterraines et/ou habitats troglodytiques aménagée dans le substrat calcaire ainsi que la mention de « silos » dans le secteur situé entre la chapelle et la tour maîtresse, ainsi qu’à l’est de cette dernière, laissent augurer en surface d’une occupation et de bâtiments à fonction domestique, mais l’organisation générale et la nature de ces équipements nous échappent, en l’absence de toute cartographie des réseaux ou de reconnaissances archéologiques. L’affectation et l’organisation fonctionnelle du reste de l’espace circonscrit par le tracé de l’enceinte n’ont à ce jour fait l’objet d’aucune véritable étude.

La majeure partie du site du Haut-Clairvaux est aujourd’hui propriété de la commune de Scorbé-Clairvaux, qui souhaite faire vivre ce lieu patrimonial tout en assurant sa conservation sur le long terme. À l’occasion de la campagne de 2012, est apparue de manière évidente la nécessité de réaliser une étude approfondie de ce site castral largement méconnu, non seulement en raison de son intérêt archéologique mais aussi dans la perspective de constituer une documentation scientifique permettant d’arrêter des partis pris clairs de restauration et de mise en valeur. À cette fin s’est constituée au sein d’un projet collectif de recherches une équipe de chercheurs aux compétences complémentaires. Le choix des problématiques de recherches à développer a fait l’objet d’une importante réflexion préliminaire, qui a permis de définir une stratégie d’investigation articulée autour des trois axes suivants :

Le Haut-Clairvaux : histoire, topographie et territoire d’un pôle châtelain

Ce premier axe de recherche portait tout d’abord sur l’étude du territoire châtelain et de la topographie castrale, à partir du récolement et de l’analyse approfondie des sources documentaires  disponibles (Didier DELHOUME). Les origines du site castral du Haut Clairvaux restent en effet l’objet de conjectures. Du point de vue archéologique, on constate que le site a été aménagé à l’écart du maillage d’indices d’occupation antique actuellement connu, notamment un itinéraire antique d’orientation est-ouest qui traverserait le bourg de Scorbé-Clairvaux. Le vocable Saint-Hilaire, affecté à l’église paroissiale de Scorbé, renvoie à une origine très précoce de ce lieu de culte, qui a probablement constitué un des pôles primitifs de la christianisation du secteur, et en tout état de cause l’un des points d’ancrage de la population durant l’Antiquité tardive et le très haut Moyen Âge, comme en témoigne notamment la mention de la villa de Sene Corbiaco dans la Vie de Venance Fortunat (VIe siècle).

Le château du Haut-Clairvaux aurait donc été édifié ex nihilo, dans un secteur de confins boisés aux marges septentrionales de l’antique paroisse de Scorbé et, à une échelle

plus large, des comtés d’Anjou et de Poitou. Les premières mentions de la seigneurie du Clairvaux datent cependant du Xe siècle et concernent la personne d’Hugues « Mange-Breton », officier du comte d’Anjou et gouverneur de Saumur en 1032. La seigneurie dépendait alors de l’Anjou et non du Poitou. La fortification du XIIe siècle est connue par la querelle de 1182 qui oppose Henri le Jeune, alors comte d’Anjou et du Maine, à son jeune frère Richard Cœur de Lion, comte de Poitou et duc d’Aquitaine. Richard aurait fortifié le Haut Clairvaux face au vicomte de Châtellerault, seigneur direct de Clairvaux, et son frère aîné qui menace d’entrer en guerre. Leur père, Henri II, roi d’Angleterre, intervient et calme les tensions. Le château est alors rendu à la famille de Clairvaux, qui conserve le site jusqu’au XIIIe siècle puis plusieurs familles se partagent ou se succèdent à la tête de la seigneurie au cours des deux siècles suivants. La seigneurie fait l’objet d’un partage entre les familles Chabot et de La Tour-Landry au cours des années 1577-1578, à l’origine d’une description complète de la baronnie de Clairvaux et de tout ce qui en dépend. à l’issue de ce partage, les Chabot font construire un château neuf à proximité du bourg de Scorbé. Les deux lots seront néanmoins réunis dès 1580 : cette fusion précipite l’abandon du site du Haut Clairvaux, mentionné comme ruiné dès le XVIIe siècle, au profit du château neuf dont le domaine est érigé en marquisat en 1611.

La première priorité des recherches documentaires réalisées en 2014 a été le repérage, l’inventaire et la constitution du corpus de sources, à partir des fonds déposés aux Archives Départementales de la Vienne (séries C, 2E et 1J) et à la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine (qui a notamment livré un lot intéressant de documents graphiques anciens sur les vestiges de la tour et de la chapelle). Une dizaine de documents manuscrits (XVe-XXe s.) – notamment des aveux et l’acte de partage de 1577, riche d’informations sur la topographie du site) ont fait l’objet de transcriptions et d’analyses approfondies. Ces sources permettent d’envisager une cartographie de la seigneurie de Clairvaux dès le début du XVe siècle. Dans le même temps, plusieurs sources angevines ont permis de préciser, pour les XIIe-XIIIe siècles, les modalités d’ascension du lignage châtelain, dans le proche entourage des comtes d’Anjou.

Parallèlement à ces recherches documentaires, une campagne de prospections géophysiques (Adrien CAMUS et Vivien MATHE) a été mise en œuvre sur le site au printemps 2014. L’objectif était ici non seulement de déterminer les limites du site castral mais aussi de localiser les structures fossoyées et maçonnées enfouies, de manière à améliorer la compréhension de l’organisation interne du site castral. La méthodologie mise en œuvre a fait appel à trois approches géophysiques complémentaires : prospection électromagnétique, prospection magnétique et prospection électrique. L’ensemble de ces approches a permis d’identifier de nombreuses anomalies traduisant la présence de structures anthropiques, et notamment la présence de deux tours inédites, au nord et au nord-ouest, dominant un imposant fossé isolant l’enceinte du promontoire, ainsi qu’un autre fossé, plus modeste, isolant une enceinte orientale articulée autour de la tour-maîtresse du reste de l’enceinte castrale à l’ouest.

L’ensemble de ces prospections apporte donc de nombreux éléments de réflexion inédits sur les structures archéologiques encore en place et a permis d’orienter certains parti-pris d’intervention de la campagne 2014. En revanche, ces techniques se sont révélées inopérantes en matière de repérage d’aménagements souterrains.

Origines et évolution du dispositif défensif

Au titre de la campagne de terrain, qui s’est déroulée durant deux semaines en juillet 2014, deux secteurs d’intervention ont été choisis dans le cadre de cette thématique : la tour maîtresse (Nicolas PROUTEAU) et le front nord (Caroline CHAUVEAU).

La tour-maîtresse du Haut-Clairvaux se décompose en deux parties distinctes : une tour quadrangulaire à contreforts plats dont il ne reste aujourd’hui plus que la salle basse et l’élévation orientale et un mur-bouclier massif plus tardive, venant s’appuyer contre la façade orientale de cette tour. Cette tour-maîtresse, d’une hauteur totale de 28 m, commandait visiblement une chemise flanquée de tours au sud-est, protégée par de puissants fossés. Ce premier noyau contrôlait l’accès à une cour plus plus vaste au nord. D’après la prospection géophysique, la cour était protégée par une imposante muraille flanquée de tours quadrangulaires, aujourd’hui ruinées et enfouies sous de nombreux remblais postérieurs.

Une première campagne d’archéologie du bâti a été initiée sur la tour (zone 4). L’opération a principalement consisté à mettre en place la méthodologie du relevé et de l’enregistrement auprès des étudiants bénévoles. Les salles intérieures du mur-bouclier et de la tour romane ont été relevés et étudiés lors de cette campagne. La façade extérieure nord de la tour romane a aussi fait l’objet d’une première phase de relevé pierre-à-pierre. La campagne 2015 permettra de poursuivre ces travaux sur la tour-maîtresse et de mieux saisir son articulation avec les différentes cours, accès et enceintes. L’analyse architecturale, la réalisation de sondages archéologiques en lien avec l’étude du bâti, la datation 14C de charbons de mortier et une étude documentaire exhaustive permettront de mieux appréhender la chronologie relative et si possible, absolue, du site.

Au niveau du front nord (actuellement totalement vierge de constructions en élévation) dite zone 3, deux sondages ont été réalisés, avec pour objectifs d’une part de localiser l’emprise de l’enceinte castrale dans cette zone, d’autre part de caractériser les structures archéologiques situées au sommet du terrain (hypothèses d’une motte castrale, d’un bâtiment). La profondeur des vestiges a rendu difficile l’acquisition des données sur une étendue satisfaisante. Le sondage a été agrandi pour atteindre une profondeur de 3,50 m. Les coupes ont été redressées manuellement, photographiées, relevées et topographiées. La stratigraphie s’est révélée simple avec un recouvrement argileux très épais au-dessus des premières couches archéologiques. Ce niveau est issu du colluvionnement de la parcelle agricole située au nord du site. Le mobilier est rare et évoque une datation contemporaine. La première couche archéologique a été rencontrée à environ 2,75 m sous le niveau de sol actuel : elle est constituée de blocs de calcaire taillés et de nodules de mortier de chaux, évoquant une couche de démolition par son pendage du sud vers le nord. Pour des raisons de sécurité, nous avons dû interrompre nos recherches à cette profondeur. Compte-tenu du pendage de cette couche de démolition et de l’absence de structures, il est possible qu’il s’agisse du remplissage du fossé nord de l’enceinte castrale.

Un deuxième sondage a été ouvert au sommet du terrain pour en vérifier la stratigraphie et afin de confronter les résultats de la prospection géophysique avec la réalité archéologique. Sous 15 cm de terre, une maçonnerie circulaire est apparue sur deux assises, composée de pierres de taille en calcaire. La tranchée de fondation a également été observée en coupe. S’il reste difficile d’attribuer une fonction à cette maçonnerie, son état de conservation sous le sol actuel engage à continuer les recherches dans ce secteur pour dégager le plan complet de cette tour et comprendre ses relations stratigraphiques avec l’enceinte castrale visible sur le plan de prospection géophysique (tours de plan quadrangulaire et murs de courtine qui semblent effondrés dans le fossé). Là encore, le mobilier est absent dans l’emprise du sondage.

La campagne 2015 devrait permettre de dégager la tour en plan et de réaliser un transect entre cette tour et l’enceinte castrale du front nord, de manière à obtenir une séquence stratigraphique complète depuis le fossé extérieur jusqu’à la tour et la partie sommitale du site. Cette séquence permettra d’obtenir des éléments datants, de localiser l’enceinte castrale et de connaître ses articulations avec les structures situées dans l’espace castral.

Le pôle religieux et funéraire

Malgré une étude universitaire en 1998 (Macé 1998) et une campagne de restauration en 2011, la chapelle Notre-Dame des Vergers était encore faiblement documentée par des relevés et de ce fait, restait difficile à appréhender. L’édifice occupe l’extrémité sud du plateau calcaire servant d’assise au site castral de Clairvaux. Son orientation atypique pose la question du contexte de la construction : la disposition serait conforme à une intention liturgique, mais elle pourrait également répondre à une contrainte topographique. Dans le même registre, une construction en ruine, de fonction indéterminée, semble avoir occupé l’espace au sud-ouest de la chapelle compris entre le mur gouttereau de la nef et le bord du plateau. L’état de ruine n’offre actuellement aucune possibilité de lecture topographique, ni stratigraphique. Du point de vue de ses élévations, l’édifice paraît relativement homogène, mais une lecture stratigraphique des parements semblait nécessaire pour affiner la chronologie relative des différentes parties, assortie à  une analyse structurelle et fonctionnelle (systèmes de circulation, éclairage, mobilier…), indispensable pour comprendre la liturgie ou l’attribution des différents espaces. La présence de décors sculptés et peints, ainsi que de nombreux graffitis, imposait également des relevés pour comprendre l’intérêt de ces représentations.

À l’issue de la campagne 2014, l’étude du secteur de la chapelle – zone 2 – (Patrick BOUVART) est encore trop limitée pour réellement renouveler les connaissances. Elle vient seulement enrichir de quelques observations les résultats très pertinents présentés en 1998. Le contexte d’implantation de la chapelle n’est pas encore perçu. Malgré la variation d’orientation entre le chevet et la travée sous clocher, la continuité des assises et les relations physiques des structures incitent à regrouper ces élévations dans une même première phase de construction (phase 1). à l’issue de celle-ci, l’abside est seulement ajourée d’une baie axiale. La travée droite est initialement dépourvue de la porte ouvrant au nord. Une modification de l’élévation du collatéral nord pose des problèmes d’interprétation. L’existence d’un portail reste une hypothèse faiblement fondée, notamment en l’absence d’observation de la base de cette façade. La différence observée sur le traitement des couvrements de l’ensemble de l’édifice conduit à associer les voûtements des trois espaces à cette première phase. La coupole sur trompes est destinée à supporter un clocher. Un premier dispositif d’accès pourrait y être associé, desservi par une porte dans le collatéral sud. Actuellement, à défaut d’une étude complète, les indices manquent pour une restitution. Les relations physiques avec la cage d’escalier à vis semblent néanmoins assurer une hauteur des élévations du clocher équivalente à celle subsistante ainsi que leur caractère aveugle jusqu’à ce niveau.

Des ruptures d’assises et des contacts physiques entre structures garantissent un changement de logique constructive pour les élévations de la nef (phase 2). Cette partition peut résulter de la gestion des espaces durant le chantier : aire de stockage et de préparation des matériaux, position des échafaudages et d’un engin de levage… Elle peut également témoigner d’une distinction entre des commanditaires associés pour la construction de l’édifice. Ainsi se pose la question du rôle  respectif des seigneurs de Clairvaux et des moines de l’abbaye de Cormery, attributaires de la chapelle. La juxtaposition des maçonneries démontre également la postériorité de la cage d’escalier en vis par rapport au collatéral sud et au clocher. Aucune variation significative n’est observée quant à la nature de la pierre, les modules des moellons, les traces d’outils ou la composition des mortiers. L’analyse métrologique n’appelle aucune remarque. Les seules particularités enregistrées sont l’introduction des décors sculptés et le couvrement des espaces par des voûtes en pierre de taille. Une étude détaillée de ces éléments reste à faire. Une observation limitée au parement externe de la cage d’escalier permet néanmoins d’assurer une antériorité de cette seconde phase à la construction d’un bâtiment accolé au mur gouttereau sud de la nef.

Au sud de la chapelle, la seule portion d’élévation étudiée cette année soulève plus d’interrogations qu’elle n’apporte d’informations. Perpendiculaire à la chapelle, cette maçonnerie pourrait correspondre à une portion de courtine (phase 3). La relation avec les autres structures défensives est à vérifier. Les observations sont encore trop limitées pour définir la fonction et l’organisation du bâtiment adossé ultérieurement à la nef (phase 4). Plusieurs modifications du collatéral nord de la travée sous clocher suggèrent un changement de fonction de l’espace (phase 5). L’ensemble laisse supposer l’aménagement d’un autel. Le collatéral nord serait ainsi transformé en chapelle. En dernier lieu, le percement d’une ouverture de tir serait à mettre en contexte avec la défense du site durant les guerres de Religion (phase 6).

Dernier axe de recherche engagé en 2014, l’étude de l’utilisation à des fins funéraires des abords de la chapelle (zone 1) (Patrick BOUVART, Gwenhaël GEORGET). La campagne 2014 devait s’inscrire dans le prolongement des découvertes et observations effectuées à l’occasion lors des sondages réalisés en 2012 (Georget 2013). Les sépultures observées alors appartenaient à un moment assez tardif de l’histoire du site castral, ayant  été aménagées dans un remblai ramené contre les maçonneries de la chapelle. L’objectif de la campagne 2014 était en premier lieu de documenter la question des origines et de la nature de l’occupation aux abords de la chapelle, en réalisant des sondages exploratoires au nord-est et au chevet de la chapelle. Les résultats engrangés renouvellent complètement notre perception de l’évolution fonctionnelle de cette partie de l’enceinte castrale, pour laquelle 11 phases ont pu être caractérisées.

La plus ancienne structure identifiée serait un silo creusé dans le substrat rocheux (phase 1). Les investigations sont encore trop limitées pour en conclure l’existence d’une aire d’ensilage : l’association avec des structures bâties reste également hypothétique. La période de cette première occupation n’est renseignée par aucun indice ni aucune source écrite. La chronologie relative conduit à l’estimer antérieure ou contemporaine des XIe-XIIe siècles. À une date indéterminée, la construction d’un bâtiment ignore ou condamne l’ouverture du silo (phase 2). Les élévations sont difficilement restituables et la fonctionnalité de l’édifice et sa durée d’utilisation, tout comme son  lien éventuel avec les autres ensembles bâtis et la chapelle restent à établir (phase 3). Ensuite, des gravats sont épandus sur l’arase du bâtiment, y compris quelques pierres de taille (phase 4). Du mobilier céramique intégré dans ces couches situe cette phase dans le courant sinon après les XIe-XIIe siècles.

Conservées à l’extrémité orientale de la zone 1, des portions de courtines sont assurément antérieures à une accumulation de déchets d’extraction de tuffeau (phase 5 ?). L’espacement entre deux d’entre elles pose la question d’une lice ou de lignes de défense successives.

À lest de la chapelle, louverture dun sondage a permis la découverte inattendue dun réseau souterrain creusé sous la zone 1. Ce réseau n’a pu être exploré pour des raisons de sécurité ; ses accès et son extension restent encore inconnus mais l’ampleur des volumes excavés a pu être constatée. L’activité parait assez logiquement expliquer l’accumulation de gravats sur près de 3 m d’épaisseur (1500 m3) en contrebas du chevet de la chapelle, au revers de la courtine sud. La datation de cette phase de creusement n’est pas clairement cernée (phase 6) : elle serait comprise entre le XIIe et le milieu du XIVe siècle selon les indices fournis par les dépôts de mobilier céramique. En phase 7, deux bâtiments seraient construits suivant une orientation divergente de la chapelle ; ils sont démolis lors de la phase 8, vers la fin du XVe voire le XVIe siècle. En dernier lieu, l’édification d’un mur de clôture pourrait concorder avec une implantation voire une extension d’une aire funéraire autour de la chapelle (phases 9 et 10). L’étude biologique des six individus exhumés en 2014 n’est pas achevée. Les sépultures se présentent sur trois niveaux. Des indices de l’existence de cercueils et de linceuls ainsi que de coussins funéraires ont été décelés. La population ne présente aucun biais ; périnatals, enfants, hommes et femmes de tous âges sont présents, avec un état sanitaire souvent médiocre.

La campagne 2015 devrait permettre – outre des compléments documentaires – d’approfondir l’étude de la chapelle et de la tour-maîtresse,   ainsi que de réaliser la fouille des structures mises au jour sur le front nord (fig. 1). Un sondage sera également réalisé au pied de la façade nord de la tour, à l’emplacement présumé d’un bâtiment accolé, a priori contemporain de la phase primitive d’édification de cet édifice.

 

2015

Le château du Haut-Clairvaux, en dépit de sa longue histoire et du classement au titre des monuments historiques du donjon et de la chapelle, n’a guère fait l’objet de recherches. Installé non loin de Châtellerault, sur une butte naturelle qui constitue un des points culminants du nord du département de la Vienne, il est identifiable, de loin, grâce à la silhouette élancée de la puissante tour maîtresse quadrangulaire qui en domine le panorama.

Un projet collectif de recherches, initié en 2014, rassemble autour de cet important site castral une équipe de chercheurs fédérée par le centre d’études supérieures de civilisation médiévale de Poitiers. Les sources écrites comme les imposants vestiges de la tour maîtresse et de la chapelle castrale laissaient augurer un important potentiel archéologique, susceptible d’identifier le château du Haut-Clairvaux comme un jalon important dans l’histoire de l’architecture castrale du Moyen Âge central dans le centre ouest de la France. Les premiers résultats confirment ces attentes…

Une forteresse entre Poitou et Anjou

Les premières mentions de seigneurs de Clairvaux datent du début du XIe siècle. Ils se distinguent très vite par leur position éminente dans le proche entourage des comtes d’Anjou, qui leur confient diverses charges prestigieuses  ainsi que la garde de certaines forteresses comtales (Saumur notamment). Le lignage semble détenir simultanément des droits sur divers lieux du comté (Durtal, Mathefelon, etc). Quant au château de Clairvaux, il relève alors du comté d’Anjou et non de celui de Poitou, ce qui explique la querelle de 1182 qui opposa Henri le Jeune, alors comte d’Anjou et du Maine, à son jeune frère Richard Cœur de Lion, comte de Poitou et duc d’Aquitaine. Richard aurait fortifié le Haut Clairvaux face au vicomte de Châtellerault, seigneur direct de Clairvaux, et sans égard pour les droits éminents de son frère aîné, qui menace d’entrer en guerre. Leur  père, Henri II, roi d’Angleterre, intervient et calme les tensions. Le château est alors rendu à la famille de Clairvaux, qui conserve le site jusqu’au XIIIe siècle. Plusieurs familles se partagent ou se succèdent ensuite à la tête de la seigneurie au cours des deux siècles suivants. La seigneurie fait l’objet d’un partage entre les familles Chabot et de La Tourlandry au cours des années 1577-1578, à l’origine d’une description complète de la baronnie de Clairvaux et de tout ce qui en dépend.

Des techniques ultra modernes pour explorer le site

Les méthodes d’analyse conjuguent recherches documentaires, fouilles sédimentaires, étude archéologique des élévations, prospections géophysiques, etc. L’opération de 2015 a débuté par une campagne de relevés topographiques et d’exploitation des données cartographiques. D’une part, l’ensemble des élévations et des emprises de fouille a fait l’objet d’une numérisation 3D. D’autre part, un système d’information géographique (SIG) a été élaboré afin d’optimiser les représentations spatiales. La diversité et la complexité des vestiges ont imposé une combinaison de différentes techniques de numérisation avec prises de vue terrestres et aériennes (en drône).

Les fouilles archéologiques se sont déroulées sur trois semaines au cours de l’été 2015 et ont concerné trois secteurs distincts de l’ensemble castral : deux associés à l’étude du dispositif défensif et à son évolution (front nord et tour maîtresse), le troisième à l’étude approfondie de la chapelle castrale Notre-Dame des Vergers.

Parallèlement, une campagne complémentaire de prospections géophysiques a été réalisée après l’été. Elle a permis de mettre en lumière, sur le front occidental de l’enceinte castrale (au nord-ouest de la chapelle), la présence de bâtiments inédits et/ou d’importants remblais d’effondrement à l’aplomb du fossé entaillant le promontoire.

La chapelle Notre-Dame des Vergers

Au contact de l’enceinte et au sud-ouest de l’espace castral a été édifiée une chapelle. Placée sous le vocable de Notre-Dame des Vergers, cette construction d’époque romane se trouve à l’heure actuelle, au nord, en partie encavée dans un remblai. Au sud, contre la muraille d’enceinte, des arrachements de maçonnerie signalent la présence d’un bâtiment accolé. Trois sondages archéologiques ont été ouverts en 2015. Les résultats améliorent la chronologie déjà établie pour la construction (fig. 2). La première phase (jaune clair) comprend l’édification du chevet et de la travée sous clocher. La seconde phase correspondrait à une destruction partielle de la chapelle peut-être encore inachevée. La cause et la datation de l’événement demeurent cependant impossibles à déterminer. La troisième phase serait une consolidation hâtive d’une cage d’escalier à vis desservant le clocher (jaune foncé). Sous la forme d’une maçonnerie grossière en talus, elle sert de soubassement à un massif de mise en œuvre plus soignée. Celui-ci renforce le dispositif de contrebutement et sert également de soubassement à la reconstruction de la cage d’escalier. Cette quatrième phase (orange) associe l’édification de la nef, marquée par un changement de parti architectural. L’ensemble précède l’élévation d’un bâtiment attenant au sud, supposé être le logement du chapelain (bleu).

À l’intérieur de la chapelle, un sondage dans l’abside a fait apparaître le socle maçonné d’une table d’autel. La datation de cet aménagement liturgique reste à établir. Dans la nef, d’autres sondages ont révélé une surface du rocher quasi-affleurant sous la poussière ou les vestiges très ponctuels d’un sol de carreaux de terre cuite. Plusieurs inhumations ont été repérées.

Le front nord de la fortification

La fouille réalisée en plein champ, à quelques dizaines de mètres au nord-ouest de la tour maîtresse, a révélé d’une part l’existence de remblais correspondant sans doute aux rejets de terre accumulés lors du creusement d’un fossé défensif. Elle a ensuite mis en évidence une construction en pierre d’une très belle qualité, adossée à l’ancienne muraille du château, et dont les murs avoisinent 1,80 m d’épaisseur (fig. 3). Les maçonneries sont fondées jusqu’au terrain naturel. Elles sont ainsi partiellement conservées, sur une hauteur de 2,50 m. Les élévations sont cantonnées de deux tourelles pleines de 3,30 m de diamètre. L’espace interne est établi selon un plan carré d’environ 7,20 m de côté en œuvre. Le niveau d’arasement est inférieur au niveau de circulation primitif. Ainsi, aucune ouverture ni aucun sol n’est conservé. La datation repose sur des charbons prélevés dans le mortier et reste encore à confirmer (fin XIIe-début XIIIe siècle ?).

La tour maîtresse

La première campagne archéologique menée sur la tour maîtresse dès 2014 a consisté à réaliser une étude du bâti sur l’ensemble des intérieurs et une partie des façades extérieures de l’édifice. Cette première campagne a identifié trois grandes phases successives de construction, ainsi que quelques états secondaires d’aménagement (percement d’ouvertures) aux XIXe et XXe siècles.

Cette tour carrée à contreforts en bel appareil de tuffeau est construite dans le deuxième tiers du XIIe siècle. Il apparaît d’ailleurs que cette tour résidentielle, la chapelle castrale et leurs enceintes respectives – dont les tracés exacts restent encore à reconnaître – sont érigées au même moment. Geoffroy de Clairvaux, grand sénéchal d’Anjou, Payen, émissaire de Geoffroy-le-Bel en Normandie et en Angleterre et Belot de Clairvaux semblent se succéder à la tête de la seigneurie entre la fin du XIe siècle et les années 1160-1170 et jouent un rôle de premier plan à la cour des comtes d’Anjou. La deuxième grande phase de construction voit l’adjonction d’un immense « mur-bouclier » contre la façade orientale de la tour à contreforts. Cette construction hérissée de défenses actives (niches à archères, galerie de hourds) a été traditionnellement attribuée à Richard Cœur de Lion, alors comte-duc d’Aquitaine, entre 1182 et 1184. Une dernière phase, datée de la fin du Moyen Âge, correspond à l’aménagement résidentiel des salles hautes du mur-bouclier (cheminée, baies). La défense ne disparaît pas pour autant des programmes constructifs à cette période.

En juillet 2015, une fouille a été réalisée au pied de la façade nord de la tour-maîtresse. Sous plusieurs niveaux de remblais contemporains liés à un bâtiment de ferme des XIXe-XXe siècles accolé à la façade nord de la tour, une semelle de fondation composée de deux assises en arrondi a été mise au jour. Constituées de blocs de tuffeau blanc taillés, elle vient se coller contre la base de la façade nord de la tour romane. Un massif de maçonnerie, sans doute un départ de courtine, a été découvert, chaîné à cette semelle de fondation. La projection d’un tracé elliptique suivant à la fois à la fois l’arrondi du mur-bouclier à l’est et celui des assises de fondation au nord permet de comprendre qu’il s’agit d’un seul et même cercle, d’une seule et même construction cylindrique (fig. 4).

Cette découverte majeure permet de considérer que ce n’est plus un « mur-bouclier » en quart de cercle qui est situé contre la façade orientale de la tour romane, mais bien le segment – encore conservé en élévation – d’une tour ronde plus grande qui enchapait la tour romane sur ses quatre pans. Sous réserve que ce tracé circulaire soit reconnu à l’Ouest et au Sud, la tour ronde constituerait donc un ensemble inédit d’à peu près 21 m de diamètre pour 30 m de hauteur. Des analyses de charbons prélevés dans les maçonneries orientent les datations vers la fin du XIIe ou le début du XIIIe siècle.

Un ensemble castral dont l’organisation se révèle

La construction de la chapelle et le creusement d’un fossé défensif au nord pourraient débuter vers la fin du XIe siècle voire la première décennie du XIIe siècle. L’édification d’une courtine sur le même front serait retardée jusqu’aux années 1150-1190. Aucune corrélation n’est encore possible, toutefois des destructions semblent affecter des maçonneries au cours du XIIe siècle. Les constructions consécutives correspondent à des bâtiments adossés à divers points de l’enceinte. L’édifice cantonné de tourelles et celui accolé à la nef de la chapelle pourrait ainsi être destinés à des officiers et du personnel chargés d’assurer la défense et la gestion du site. Le contexte général ravive la question des aménagements impulsés par Richard Cœur-de-Lion, durant la période mouvementée comprise entre 1181 et 1184. Dans le même ordre d’idées, la découverte des fondations d’une tour circulaire d’imposantes dimensions (20 m de diamètre sur 30 m de haut) enchapant la tour romane à contreforts pose la question de la maîtrise d’ouvrage d’un tel programme constructif. Bien que conditionnée par la taille du réduit carré de la tour romane qui fait déjà 12 m de côté, cette construction monumentale rappelle plus un programme constructif de la première moitié du XIIIe que de la deuxième moitié du XIIe siècle. Les futurs travaux de recherches archéologiques et historiques permettront peut-être d’affiner ces premières hypothèses.

Ce projet collectif de recherches permet de mieux documenter ce site patrimonial majeur du nord du Poitou, propriété de la commune de Scorbé-Clairvaux, qui souhaite en assurer la conservation à long terme et la valorisation à destination du plus large public. L’ensemble des données collectées alimente donc la connaissance du site et constitue une documentation scientifique irremplaçable, à l’heure notamment d’arrêter des parti-pris clairs de restauration et de sauvegarde de la chapelle castrale. Une nouvelle campagne de fouilles programmées aura lieu en juillet 2016.

 

2016

Intitulé « Le Haut-Clairvaux, morphogénèse d’un pôle châtelain du Haut-Poitou », notre Projet Collectif de Recherches se concrétise actuellement par des études historiques et des prospections géophysiques en lien avec trois années successives de fouilles archéologiques programmées (2014-2016). Depuis le début, l’ensemble des opérations est coordonné par Didier Delhoume. Outre les apports de la campagne de 2016, le présent rapport propose une synthèse de l’ensemble des résultats en vue d’une nouvelle programmation triennale.

Depuis 2014, la stratégie d’investigations est articulée autour de trois axes :

  • Histoire, topographie et territoire du pôle châtelain
  • Origines et évolutions des dispositifs défensifs et résidentiels
  • Conditions d’implantation et évolutions du pôle religieux et de l’espace funéraire

En 2016, les recherches ont finalement pu s’étendre aux structures souterraines grâce à l’intégration de trois spécialistes, Adrien Arles, Florian Leleu et Quentin Moreau.

Les opérations de terrain se sont déroulées sur une durée de trois semaines, du 4 au 22 juillet. Elles ont sollicité une quinzaine d’étudiants ou bénévoles et la mise à disposition d’une pelle mécanique avec conducteur par la municipalité de Scorbé-Clairvaux. Six zones ont ainsi été prises en compte.

Dans la zone 1, aux abords de la chapelle, Emmanuel Corfmat s’est efforcé d’améliorer les connaissances sur l’enceinte et sa relation avec l’édifice adossé à la nef de la chapelle (fig. 5). De l’autre côté, dans l’emprise du site, les trois spécialistes des souterrains ont tenté de rétablir l’accès à l’une des galeries souterraines découvertes lors d’un effondrement.

Dans la zone 2, la chapelle, Patrick Bouvart a poursuivi l’analyse du bâti et le sondage dans le chevet.

Dans la zone 3, le front nord-ouest du castrum, Céline Chauveau et Patrick Bouvart ont conduit les recherches sur plusieurs anomalies de résistivité électrique suggérant la présence d’édifices arasés.

Dans la zone 4, Nicolas Prouteau a étendu les investigations au pied de la tour maîtresse.

Enfin, dans la zone 5, Nicolas Prouteau a entamé une reconnaissance des vestiges au-dessus de cavités souterraines.

L’ensemble des vestiges a fait l’objet d’une numérisation en vue d’une modélisation 3D du site et d’une cartographie élaborée au moyen d’un SIG.

Au sud de la chapelle, les différents sondages entrepris afin de repérer le tracé de la fortification ont abouti au constat d’une insuffisance des moyens de terrassement pour dégager les ruines d’une construction très lacunaire ainsi que le profil du terrain avant leur démantèlement.

Dans la chapelle, les fouilles dans l’abside ont atteint le terrain naturel. L’état de conservation des vestiges limite les perspectives de restitution des sols et des aménagements liturgiques. Un soubassement de table d’autel reste néanmoins identifiable. Dans la travée droite, la découverte de carreaux de pavement et d’une chape motive une poursuite des investigations dans la perspective d’orienter les projets de restauration.

Dans la zone 3, la découverte d’un édifice à deux tourelles d’angle, en partie analogue à celui mis au jour en 2015, pose la question d’un programme de construction unitaire pour ce front (fig. 6). En l’absence d’indice d’occupation, l’hypothèse d’unité d’habitation peut difficilement être étayée. Quant à la notion de fortification, elle est nuancée par une implantation contre l’enceinte mais à l’intérieur et non en flanquement. La restitution de la jonction entre les deux constructions reste très incertaine en raison de la découverte de maçonneries non détectées lors de la prospection géophysique. L’observation de la courtine confirme une destruction par galeries de sape. Une fois encore, les investigations n’ont pu définir le profil du fossé en raison de l’ampleur des gravats. L’un des sondages a également confirmé l’importance des terrils de tuffeau dans la morphogénèse du site. Leur origine est à découvrir : creusement du fossé ou de cavités souterraines ?

Au pied du donjon, les fouilles ont permis de compléter le plan de l’arasement d’une maçonnerie confirmant ainsi qu’une élévation circulaire de 21 m de diamètre a « enchassé » la tour à contreforts sur au moins deux de ses côtés (fig. 7) de révéler des fondations de plusieurs massifs assurant l’épaulement de cette élévation circulaire de dégager plusieurs niveaux de sols et constructions témoignant de l’occupation et de l’évolution d’un bâtiment installé à l’époque moderne de découvrir un fossé dont le caractère défensif reste à prouver mais qui délimite clairement la plateforme de la tour-maîtresse au nord. Le profil, la profondeur et la chronologie du comblement n’ayant pu être précisés, des fouilles complémentaires s’avèrent indispensables des constructions émergent de ce fossé et seraient donc antérieures à son comblement. Il convient de les identifier (pont-dormant ?)

l’ensemble des données acquises sur la plateforme au nord de la tour-maîtresse fait évoluer la connaissance de la fortification sur ce secteur mais soulève la question de la relation avec la « basse-cour » notamment concernant la topographie primitive du site.

Au niveau des souterrains, l’analyse est encore trop restreinte pour avancer des conclusions. En outre, l’équipe s’est heurtée à des difficultés de terrassement afin d’assurer l’accessibilité à l’ancienne galerie effondrée.

En 2017, le Projet collectif de recherche est clos en partie en raison d’un désengagement de Didier Delhoume. Les recherches seront néanmoins poursuivies par Patrick Bouvart, Céline Chauveau, Emmanuel Corfmat, Adrien Arles, Florian Leleu, Quentin Moreau et probablement de nouveaux. Nicolas Prouteau a accepté d’en assurer la coordination. Les perspectives portent sur la reconnaissance du réseau souterrain, des abords immédiats de la tour-maîtresse et la matérialisation de l’enceinte sur le front occidental. Une réflexion doit être menée au sein de l’équipe sur les moyens à mettre en œuvre pour atteindre ses objectifs à l’issue d’une seconde triennale, sachant que la pelle mécanique mise à disposition jusqu’à présent par la mairie se révèle maintenant insuffisante.

 

2017

La campagne de fouille menée en juillet 2017 a encore affiné notre connaissance du site. Deux sondages aux abords de la chapelle (zone 1) ont montré la présence d’une maçonnerie orientée est-ouest indiquant une vraisemblable partition entre un espace plutôt militaire au nord et un espace à vocation religieuse et d’habitation au sud. Un nouveau silo a également été mis au jour, confirmant une répartition des aires d’ensilage pour le moment uniquement en bordure de plateau. Dans un des sondages, l’entrée d’un souterrain a été partiellement dégagée. Elle ouvre sur un vaste réseau, déjà suspecté dans ce secteur depuis 2015. Plusieurs salles et galeries seront donc à étudier dans les prochaines campagnes de fouille. Cette découverte renforce l’importance du réseau souterrain sur la morphologie et l’utilisation du site. Dans la chapelle (zone 2), les investigations se sont poursuivies par un sondage dans la travée sous clocher qui a permis l’identification de niveaux de sols et de nouvelles structures. Au nord-ouest du site (zone 3), la campagne de fouille de 2017 a permis la mise au jour d’une porterie. Cette structure, composée d’un couloir bordé par la porte à l’ouest et par un bâtiment au nord-est, est accolé contre l’enceinte du site dont une nouvelle portion des fondations a pu être dégagée. La porterie et l’enceinte sont antérieures au bâtiment quadrangulaire dégagé en 2016. Le fossé est situé à l’ouest de l’enceinte. Son profil a pu être observé pour la première fois depuis 2014. L’escarpe et la contrescarpe présentent des parois verticales, taillées directement dans le rocher calcaire. Sa largeur est de 10,60 m. Pour des raisons de sécurité et de volume de terrassement, le fond n’a pas été atteint pour le moment. L’extension de la zone de la porterie, sa connexion précise avec l’enceinte et le fossé, ainsi qu’avec la cour du château, feront l’objet de nouveaux sondages en 2018. Une autre portion de fossé a aussi été fouillée au pied de la tour maitresse, du côté nord (zone 4). Également creusée dans le rocher calcaire, cette structure fossoyée mesure 10,40 m de longueur pour 5,50 m de largeur. Les parois de l’escarpe et de la contrescarpe sont verticales et présentent des traces d’aménagement qui pourraient indiquer un éventuel système de fermeture. Plusieurs bâtiments semblent fonctionner avec ce fossé et ont pu en contrôler l’accès. L’hypothèse d’un fossé-rampe associé à une porterie coudée permettant l’accès au château est envisagée. Cette structure de fossé, entièrement comblée par la destruction partielle de la tour, et les bâtiments mitoyens, continueront d’être au cœur des travaux de la fouille programmée en 2018. À l’est du site (zone 5), la fouille du puits découvert en 2016 a été poursuivie. Il est maintenant avéré qu’il ne s’agit pas d’un point d’eau. Ce puits est en connexion avec une galerie souterraine jusqu’alors inconnue. Les connexions avec la surface de cette nouvelle galerie et son plan seront à rechercher dans les années à venir. Plusieurs sondages ont été réalisés dans le souterrain 1 suite à une première prospection en 2016. Ils ont livré des éléments d’occupation anciens (XIe-XIIsiècle) et une continuité de l’utilisation de ce souterrain jusqu’à l’époque contemporaine, avec toutes les transformations nécessaires à cette occupation.

 

2018

Le PCR « Le Haut-Clairvaux, morphogénèse d’un pôle châtelain médiéval à la frontière Poitou, Anjou et Touraine (XIe-XVe s.) » a entamé en 2017 la première année de sa seconde triennale. Initié en 2014, ce programme de recherche a permis de travailler sur cinq zones du site et d’approfondir trois thématiques de recherche définis lors de la création du PCR :

  • Histoire, topographie et territoire du pôle châtelain.
  • Origines et évolutions des dispositifs défensifs et résidentiels.
  • Conditions d’implantation et évolutions du pôle religieux et de l’espace funéraire.

La campagne de fouille menée en juin et juillet 2018 a permis d’approfondir encore la connaissance du site castral. Contrairement à la première triennale, le programme de fouilles s’est concentré sur trois zones, toutes localisées dans l’ancienne cour présumée du château.
Une forteresse entre Poitou, Anjou et Touraine
Les premières mentions de seigneurs de Clairvaux datent de l’extrême fin du XIe siècle. Issu d’un puissant lignage angevin, le seigneur Belot de Clairvaux gravite pourtant dans l’entourage des vicomtes de Châtellerault pendant la première moitié du XIIe siècle. Ce dernier semble à l’origine du premier château intégrant tour résidentielle à contreforts, chapelle castrale monumentale et une enceinte dont on a du mal à identifier le tracé. Le site repasse dans les mains d’un lignage angevin, en l’occurrence celui de Durtal, comprenant aussi la seigneurie de Mathefelon par l’intermédiaire d’Hubert IV de Champagne et Hugues III de Mathefelon. Richard Cœur de Lion, alors comte de Poitou et Duc d’Aquitaine, capture le site et lance un vaste programme de fortification en érigeant une immense tour en fer-à-cheval (20 m de diamètre, 29 m de haut) enchapant la tour carrée à contreforts et en installant deux tours quadrangulaires au nord du château contre l’enceinte. Plusieurs familles se succèdent ensuite à la tête de la seigneurie au cours des deux siècles suivants. Les plus notables sont notamment les Maillé, qui ont notamment donné deux sénéchaux au Poitou, Hardouin IV et Hardouin V, et la famille de Chabot et de la Tour-Landry. Il est probable qu’à la fin du Moyen Âge, les hôtels particuliers urbains et les palais-résidences plus grands soient préférés à la forteresse vieillissante du Haut-Clairvaux, où les aménagements dédiés au confort et à la résidence sont mineurs.
Une démarche pluridisciplinaire pour étudier un site complexe
Les méthodes d’analyse conjuguent recherches documentaires, fouilles sédimentaires, étude archéologique des élévations, archéométrie, prospections. La première opération de 2014 a débuté par une campagne de relevés topographiques et une prospection géophysique. L’ensemble des élévations, des emprises de fouilles et des sondages font l’objet d’une numérisation 3D. Un système d’information géographique a été élaboré afin d’optimiser les représentations spatiales. La diversité et la complexité des vestiges ont imposé une combinaison de différentes techniques et méthodes. Le Projet Collectif de Recherches sur le Haut-Clairvaux rassemble depuis 2014 des universitaires, chercheurs, archéologues spécialistes de l’Inrap et d’entreprises privées (Hadès, Arkémine, Archemetros), des doctorants, étudiants, collaborant autour de différentes thématiques de recherche.
Un réseau de souterrains très dense
Suite au dégagement complet d’une entrée sur paroi découverte en 2017 et de la rampe la précédant, plusieurs salles et galeries (Zone 1) ont été étudiées et ont fait l’objet d’un levé topographique. Un sondage a été réalisé dans la salle 1 située juste après l’entrée sur paroi. Deux niveaux de circulations très distincts ont été décelés, témoignant d’une réorganisation probable de l’espace souterrain. Bien que les ensembles fauniques étaient présents dans des couches plus disparates que dans la zone 3, douze squelettes de chiens ont aussi été découverts, renforçant l’hypothèse d’élevages de meutes de chasses et d’espaces de chenils à l’intérieur de la cour du château. Cette salle ouvre sur un vaste réseau, déjà suspecté dans ce secteur depuis 2015. Plusieurs structures souterraines seront donc à étudier dans les prochaines campagnes de fouille.
Des structures d’habitat à l’intérieur de la cour du château
Au nord-ouest du site (Zone 3), la fouille a permis de dégager un bâtiment accolé au nord de la porterie et son couloir découverts en 2017. Le bâtiment, de plan trapézoïdal, est accolé contre l’enceinte, et constitue l’une des premières structures d’habitat fouillées dans le château. Remaniée à plusieurs reprises, la salle contient trois silos et a vraisemblablement servi d’espace domestique et de stockage. Une structure de type mangeoire et 11 squelettes de chiens ont été mis au jour dans l’enceinte de la pièce. Ce bâtiment est antérieur aux tours quadrangulaires découvertes en 2015 et 2016. La poursuite des investigations à l’intérieur de la salle, dans la continuité du couloir vers le sud-ouest, vers la tour quadrangulaire au nord, et dans le fossé au pied de la porterie feront l’objet de nouveaux sondages en 2019.
Un châtelet d’entrée coudé au pied de la tour-maîtresse
Les recherches se sont également concentrées au nord-est du site (Zone 4), au pied de la tour-maîtresse, sur un fossé profond, taillé dans le rocher calcaire. Cette structure fossoyée aux parois verticales mesure 10,40 de longueur pour 5,50 m de largeur. Sa profondeur, présumée à 4,30 m en 2017, est en réalité désormais actée de façon beaucoup plus certaine à 7 m. Ce fossé, orienté est-ouest, est en fait un couloir d’accès vers l’intérieur du château constituant avec le châtelet d’entrée au sud, une entrée coudée aux aménagements complexes. La structure a été remplie en deux comblements successifs par la démolition de la tour-maîtresse et des bâtiments situés aux abords, aujourd’hui disparus. Ses parois verticales présentent plusieurs types d’encastrements qui pourraient indiquer d’éventuels systèmes de fermetures et de couverture. Au nord du fossé, ont été découvertes des fondations de salles et de couloir fortement perturbés par des aménagements agricoles contemporains. Ces différents éléments, totalement inédits, mériteront eux aussi de plus amples investigations.
Ce projet collectif de recherches permet de mieux documenter ce site patrimonial majeur du nord du Poitou, propriété de la commune de Scorbé-Clairvaux, qui souhaite en assurer la conservation à long terme et la valorisation à destination du plus large public. L’ensemble des données collectées alimente donc la connaissance du site et constitue une documentation scientifique irremplaçable. Une nouvelle campagne de fouilles programmées aura lieu en juin-juillet 2019.