HADÈS Archéologie

Abbaye Saint-Victor

Fiche

Résumé

Les cryptes de l’abbaye Saint-Victor de Marseille (fig. 1) forment un des plus grands sanctuaires paléochrétiens de Gaule, dont l’état de conservation en élévation permet aujourd’hui de proposer une étude archéologique du bâti comme s’il s’agissait d’un monument du Moyen Âge. Le projet de restauration, initié par la Ville de Marseille et les Monuments Historiques, était décomposé en plusieurs volets dont le principal était la stabilisation de la partie centrale du sanctuaire, à savoir l’espace à plan centré (anciennement Atrium) et ses annexes latérales. Il comportait également deux autres volets d’entretien et de mise en valeur.

C’est sur la base de ces projets que l’étude archéologique du bâti, prescrite par le service régional de l’Archéologie, a pris appui, d’une part en proposant un relevé orthophotographique et lasergrammétrique de l’ensemble, et d’autre part en produisant une analyse stratigraphique des élévations conservées à partir d’un relevé pierre à pierre. Enfin, un récolement documentaire et de terrain a été organisé afin de valider ou d’infirmer le projet de remise en place des colonnes en marbre.

Nous avons ainsi pu mettre en évidence neuf grandes phases de construction/aménagement, dont la première est représentée par l’exploitation de la carrière antique.

La construction du monument paléochrétien a été réalisée dans le courant de la seconde moitié du Ve siècle (phase II) avec une ornementation initiale dont il ne reste pour ainsi dire rien et qui se caractérise par des décors de stuc et d’enduits incisés. Ce n’est que dans le courant du VIe siècle que les mosaïques murales sont mises en place. Au cours des siècles suivants, le monument fait l’objet de plusieurs restaurations qui concernent principalement les annexes latérales. Ainsi peut-on observer des modifications de couvrement dans l’annexe orientale entre les VIe et VIIe siècles (Phases IIIa et IIIb) et des modifications de distribution dans l’annexe occidentale au cours des VIIe et VIIIe siècles (phase IIIc). La transition entre le premier Moyen Âge et le second Moyen Âge est représentée à la phase suivante (IVa) par l’arasement de la partie supérieure du monument qui a été littéralement scalpé, soit consécutivement à un état de ruine du couvrement, soit à la suite de la mise en place d’un nouveau projet de construction, cette dernière hypothèse n’entrant pas en contradiction avec la première. Presque dans le même temps (phase IVc), un bâtiment est construit en lieu et place de l’annexe orientale à partir du niveau d’arasement du monument. La destination de cette construction initialement aveugle reste à ce jour impossible à déterminer.

Au début du second Moyen Âge, les projets de construction des bâtiments monastiques se succèdent et vont sceller le sanctuaire qui sera bientôt assimilé à des cryptes que l’on qualifiera désormais d’église inférieure. Ainsi, les phases V et VI mettent-elles en évidence cette succession depuis le XIe siècle jusqu’au XIVe siècle. À la fin du Moyen Âge, l’ensemble aura la forme que nous lui connaissons aujourd’hui. Les phases suivantes (VII et VIII), au cours de l’époque moderne, ne concerneront plus que des aménagements mineurs en lien avec des restaurations et des modifications dont l’étendue et la portée sont souvent liées à des travaux sur les bâtiments contigus.

Enfin, la dernière grande phase d’aménagement (IX) voit la redécouverte du monument au tout début du XIXe siècle, avec l’audacieuse opération d’amputation des colonnes de granit de la partie à plan centré par le préfet Delacroix pour alimenter un vaste projet d’embellissement des places marseillaises. L’opération n’a toutefois pas été totalement aboutie et a conduit à la perte d’une grande part de ces colonnes, de telle sorte que le récolement est aujourd’hui presque impossible à réaliser. Il en va de même pour les deux colonnes en marbre que les auteurs anciens évoquent entre les XVIIe et XVIIIe siècles et qui devaient faire l’objet d’une réintroduction dans le monument actuel. Nos recherches ayant démontré que les colonnes en marbre ne pouvaient pas être remises à la place que l’on souhaitait leur attribuer sans craindre une aberration, elles ont simplement été rapatriées dans la sacristie des cryptes pour être exposées au visiteur. En revanche, la colonne centrale occidentale a été resituée dans son intégralité, sa présence à cet endroit ayant été clairement démontrée.

Ce travail apparaît comme un préalable à une étude plus globale dont l’accent devrait très certainement être mis sur une analyse régressive rigoureuse qui prendra en considération l’ensemble des vestiges bâtis. La focalisation de la recherche sur le monument paléochrétien, pour nécessaire qu’elle ait été, a paradoxalement entraîné une sous-documentation des périodes plus récentes et induit par conséquent une lecture partielle et parfois partiale de l’évolution d’ensemble.

Fabien BLANC