HADÈS Archéologie

Le « castrum » de Commarque

Nos métiers Production scientifique Opérations Le « castrum » de Commarque

Fiche

  • Responsable : Sylvie CAMPECH, Damien DELANGHE, Nicole GANGLOFF, Bernard POUSTHOMIS, Stéphanie TONON, David MOREL
  • Période de fouille : 1996, 1997, 1999, 2001-2005, 2014
  • Localité : Les Eyzies-de-Tayac-Sireuil (Dordogne)
  • Type d’opération : , ,
  • Période : 
  • Agence : ATLANTIQUE

Résumé

1996

L’évaluation menée dans un habitat troglodytique aménagé dans la falaise nord du château de Comarque était destinée à mesurer le potentiel archéologique avant le terrassement des remblais qui le comblaient partiellement.

Comarque est un castrum formé d’un quartier aristocratique fortifié et d’un habitat subordonné. Ce dernier est implanté pour partie à l’intérieur de l’enceinte et pour partie à l’extérieur, essentiellement au pied de la falaise nord, en bordure de rivière. Durant le Moyen Âge le castrum est détenu par les Beynac et plusieurs familles nobles, parmi lesquelles on trouve les Comarque dès le XIIIe s. Les vestiges, dont les plus anciens semblent remonter au XIIe s., ont été étudiés par G. Séraphin dans le cadre d’un mémoire de DEA. Le bâti évolue du XIIe au XIVe s. mais, contrairement à la plupart des sites fortifiés, il ne connaît pas de grandes campagnes de travaux après la guerre de Cent Ans. Il faut attendre le XVIe s. pour trouver de notables transformations bien qu’en 1500 le castrum soit partiellement déserté par les grandes familles qui y avaient résidé. A l’aube du XVIIe s., peu avant son abandon, le site connaît d’ultimes adaptations alors qu’autour un village périclite.

Le « cluzeau » comprend quatre salles auxquelles il faudrait rajouter des aménagements extérieurs organisées autour d’une salle centrale.

Si l’on peut supposer, au Moyen Âge, l’utilisation d’une grotte naturelle en liaison avec la poterne nord du castrum, rien ne subsiste de cette époque. En fait, les aménagements actuels ne datent que de l’extrême fin du Moyen Âge ou du début de l’époque Moderne, avec un sur creusement complet des parois et du sol. La première phase d’occupation qui semble intéresser tout le XVIe s. et peut être le début du XVIIe s., s’effectue dans des salles aux fonctions spécialisées, communicant entre elles par des portes. Trois d’entre elles sont réservées à l’habitat et une quatrième sert de bergerie. Quant à la dernière (4), aveugle, elle a pu également être utilisée pour le bétail. Les aménagements au sol sont quasi inexistants : pas de traces de cloisons et rares vestiges de foyers. En revanche, la présence d’empreintes de végétaux laisse supposer l’existence de paille ou de joncs sur le sol de la salle centrale 2. de même, un tapis de foin (?) semble réparti sur une grande partie de la salle servant de bergerie (1). La rareté et la fragmentation du mobilier et de la faune laissent supposer un nettoyage fréquent des lieux.

Il s’agit bien ici d’une adaptation (et non d’une transposition) de la maison rurale bâtie, utilisant au mieux la topographie d’une vaste grotte. Les éléments de confort que l’on s’attendrait à trouver en bois ou maçonnés sont ici aménagés dans la roche. Ainsi, les cloisons sont formées par des parois rocheuses et les lieux de couchage, éviers et banquettes creusés dans le massif calcaire. Il en est de même pour l’aménagement de la partie bergerie, avec des abreuvoirs taillés dans la roche. Cette adaptation au milieu naturel reste exceptionnelle et semble différencier les troglodytes de Dordogne de ceux du Lot.

Après une période d’abandon, au cours du XVIIe s. on réoccupe les lieux, de manière plus éphémère, sur les remblais naturels qui commencent à s’y accumuler. Le troglodyte est encore fréquenté au XVIIIe s. mais très épisodiquement.

Bernard POUSTHOMIS

1997

Commarque est un castrum formé d’un quartier aristocratique fortifié et d’un habitat subordonné. Durant le Moyen Âge, il est détenu par les Beynac et plusieurs familles nobles, parmi lesquelles on trouve les Commarque dès le XIIIe s. Les vestiges, dont les plus anciens semblent remonter au XIIe s., ont été étudiés par G. Séraphin dans le cadre d’un mémoire de D.E.A. Le bâti évolue du XIIe au XIVe s. mais, contrairement à la plupart des sites fortifiés, il ne connaît pas de grande campagne de travaux après la guerre de Cent Ans. Il faut attendre le XVIe siècle pour trouver de notables transformations, bien qu’en 1500 le castrum soit partiellement déserté par les grandes familles qui y avaient résidé. À l’aube du XVIIe siècle, peu avant son abandon, le site connaît d’ultimes adaptations alors qu’autour un village périclite.

Les campagnes de restauration et de mise en valeur des édifices, en 1997 et 1998, ont nécessité deux interventions archéologiques sur la bordure nord du castrum, entre la chapelle, au nord est, et la poterne, au nord ouest. Une vaste surface de plus de 300 m2 a ainsi été fouillée préalablement aux travaux.

Les plus anciens aménagements sont inscrits dans la roche sous forme de bases de poteaux et de saignées (palissades ?). Aucun contexte ne permet de les dater, pas plus qu’un ensemble de trous de poteaux formant dans la partie nord ouest-une trame régulière. On pourrait voir dans ces derniers le négatif d’un premier édifice en bois.

Un bâtiment interprété comme une maison tour et la chapelle porterie (1er état) sont probablement bâtis avant 1240. Mais plusieurs indices laissent supposer que cette maison tour a été édifiée en deux phases. À l’époque romane, elle formait un édifice rectangulaire indépendant, comprenant en rez-de-chaussée un local aveugle ou peu éclairé, ouvrant directement sur l’extérieur. Dans la deuxième moitié du XIIIe ou au XIVe siècle elle aurait été étendue au nord, avec la construction d’un couloir de circulation (peut être voûté) et d’un large rempart en bordure de falaise. Dans l’épaisseur de ce dernier sont aménagés un escalier et une probable niche à archère. Un contrefort et un mur, rapportés au XIIIe ou au XIVe siècle sur la face ouest, seraient à rattacher à cette phase d’évolution. La fouille a localisé, entre la chapelle et la maison tour voisine, une terrasse (de construction médiocre) et un seuil, édifiés au cours de la première moitié du XIVe siècle. Un escalier taillé dans la roche, en bordure est de la maison tour, permettait d’y accéder. Cette circulation est condamnée au début de l’époque moderne par l’érection à l’entrée de la chapelle d’un porche monumental. Le sens de circulation et l’organisation de l’espace s’en sont trouvés modifiés.

La présence d’un autre escalier, au sud est de la chapelle castrale, pose le problème du sens de circulation autour de cet édifice et de la nature des espaces qu’il faisait communiquer.

La poterne nord-ouest et l’escalier taillé dans le rocher qui y mène auraient été aménagés dans le courant du XIIIe siècle (datation G. Séraphin). La bordure de falaise était alors défendue par une portion de rempart liée à la poterne, par le mur nord de la maison tour et par une palissade de bois qui faisait la jonction de ces deux maçonneries.

L’étude du contexte stratigraphique conservé entre la chapelle et la maison tour, plus important que ce que l’on pouvait présager, a permis de démêler précisément les diverses phases chronologiques et de proposer une vision cohérente de la gestion des espaces dans ce secteur. Les données sédimentaires ont confirmé diverses hypothèses émises par l’architecte G. Séraphin pour la chronologie de la chapelle. En particulier, il a pu être prouvé que le pignon nord est (mur de chevet et de la porterie) avait été repris tardivement.

À la fin du Moyen Âge (peut être dès le XIVe siècle), la maison tour est rasée jusqu’au rez-de-chaussée. Les matériaux sont récupérés et un incendie est immédiatement allumé sur les arases. La raison d’un tel acte n’est pas connue, mais plusieurs autres édifices de Commarque ont été incendiés sans pour autant subir une destruction aussi radicale (tour castrale romane, maison à contreforts nord est, tour Commarque). Peut être faut il y voir les marques d’un acte de guerre que G. Séraphin a daté entre la fin du XIIIe et le milieu du XIVe siècle. On sait peu de choses sur l’évolution de la zone après la disparition de la maison tour. Le bâti ne paraît plus modifié jusqu’à l’abandon du site à la fin du XVIe ou au XVIIe siècle et la poterne semble encore mentionnée en 1524 comme porte piétonnière.

Bernard POUSTHOMIS, Nicole GANGLOFF, Sylvie CAMPECH

1999

Au printemps 1999, trois tranchées ont été réalisées sur le site de Comarque sans l’accord du Service Régional de l’Archéologie : une dans la Grande salle du château proprement dit et deux autres à l’intérieur de la chapelle. des maçonneries apparaissaient et les coupes de terrain laissaient voir une stratigraphie. Pour cette raison, le SRA a demandé à Hadès de tirer des informations de ces excavations. Une semaine de terrain à trois archéologues a été nécessaire, en juin 1999.

Dans la grande salle, contre la base du mur pignon ouest-retrouvé, a été mis au jour un radier en mortier, coulé sur le comblement en cailloux et matériaux de récupération qui charge la voûte de la salle basse. Ce radier, qui pourrait correspondre à la fondation du sol de la salle, n’a pas été retrouvé dans le sondage complémentaire ouvert au centre de la pièce. Seul le comblement des reins de la voûte inférieure y a été identifié. Le niveau d’abandon qui suit la destruction de la salle (deuxième moitié du XVIe siècle) n’est pas identique d’un sondage à l’autre, mais il semble constituer partout le sol actuel.

Dans la chapelle, la reprise des deux tranchées réalisées au pied des portes nord et sud a permis de comprendre la chronologie de ces deux portes et des sols mis au jour. La porte nord appartient à un premier édifice d’époque romane (XIIe début XIIIe siècle, datation G. Séraphin) dont au moins le mur gouttereau sud est fondé sur le rocher calcaire soigneusement taillé en banquette. Le sol de la nef est formé par le rocher taillé dont le pendage vers l’est est compensé par une série de recharges en terre battue. Deux ou trois marches permettaient de monter à la porte nord et deux autres au chœur. L’agrandissement du chœur vers l’est, que G. Séraphin situe au XIIIe siècle, puis son voûtement au XIVe siècle, s’est accompagné du percement de la porte sud et d’un remaniement de la porte nord. On cantonne alors cette dernière de deux ressauts chanfreinés dont on comprend mal la fonction (arrière voussure ?). Le sol lié à cette phase n’a pu être clairement identifié, la stratigraphie ayant été détruite.

Sans doute à l’époque moderne, les accès à la chapelle sont modifiés. La porte nord est condamnée par un mur et le seuil de la porte sud est peut être rehaussé.

L’abandon de la chapelle est marqué par des sédiments qui recouvrent les marches du chœur et le sol de la nef. Le mobilier archéologique, trop rare, ne précise pas l’époque de cette désaffection que l’histoire de Comarque situerait au XVIIe siècle. Quant à la destruction des murs de la nef, elle se traduit par une épaisse couche de terre chargée en matériaux de construction, le mobilier inclus couvrant une large période, de l’époque moderne au XXe siècle.

Aucune sépulture n’a été mise au jour. Ce n’est pas pour autant qu’il faille exclure leur présence. En effet, le sous-sol du chœur semble suffisamment profond pour avoir reçu des tombes et, si dans la nef l’épaisseur des sédiments couvrant le rocher est beaucoup plus mince, il ne faut pas écarter la possibilité de tombes en partie creusées dans le rocher.

Bien que cela n’ait pas été compris dans notre mission, la présence d’échafaudages destinés à la « cristallisation » des arases de la « Tour Comarque » nous a permis d’effectuer un relevé des parties sommitales de l’édifice. À la lumière de ces relevés et de ses propres observations, G. Séraphin a ainsi pu déterminer la destruction du quatrième étage qui couronnait la tour médiévale, puis d’une reconstruction tardive à faible moyens.

Bernard POUSTHOMIS

1999

Les recherches menées sur le site de Comarque en cette fin d’année 1999 ont été motivées par l’Association des Amis de Commarque qui souhaitait le dégagement d’une dépression longeant au sud « la maison au four », dans la partie nord est du castrum. On ignorait alors s’il s’agissait d’un fossé ou d’une ruelle. Le mode de comblement de ce passage n’étant pas connu, le Service Régional de l’Archéologie a imposé que cette opération fasse l’objet d’un suivi archéologique. Par ailleurs, les vestiges d’un bâtiment accolé à l’est de la « maison au four » nécessitaient un relevé en plan ainsi qu’une étude sommaire du bâti. Cette analyse fut complétée par un sondage réalisé au pied de la latrine se déversant dans le grand fossé et avait pour but de déterminer la présence d’un niveau d’occupation.

Les premiers aménagements dans le secteur de la ruelle sont inscrits dans la roche sous forme de débitage de carrière. Aucun contexte ne permet de les dater, mais elles sont antérieures à la construction de la maison au four. Cette carrière mise au jour dans l’accès ouest de la ruelle suggère une exploitation du matériau à même le site, facilitant ainsi l’approvisionnement en pierres pour toutes les constructions situées au nord est du castrum. C’est vraisemblablement à partir de cette saignée que l’on a aménagé la ruelle. Cette dernière reliait le grand fossé nord sud où il existait peut être un système d’escaliers à l’arrière de la chapelle. Un important mur de soutènement construit le long du passage à l’aplomb de la paroi sud, retient les terres formant terrasse sous la maison dite « des Escars » (ou Escurs). Cet ensemble confère aussi à la ruelle un caractère défensif. L’absence d’ouverture sur le passage (portes, fenêtres…) va dans ce sens. Il permet d’isoler l’îlot « maison au four » et « maison tour à contrefort » du reste du castrum, tout en laissant un lieu de circulation, voire d’évacuation en cas de danger, entre le fort et le grand fossé.

Ce passage libère donc un espace qui a sans doute facilité la construction de la maison au four, datée de la fin du XIIIe– début XIVe siècle par Gilles Séraphin. Il assurait également un drainage efficace sur la face sud du bâtiment. Un mur d’enclos est bâti, sans doute peu de temps après, dans le prolongement est de la maison au four et jusqu’en bordure du grand fossé. En effet, les parements sont proches de ceux de la maison et pourraient caractériser le bas Moyen Âge. L’îlot formé alors par la maison au four et la maison tour à contreforts est ceinturée par un mur continu. Cet enclos est ensuite divisé par un mur, au nord, sans doute pour un bâtiment destiné à agrandir la maison au four Cette construction s’inscrit aussi dans une phase de réaménagement de l’ensemble des bâtiments de ce secteur. D’après Gilles Séraphin, qui n’avait pu qu’observer partiellement l’organisation de ce bâtiment, cette nouvelle construction semble contemporaine de l’adjonction orientale de la maison tour à contrefort et pourrait donc dater de la fin du Moyen Âge. Cette extension comprend une grande salle d’environ 100 m2 . On y avait accès depuis l’intérieur de la maison au four ainsi que par une porte donnant à l’arrière de la maison tour à contrefort. On ignore si le percement de la porte ouvrant sur le grand fossé doit être rattaché à cette période ou si elle appartient à une phase plus tardive.

À la fin du Moyen Âge ou au début de l’époque moderne, un incendie détruit l’annexe. On retrouve les traces de cette catastrophe sur de nombreux bâtiments du castrum. Les parois intérieures sont totalement rubéfiées, les murs s’écroulent et une partie des pierres est sans doute récupérée. Malgré cela, les vestiges de la latrine dont aucun moellon n’a subit le feu, une partie du mur pignon oriental remonté avec des pierres mêlées aux blocs encore en place et le mur gouttereau sud reconstruit avec de nombreuses pierres de réemploi, montrent que le bâtiment est en totalité ou partiellement reconstruit. L’appareil de médiocre qualité mis en œuvre sur la face externe du mur gouttereau sud pourrait indiquer que ce mur sert déjà de soutènement et donc que la ruelle est alors en partie ou totalement comblée. Les vestiges ne sont pas suffisants pour dater cette reconstruction, d’autant qu’elle est essentiellement réalisée avec des moellons de réemplois. Peut être peut on la situer au début de la période moderne.

C’est vers les XVIe-XVIIe siècles, comme pour le reste du site, que cet ensemble est abandonné. La ruelle est en partie comblée par les pierres issues de l’effondrement du mur de soutènement, ainsi que par les terres provenant de la terrasse et des hauteurs du castrum. Cette condamnation a du être réalisée rapidement car les murs gouttereaux sud de la maison au four et de l’annexe n’ont pas été démontés. Cependant, le reste du bâti a subi le même destin que les autres édifices du site : ils ont servi de carrière depuis leur abandon.

Stéphanie TONON

2001

Aujourd’hui ouvert au public, le site de Commarque veut offrir aux visiteurs une lecture explicite des constructions de cet ensemble fortifié des XIIIe-XIVe siècles, déserté dans le courant du XVIIe siècle. M. Hubert de Commarque, propriétaire du site, est soucieux de présenter un ensemble architectural aisément compréhensible. Ainsi, depuis 1996, sont menées des campagnes de dégagement des ruines qui font l’objet de stabilisation et de mise en sécurité. Ces travaux de mise en valeur sont menés sous surveillance archéologique, le rôle de l’archéologue étant alors de recueillir le maximum d’information que peut fournir le site.

La campagne de dégagement menée en septembre 2001 concernait la nef de la chapelle Saint-Jean et la maison au four, ainsi que des dégagements ponctuels complémentaires. Ces terrassements n’ont touché que les couches de démolition. Dans la nef de la chapelle, l’enlèvement de ces déblais de destruction a permis de dégager une banquette rocheuse qui court tout le long de la nef. Dans la maison au four, à l’angle nord est de la pièce sud, la base d’un escalier en vis a été dégagée. La première marche en calcaire taillé est conservée. Cet escalier devait se poursuivre avec des marches en bois ancrées dans des encoches entaillées dans les murs et assemblées autour d’un noyau également en bois.

Sylvie CAMPECH

2002

Les résultats de la première campagne de fouilles et d’études programmées sur le site de Commarque sont assez prometteurs pour les recherches à venir. Les travaux archéologiques ont porté sur deux entités distinctes : la maison noble des Commarque et le château seigneurial des Beynac. En outre, le diagnostic des sources écrites entamé par C. Rémy a permis de révéler plusieurs textes intéressants pour approfondir la connaissance du site au Moyen Âge et laisse envisager la (re)découverte de nombreux actes qui amèneront à mieux cerner l’organisation du castrum et de son environnement.

La maison noble des Commarque Jusqu’au milieu du XIIIe siècle, la maison tour de l’ostal des Commarque était probablement isolée, ou tout au moins non pourvue d’une enceinte maçonnée. Le cas est peut être différent pour la maison dite « des Escars », également attribuable au XIIIe siècle où il subsiste dans le prolongement de la façade orientale les vestiges d’une maçonnerie datable du XIIe début XIIIe siècle. La face arrière (ouest) du bâtiment est formée par le rocher, sans doute retaillé, au moins sur la hauteur du rez-de-chaussée. Peu après la construction de ces « maisons tours » est entreprise celle d’une portion de courtine très épaisse accolée à l’angle sud-ouest de l’ostal des Commarque.

Par la suite, le projet d’enceinte est repris et mené à bien, peut être dès le milieu du XIIIe siècle pour la courtine ouest et seulement dans la première moitié du XIVe siècle pour la courtine sud. Mais là, les murs sont plus minces et aux parements de moins bonne qualité. L’enceinte borde le fossé sur les faces sud et ouest, retourne vers l’est, à 13 mètres environ en avant du fossé nord, pour rejoindre une muraille qui, sur la face orientale, pouvait préexister. On peut alors se demander comment était défendu l’espace extérieur subsistant entre le château des Beynac et la courtine nord. Dès lors, la maison tour des Commarque se retrouve implantée à l’angle sud-ouest d’un enclos de plan rectangulaire. Un mur de refend semble bien avoir existé contre la courtine ouest, même s’il n’en subsiste plus de traces au sol. Il séparait un bâtiment accolé à la maison tour des Commarque d’un autre qui s’étendait vers le nord. Une porte en tiers point constituait un accès à ce patus depuis le fossé occidental, ce qui n’interdit pas, d’ailleurs, l’existence d’un autre portail, plus important, en une autre portion de cet enclos, très mal connu sur ses faces nord et surtout est. L’analyse des élévations de cette courtine ouest-laisse encore planer un doute quant à la chronologie relative, en particulier entre la courtine épaisse et la courtine mince. Autant que les sondages puissent nous renseigner, le reste de l’espace à l’intérieur de cette enceinte semble vide de constructions et le sol non aménagé, à moins que les quelques trous de poteaux rencontrés (indatables par nature) ne soient associés à des structures en bois contemporaines. Dans l’ensemble toutefois, on ne peut que déplorer la faible puissance stratigraphique des sols du patus de l’ostal des Commarque.

Vu leur état de ruine, on ne peut rien dire de plus sur l’évolution des courtines sud et est. En revanche celle à l’ouest et le tronçon nord, mieux conservés, montrent une extension vers le nord qui clôt l’ancien « no man’s land » intercalé entre la maison noble des Commarque et le château seigneurial, puis une surélévation générale. On peut situer ces travaux, dont la création d’un pont levis, à partir de la fin du XVe siècle. Cette extension vers le château qui n’a pu être réalisée qu’à l’initiative des Commarque (homogénéité de l’ensemble de la construction)est peut être ici la marque d’une pression grandissante de ces derniers face au pouvoir dominant des Beynac, seigneurs du lieu. La réalisation de la courtine ouest-en trois phases distinctes pose la question du creusement du fossé occidental et de son lien avec la maison noble des Commarque ou, plus largement, avec la défense du périmètre castral.

Au cours des siècles suivants, les modifications portent, entre autres, sur le portail ouest-où, lors des multiples remaniements, le pont levis est rehaussé et accompagné d’une rampe intérieure. Ces travaux sont certainement attribuables à la période des Guerres de religion (c. 1550 c. 1630), correspondant, en Périgord, à une vague de remilitarisation des sites castraux. En 1598, ce portail est toujours actif. Il est définitivement abandonné lorsque est bâti celui qui jouxte la maison tour des Commarque, après 1600. Les bâtiments aujourd’hui accolés à la courtine ouest, de qualité médiocre, sont sans doute les dernières constructions réalisées sur le site, dans le courant du XVIIe siècle.

Le château seigneurial des Beynac Les investigations conduites dans la salle basse située sous la grande salle du château révèlent une succession complexe de constructions. La première occupation reconnue, en rebord de falaise, est un creusement dans la roche comparable à un aménagement troglodytique. Ce « locus » est-il contemporain d’un premier mur massif édifié dans le courant du XIIIe siècle en bordure de falaise, lui est-il antérieur ? La poursuite de la fouille de cette zone devrait répondre à cette question. Son tracé se poursuit à l’ouest-en dépassant l’emprise postérieure de la salle basse. Un second mur massif, mis au jour au dessus, dans la grande salle, semble se rapporter à la même période. Peut être s’agit il d’une portion de la courtine nord du château primitif. Une seconde étape de construction est attestée par une structure plus légère édifiée entre la fin du XIIIe siècle et le début du XIVe siècle. C’est le mur ouest de la salle basse avant qu’il ne soit chemisé postérieurement.

C’est sur ces maçonneries préexistantes que se place enfin la construction de la grande salle qui, au milieu de XIVe siècle, a nécessité le voûtement du dénivelé primitif, créant ainsi la salle basse. La fouille de la salle basse, pour l’instant limitée à un sondage, a également révélé un riche dépotoir dont le mobilier est datable de la 2e moitié du XIVe siècle.

La société castrale. Les résultats d’une première ébauche de diagnostic concernant les sources écrites disponibles apparaissent mitigés. On peut y déceler des aspects tout à fait positifs et même prometteurs, mais aussi quelques points noirs.

Les aspects positifs tiennent dans le volume et la nature de la documentation consultée ou restant à consulter. En effet, les textes concernant l’histoire de Commarque et de ses lignages s’avèrent plus nombreux que ce que l’on aurait pu penser de prime abord. Cette documentation, lorsqu’elle sera entièrement mise en ordre, comportera plusieurs centaines de textes, analysés soit d’après les originaux soit d’après des copies anciennes. En outre, les textes consultés révèlent une grande richesse. En revanche, on peut émettre deux réserves. La première concerne la disparition d’un certain nombre d’actes – généralement les plus anciens, fin XIIIe ou début du XIVe siècle –. La seconde réserve tient à la nature des actes eux mêmes. En effet, peu de transactions concernent le castrum lui même.

Bernard POUSTHOMIS

2003

La campagne de fouilles et études programmées 2003 sur le castrum de Commarque avait pour but la poursuite des recherches dans la partie sommitale du site, plus précisément à l’intérieur du château seigneurial des Beynac et à la jonction de ce dernier avec la maison noble des Commarque.

La documentation historique. Une première phase de diagnostic et d’évaluation des sources historiques avait été menée en 2002. Il était nécessaire de poursuivre cet inventaire afin de constituer un corpus analytique de tous les actes touchant à l’histoire du site ou de l’un de ses lignages. En l’état actuel des dépouillements, on relève que l’histoire de Commarque apparaît très liée à celle de Beynac. En outre, par rapport aux références fournies par les déchiffreurs d’Ancien régime à partir de chartriers de châteaux, on se rend compte de la perte d’un certain nombre de chartes, notamment les plus anciennes des XIIIe et XIVe siècles. Cependant, la moisson de cette année a été fructueuse et le nombre d’actes connus, soit par des originaux, soit par des copies ou de simples analyses, excède les 200. Pourtant, tous ces documents ne sont pas d’égal intérêt pour la compréhension du castrum : quelques textes seulement renseignent précisément sur la topographie médiévale du site. Pour le reste, ce sont surtout des informations concernant la structure et l’implantation territoriale des lignages qui ont été glanés. La salle basse du château Pour ce qui concerne l’archéologie, la fouille de la Salle basse a révélé un espace – semble-t-il – destiné à recevoir du bétail (auges et anneaux taillés dans la roche). Cet aménagement troglodytique est intégré dans un premier édifice bâti dans le courant du XIIIe siècle. Dans la première moitié du XIVe siècle, le bâtiment fait partie d’un ensemble architectural organisé en L, en bordure de falaise. Il se développe alors sur trois niveaux et dispose d’éléments de confort résidentiel (latrines, baies, placards).

C’est dans la seconde moitié du XIVe siècle que sont voûtée cette Salle basse et certainement la salle supérieure dite « Grande salle » alors que le rez-de-chaussée est en partie comblé par un dépotoir riche en mobilier du milieu ou de la seconde moitié du XIVe siècle. La céramique et la faune font l’objet d’une étude spécifique.

Le « logis roman » C’est dans la partie nord-ouest du site, en contrebas de la tour maîtresse, que les maçonneries les plus anciennes du site et, par là même, le logis seigneurial « roman », avaient été identifiées. Dans le cadre de l’étude programmée du site, il paraissait utile de pousser plus avant l’analyse archéologique des élévations de cet édifice, malgré les difficultés inhérentes à l’édifice (topographie accidentée, bordure de falaise, élévations inaccessibles, présence d’un enduit sur le mur sud), et la rareté d’éléments significatifs susceptibles d’être rattachés à une typologie formelle.

Les résultats confirment globalement les grandes phases chronologiques établies par Gilles Séraphin en 1994 et 1999. de la première, au XIIe siècle, on ne conserve que la partie basse des murs. La seule communication identifiée avec l’extérieur donne vers le sud alors que n’existe pas encore la tour seigneuriale « romane ». Cette dernière n’est bâtie que dans le courant du XIIIe siècle, époque à laquelle est aussi reconstruite une bonne partie des murs périmétriques du logis sur trois niveaux, semble-t-il à la suite d’un violent incendie. L’accès au rez-de-chaussée s’effectue désormais par l’est et peut être aussi par la porte de la tour donnant au dessus du niveau supérieur. Le mur nord est percé de baies aux 1er et 2e niveaux. Au cours d’une troisième étape, dans le courant du XIVe siècle, le mur nord, au 2e niveau, est prolongé vers l’est pour l’édification d’un logis secondaire et l’intérieur du bâtiment est divisé par un mur de refend soutenu par un arc au niveau inférieur. À partir de cette division, les espaces ainsi différenciés connaissent des fonctions et une évolution différentes. Au cours d’une dernière grande phase, que l’on situe à la fin du XVe ou au XVIe siècle, le logis est profondément remanié pour le rendre plus confortable et mieux éclairé. Les murs de la pièce orientale du rez-de-chaussée sont épaissis pour supporter une voûte en berceau permettant la construction de cheminées adossées aux 2e et 3e niveaux. Ces modifications sont aussi liées à la construction de la tour d’escalier en vis. C’est à cette époque que sont également percées de grandes baies dans la façade nord du logis, aux 2e et 3e niveaux.

La « barbacane » Outre le fossé, l’entrée médiévale à pont levis du château des Beynac est protégée par un ouvrage avancé que l’on croyait être une simple barbacane. La compréhension de cette zone n’est pas totale et il sera nécessaire d’en compléter l’étude au cours de la prochaine campagne. Quoiqu’il en soit, il semble qu’au XIIIe siècle la défense ne comprenait qu’une muraille perpendiculaire au fossé et pourvue d’une porte en tiers point, l’espace situé en arrière de cette courtine étant ouvert. C’est au plus tôt dans la seconde moitié du XIVe siècle que le dispositif est complété, en bordure du fossé, par une construction qui pourrait être une tour ouverte à la gorge destinée à défendre le pont levis. Parallèlement à la muraille, et à l’ouest de celle-ci, on bâtit un mur qui intègre une large baie dont l’arc ne peut être antérieur au milieu du XVe siècle. On peut supposer que cet ouvrage est lié à la construction d’une salle en étage. Pour qui, pour quelle fonction ? Ultérieurement, les accès et les circulations internes sont remodelés.

Bernard POUSTHOMIS

2004

La campagne de fouilles et études programmées 2004 sur le castrum de Commarque a été limitée à deux zones de la partie sommitale du site. de lourds travaux de terrassement ont été nécessaires en préalable à la fouille. En conséquence, le budget consacré aux recherches archéologiques a dû être réduit et cette troisième campagne a été limitée à deux semaines. Au sud du château seigneurial des Beynac, l’étude de l’édifice anciennement appelé « barbacane » a été achevée, trois phases de construction et d’évolution ayant été identifiées. Aucun aménagement ne semble exister avant la fin du XIVe ou le début du XVe siècle, date à laquelle est édifiée la longue courtine septentrionale délimitant l’ostal des Commarque. La possibilité que l’espace délaissé au nord, entre cette courtine et le fossé du château, ressorte de leur possession ne peut être écartée, peut être en lien avec un accès dans cette direction. Durant le XVe siècle, est aménagé dans cet espace un premier système de défense avancée de l’accès au château des Beynac, formé par une courtine orientale dotée d’une porte et une tour ouverte à la gorge en tête du pont levis sur le fossé. Enfin, des aménagements nouveaux à l’époque moderne conduisent à un édifice à étage formant une porterie dont le mur ouest est d’abord percé d’une grande baie en arc brisé, ensuite progressivement condamnée.

L’étude de la maison tour « des Escurs » a été engagée après que son comblement ait été terrassé sous surveillance archéologique. Cet édifice de plan rectangulaire, implanté en bordure du fossé sud et uniquement ouvert à l’est, a été arasé à la fin du XVIe siècle. Il en subsiste le 1er étage sur un rez-de-chaussée partiel, à fonction probable de remise, qui communique avec un cluseau. L’étage, peu éclairé, doté d’un évier et, semble t il, pourvu d’un plancher en bois, ne paraît pas être le niveau résidentiel proprement dit, celui ci devant se situer à un niveau supérieur. La comparaison avec la maison noble des Commarque est éclairante à ce sujet. La disposition classique des accès distincts du rez-de-chaussée et de l’étage est ici respectée. À l’étage, la façade orientale est percée de deux portes indiquant une communication directe à ce niveau depuis l’extérieur (par un escalier de bois). Si la porte centrale la plus large marque l’entrée principale, la petite porte sud est, nettement plus étroite et au seuil plus haut pourrait donner directement accès à un escalier menant au 2e étage. On ignore tout des superstructures disparues, la quasi totalité des matériaux ayant été récupérés lors de leur démolition. On peut supposer que si vers 1600 cette maison tour était « de beaucoup plus haulte, forte et advantageuse qu’elle n’est de presant » c’est qu’elle comportait au moins un étage de plus, voire deux. Dans ce cas, l’édifice pouvait être assez semblable à la tour Commarque avec laquelle il présente nombre de similitudes, bien que de construction un peu plus tardive, sans doute dans la deuxième moitié du XIIIe siècle. Elle participait à la défense du castrum, comme la plupart des autres maisons tour du site, le mur pignon sud particulièrement épais et bâti en bordure de fossé est là pour le démontrer.

Enfin, une étude de la taille des fossés nord et ouest du castrum a été réalisée par Damien Delanghe, spécialiste des carrières anciennes. Ces fossés ayant vraisemblablement fourni le matériau de construction, comprendre la progression de l’excavation pouvait donner des indications sur l’évolution du bâti et par là même sur la chronologie de l’aménagement du site. La taille de ces fossés a été appréhendée sous divers angles : les modes d’extraction, une approche économique (évaluation du rendement d’extraction, volume des emprunts, transport), les relations fossé/bâti. D. Delanghe propose de généraliser à tous les fossés du château les deux hypothèses suivantes : dans un premier temps, ils ont été creusés avec les objectifs simultanés de fournir du matériau de construction et de créer un dispositif de défense ; le creusement précède et accompagne l’édification du château ; les bâtiments dominant un fossé ont été édifiés à l’aplomb et à l’arase de l’escarpe du fossé. Dans un deuxième temps, le besoin en matériau a fait reprendre le creusement en divers endroits avec une technique plus affinée, avec ou sans objectif militaire corrélatif.

Bernard POUSTHOMIS

Icnologie

Le château de Commarque a été édifié par plusieurs familles et par campagnes successives entre le XIIe et le XIVe siècle. L’histoire de l’édification du ou plutôt des châteaux demeure partiellement incertaine. Cependant, les fossés, qui bordent le château sur deux côtés et les séparent en deux entités, portent encore les traces du creusement initial. Leurs parois présentent un faciès typique de carrière de pierre. Ces fossés ayant vraisemblablement fourni le matériau de construction, comprendre la progression de l’excavation peut donner des indications sur l’évolution du bâti. L’étude porte sur un analyse fine des traces d’outils (icnologie : étude des traces) subsistant dan le fond et les parois des fossés ainsi que dans les carrières avoisinantes.

Damien DELANGHE

2014

Le château de Commarque (fig. 1) a fait l’objet de nombreuses interventions archéologiques programmées, constituées autant d’études de bâti que d’études sédimentaires. Le logis, concerné par les travaux de rénovation, a été examiné en 2003 par B. Pousthomis. En 2006, ce sont l’entremis et l’appendice nord défini également comme l’annexe résidentielle qui ont fait l’objet d’observations par B. Pousthomis et P. Stephant.

La zone concernée par la présente intervention se situe au sein de l’Ostal des Beynac, qui constitue le caput castri de l’ensemble fortifié de Commarque, l’élément le plus insigne du pouvoir seigneurial, possédé par un lignage fortement ancré en Périgord. L’ensemble est composé d’une aula pour la représentation du pouvoir, d’un hospicium destiné au seigneur et à sa familia, d’une tour forte à la fois marqueur symbolique du paysage et organe de défense.

Ces composantes ont évolué depuis un état original daté du XIIe siècle (aula de plan trapézoïdal à contreforts d’angle au nord, grand logis), transformé dès le XIIIe siècle (construction d’une tour-maîtresse, réduction du logis), puis au XIVe siècle (construction de l’annexe résidentielle et de l’enceinte méridionale, reprise de l’aula et des parties hautes du logis).

Les analyses conduites par B. Pousthomis et P. Stephant ont permis de cerner et de caractériser les dispositions de cet ensemble castral. L’objectif de la présente étude a été de compléter ces apports en éclairant certains points restés à l’état de projections pour l’annexe résidentielle (BAT 13) et pour la partie orientale de la salle basse du logis (PCE 103).

Les sondages archéologiques à l’intérieur de la salle basse du logis du castrum et de son annexe nord ont permis de mettre au jour une série de négatifs d’ancrage, sous la forme de creusements de profils variés et appartenant vraisemblablement à des phases d’occupation différentes. Pour l’annexe nord, si l’hypothèse d’une armature de bois soutenant un plancher supérieur et un système d’accès aux étages semble à privilégier au moins pour le bas Moyen Âge, certains négatifs témoignant peut-être d’une occupation antérieure échappent totalement à l’interprétation (fig. 2). Pour la salle basse du logis, si certains ancrages peuvent témoigner des travaux de réfection entrepris à partir du XIVe siècle, d’autres peuvent attester une occupation antérieure, peut-être du XIIIe siècle, mais dont la nature demeure énigmatique (fig. 3).

David MOREL