HADÈS Archéologie

Château de Buffavent

Fiche

  • Responsable : Avril MAUVEAUX, Marie CAILLET
  • Période de fouille : 2012, 2013
  • Localité : Lully (Haute-Savoie)
  • Type d’opération : 
  • Période :  ,
  • Agence : CENTRE

Résumé

2012

Les propriétaires du château de Buffavent à Lully (Haute Savoie) ont engagé un programme de travaux de restauration de l’édifice, conservé intégralement en élévation et déjà restauré au début du XIXe siècle.

Dans le cadre de l’étude préalable commandée au cabinet d’architecture Pentacle (Pierre Yves et Jean François Auboiron), les propriétaires souhaitent réaliser un bilan documentaire et une étude archéologique préliminaire de l’édifice.

Cette étude a pour but d’identifier les grandes périodes d’édification et de remaniement du château, ainsi que d’évaluer le potentiel archéologique du site et l’impact éventuel des travaux sur les structures du bâti médiéval et moderne.

L’étude historique et archéologique a porté sur plusieurs points : recollement et analyse des pièces d’archives conservées, mentionnant en particulier les périodes de travaux sur le château ; étude de la bibliographie existante (5 jours de travail) ; étude archéo architecturale de l’épiderme du bâtiment (sans sondages dans les élévations) afin de cerner les caractéristiques architecturales et constructives de l’édifice et la chronologie de la construction. Une attention particulière a été portée au recensement des éléments architectoniques caractéristiques (cheminées, archères et meurtrières, portes, baies), autorisant une datation des différentes parties de l’édifice (3 jours de travail sur le terrain) ; rédaction d’un rapport d’analyse regroupant les données historiques et archéologiques, comprenant des plans d’interprétation des structures et par phases de construction (18 jours de travail).

Buffavent, dont le statut juridique médiéval semble bien être celui d’une maison forte à caractère résidentiel plus que d’un château, présente aujourd’hui l’aspect général d’un édifice de plan presque carré cantonné de quatre tours rondes dans les angles [fig. 1, 2 et 3]. Ce dispositif rend compte pour une bonne part de l’état du bâtiment au XVe siècle, dater à laquelle il apparaît dans la documentation écrite. Néanmoins, il a été très restauré au XIXe siècle dans un style néogothique. Dans la seconde moitié du XXe siècle, de nombreux travaux intérieurs ont été réalisés de manière à rendre le bâtiment habitable, dans des normes d’hygiène contemporaines. Ces travaux ont provoqué de nombreuses modifications au dispositif architectural primitif, que ce soit dans ses ouvertures, ses circulations, ses aménagements intérieurs ou la disposition des pièces [fig. 4, 5 et 6]. Ainsi, de très nombreux cloisonnements ont été introduits dans les bâtiments, sans que ces éléments appartiennent à l’architecture médiévale du site. Les enduits masquent fortement les parements aussi bien intérieurs qu’extérieurs, rendant la lecture du bâtiment délicate.

Toutefois, une observation attentive révèle une certaine complexité : la morphologie des tours, la position des murs de refends, la diversité des ouvertures de tir encore observables suggèrent un bâtiment qui a connu une évolution longue, trouvant probablement son origine bien avant le XVe siècle.

Cette étude préalable concernant le château de Buffavent ne prétend pas être exhaustive. Il s’agit, dans le cas présent, d’établir un historique succinct du site de ses possesseurs, d’entrevoir l’étendue et la richesse de son domaine et de soulever certains axes de réflexions concernant la maison forte de Buffavent à Lully.

En confrontant les données historiques aux observations de terrain, nous proposons, à l’issue de cette étude, un premier phasage qui, en l’absence de sondages, reste hypothétique et qu’il conviendra, si besoin est, de modifier ou d’affiner.

Avril MAUVEAUX

2013

Le château de Buffavent est situé sur la commune de Lully (74), au bord d’une grande terrasse naturelle qui se développe au pied du village actuel. Les travaux entrepris par les nouveaux propriétaires impactent sur la structure architecturale du château et le modifient en profondeur. Une opération archéologique préventive a été prescrite dans l’objectif d’étudier les maçonneries menacées et celles mises à nues afin de préciser la chronologie relative du site proposée par Avril Mauveaux (Hadès) dans le cadre d’une étude préalable en 2012. Le château est constitué aujourd’hui par un corps de logis de plan trapézoïdal de 18,60 m de long pour 15,80 m de large maximum et cantonné de quatre tours dont l’une a été reconstruite au XIXe siècle.

Au terme de l’étude, deux grandes étapes de construction ont pu être définies.

La première correspond à l’élévation d’une tour primitive de plan quadrangulaire contre laquelle vient s’appuyer un corps de logis quadrangulaire de même facture. Un bâtiment est ensuite bâti contre la tour primitive et se développait au nord-est. La construction des deux premiers bâtiments présente des similitudes avec d’autres exemples régionaux construits aux XIIIe et XIVesiècles. En revanche, l’extension septentrionale est datée par chronologie relative.

La seconde phase de construction intervient au cours du XVe ou du XVIe siècle et a donné au château son allure actuelle. Cette phase de construction a connu plusieurs étapes mais elle relève d’un même projet architectural. Le corps de logis central a été construit contre les bâtiments antérieurs organisés en « L ». Des tours orientales ont été élevées en même temps que les murs périmétraux tandis que les tours occidentales ont été incrustées à l’angle des bâtiments antérieurs. La nouvelle construction qui se développe plus haut que les bâtiments antérieurs s’est accompagnée par l’exhaussement de leurs maçonneries. La moitié nord du château a été aménagée en résidence et l’ensemble est désormais desservi par un escalier à vis.

Dans sa nouvelle configuration, le château est pourvu d’un système défensif complet et efficace adapté à l’utilisation des premières armes à feu de type bombardes et couleuvrines. Les ouvertures de tir sont localisées principalement dans les angles mais aussi probablement sur les murs périmétraux. Cette étape de construction trouve des parallèles avec des maisons fortes située dans le même département comme celle de Cursinges à Draillant, celle de Coudrée à Sciez, celle du Roset à Etrembières et les maisons fortes de la Comtesse et de Hautetour localisées sur la commune de Saint-Gervais-les-Bains. A l’exception de cette dernière, l’absence d’étude approfondie ne permet pas de proposer une datation pour cette seconde grande phase d’édification. La maison de Hautetour a connu une étape de construction similaire dont la date de construction est située entre 1458 et 1575. A Buffavent, la présence de deux types d’ouvertures de tir spécifiques à l’utilisation d’armes à feu et la datation d’un charbon de bois permettent de proposer une fourchette chronologique comprise entre 1450 et 1550.

Les sources textuelles sont assez discrètes sur les origines du bâtiment et sur l’origine de ses détenteurs. Comme l’avait déjà proposé Avril Mauveaux, les hypothèses de datation coïncident avec les mentions des seigneurs de Lully qui portent le titre de chevalier ou de damoiseau entre 1266 et 1278. Les seigneurs de la famille de Langin sont les premiers propriétaires du château clairement identifiés. La première mention, datée de 1463, est située dans la fourchette chronologique correspondant à la seconde grande étape de construction du château.

Le château de Buffavent résulte donc de plusieurs chantiers de construction. Il présente les caractéristiques d’une maison forte bien que les rares pièces d’archives conservées ne la mentionnent pas en tant que telle. Avec le dernier grand chantier de construction qui intervient à l’extrême fin du Moyen-Âge, le château de Buffavent présente un caractère défensif très développé et effectif associé à des aménagements dédiés au confort. Le plan symétrique du château et l’ajout de tours circulaires dans les angles trouvent des correspondances avec des sites locaux. Peu étudiés, tous témoignent pourtant d’une nouvelle phase de fortification de ces maisons fortes associée à l’emploi nouveau des armes à feu. Le château de Buffavent est l’un des exemples les mieux conservés de celle nouvelle phase de fortification qui reste encore peu étudiée au plan régional et national.

Marie CAILLET