HADÈS Archéologie

Château

Fiche

  • Responsable : Bernard POUSTHOMIS, Sandrine CONAN
  • Période de fouille : 1997, 1999
  • Localité : Espelette (Pyrénées-Atlantiques)
  • Type d’opération : 
  • Période :  ,
  • Agence : ATLANTIQUE

Résumé

 

1997

A la demande du Service Régional de l’Archéologie d’Aquitaine et de la municipalité d’Espelette une étude archéologique du site nous a été confiée. Elle prévoyait l’analyse du château actuel et une série de sondages archéologiques en vue d’estimer le potentiel archéologique du sous-sol. La documentation historique fournit peu d’informations précises sur les châteaux qui ont existé à Espelette depuis le XIe s., date de la première mention de la famille de Ezpeleta. Il a donc été délicat de rattacher les constructions étudiées à des phases historiques précises. Seules des analyses comparatives avec des édifices locaux et régionaux ont permis d’en approcher les datations.

L’actuel château d’Espelette n’est pas une œuvre architecturale majeure. Il s’agit d’une construction du troisième quart du XVIIe s., visiblement réalisée avec des moyens financiers limités. Malgré tout, son architecture appartient bien au courant des édifices nobles du pays basque de cette époque (Ustaritz, Bidache, Luxe Sumberraute, etc.). Il s’en inspire pour la composition d’ensemble, à pavillons, et pour certains éléments décoratifs. Pour cette raison le château d’Espelette mérite une certaine attention car représentatif de l’architecture basque d’époque baroque. La découverte, par sondages archéologiques, d’une forteresse datable du troisième quart du XVe s. , reste l’élément majeur de cette intervention. Il s’agit d’un château dont l’enceinte forme un polygone irrégulier (40 à 45 m. de longueur). L’escarpe talute une éminence naturelle retaillée (peut être une ancienne motte ?). La base des cinq tours qui flanquent ces escarpes est également bâtie directement contre le terrain naturel. Leur plan est en fer à cheval et, bien qu’elles n’aient été dégagées que partiellement, elles semblent comporter deux canonnières sur chaque face latérale, orientées en tir croisé rasant, et une archère centrale. Pour M. Faucherre, il s’agit là d’un plan hérité du shell keep britannique, si fréquent au XIIIe s. dans l’Aquitaine anglaise. Le château procède d’une formule à la fois archaïsante dans l’adaptation à l’artillerie dont la faible épaisseur des murs des tours et rationnelle dans le plan de feu adapté à ce polygone. Pour ces raisons, l’ouvrage renvoie sans équivoque à un contexte royal français, contemporain de l’époque ou le Labourd retrouve la couronne de France, mais dont les archaïsmes suggèrent l’intervention de maîtres d’œuvres locaux.

Plusieurs questions restent en suspens quant à la connaissance complète de cet édifice : son accès n’a pas été clairement identifié; le sommet de la plate forme n’a pas révélé de traces d’occupation conséquentes (mais il n’est pas exclu que subsistent les vestiges des bâtiments intérieurs du château); l’intérieur des tours n’a pas été reconnu; on ignore tout des protections du château au sud, peut être assurées par un fossé et des casemates. On ne peut qu’espérer des investigations complémentaires qui permettraient de répondre à ces questions lors d’éventuels dégagements et mise en valeur de ces vestiges.

Bernard POUSTHOMIS et Sandrine CONAN

 

1999

En 1997 une campagne de sondages archéologiques réalisée à la périphérie du « Château Jauréguia » (XVIIe siècle), à Espelette, avait mis au jour les vestiges d’une fortification de la fin du Moyen Âge. La Mairie souhaitant le dégagement complet de cet édifice, un suivi archéologique des terrassements et une étude complète du bâti ont été réalisés en février et mars 1999.

Un édifice cohérent Le plan du château est conservé presque en entier et les élévations encore conséquentes forment une enceinte talutée, en forme de polygone irrégulier, flanquée de cinq tours creuses.

La butte que ceinture le rempart semble d’origine naturelle (peut être s’agit il initialement d’une motte ?). Elle a été retaillée en plan incliné et les courtines la talutent directement. Les maçonneries sont relativement soignées et emploient deux matériaux : le calcaire gris pour les parements et le grès ocre pour la réalisation de bandeaux, meurtrières, canonnières et chaînages de certaines courtines. Les courtines sont formées de trois ou quatre segments, reliés par des chaînages, en grès sur les faces sud et est, en calcaire au nord et à l’ouest. Détruites à des degrés divers, on ne conserve des tours que les bases, y compris pour celle de l’ouest, réédifiée au XVIIe siècle. Elles ne sont pas fermées à la gorge par une maçonnerie, au moins pour trois d’entre elles. C’est le substrat géologique retaillé qui les clôt. Semi circulaires à la base, elles adoptent plus haut un plan en fer à cheval pour compenser le fruit des courtines auxquelles elles sont liées. Seule la tour nord ouest-semble différente, avec un plan intérieur en cercle ou en arc de cercle. Même si la conception d’ensemble du château est homogène, sa construction paraît avoir été réalisée en plusieurs phases, indiquant peut être des moyens financiers inégaux. Les tours ouest, sud, sud est et nord est sont d’abord implantées avant que les courtines fassent le lien entre elles. Les maçonneries sont de qualité, avec un emploi du grès taillé. Les parties nord et ouest-sont les dernières construites. Le bâti y est moins élaboré, sans emploi du grès.

Pour ce qui concerne les niveaux d’occupation, à un seul endroit le sol ancien semble avoir été identifié sur la plate forme sommitale qui constituait l’intérieur du château. Autrement dit, on ignore tout de l’organisation interne de la forteresse, sans doute totalement bouleversée au XVIIe siècle, même si le polygone irrégulier que forme la courtine impose un adossement des bâtiments au rempart pour former une cour centrale sans donjon.

Une forteresse du XVe siècle conçue pour l’artillerie Le château est bien protégé au nord et à l’est par la pente naturelle du terrain, en revanche, sur les faces sud et ouest-plus vulnérables, le fossé que l’on s’attendrait à trouver n’a pu être mis en évidence par les sondages archéologiques. Le plan polygonal est flanqué de tours à intervalles à peu près constants, hormis sur la face nord où le rempart présente une plus grande longueur test pourvu de deux échauguettes.

Une question est restée sans réponse, celle de la localisation de l’entrée de la forteresse. On peut supposer qu’elle se situait en hauteur, dans les élévations aujourd’hui détruites. Logiquement, la face nord serait la plus adaptée car naturellement protégée. Et les échauguettes trouveraient toute leur signification dans la défense de cette porte.

Les flancs des tours sud et ouest-conservent à la base quatre canonnières disposées en tir croisé et rasant. Mais on peut supposer qu’un deuxième niveau de défense, identique au premier, existait à l’image de la tour ouest. Une archère axiale complète le dispositif sur un seul niveau.

Deux types généraux de canonnières se rencontrent à Espelette. Celles à fente de visée courte et orifice de tir circulaire dissocié apparaissent au milieu du XVe siècle. En revanche, celles à ébrasement extérieur, dites « à la française », ne se rencontrent qu’à partir de 1470, notamment dans les fortifications royales de Louis XI. Une fortification royale ou d’influence royale sous Louis XI ? Par l’ampleur de son plan et la qualité de la maçonnerie, cette réalisation est sans commune mesure avec les châteaux des petits seigneurs locaux. La forteresse d’Espelette serait un édifice du troisième quart de XVe siècle, bâti sur un plan hérité du shell keep britannique, si fréquent au XIIIe siècle dans l’Aquitaine anglaise. Le château procède d’une formule à la fois archaïsante dans l’adaptation à l’artillerie dont la faible épaisseur des murs des tours et rationnelle dans le plan de feu adapté à ce polygone. Pour ces raisons, l’ouvrage renverrait sans équivoque à un contexte royal français postérieur à la Conquête, mais dont les archaïsmes suggèrent l’intervention de maîtres d’œuvres locaux. On peut s’étonner de ne pas trouver cette forteresse sur une grande route transfrontalière. En fait, ce château à Espelette semble être davantage l’affirmation d’une domination féodale sur les habitants de la région que le résultat d’un choix géographique stratégique. Toutefois, il ne faut pas négliger la proximité de l’Espagne et la défense de la frontière.

En 1451, le Labourd retrouve définitivement la couronne de France et dès 1462, Jean II de Ezpeleta jure fidélité au souverain français. Après quoi, Louis XI fait ériger la seigneurie en baronnie et donne au nouveau baron une pension annuelle. On peut alors envisager que la fortification mise au jour est édifiée à cette époque en signe d’attachement au pouvoir royal français.

Cet édifice fait suite à des ouvrages antérieurs dont l’existence est attestée par une ordonnance d’Édouard III de 1344, renouvelée en 1413, qui évoque la destruction d’un château à Espelette. Sandrine CONAN et Bernard POUSTHOMIS

Sandrine CONAN