HADÈS Archéologie

Cour de la Porterie

Fiche

Résumé

Étude préalable au PCR

Selon un diplôme conservé aux Archives Départementales de l’Aude, l’abbaye bénédictine de Lagrasse a été fondée au IXe siècle, mais en fait elle devait déjà exister au siècle précédent. Cet édifice complexe, construit sur la rive gauche de l’Orbieu, est composé de nombreux bâtiments d’époques différentes, témoins de sa longue histoire. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, cette abbaye, reprise en main par les mauristes, a en grande partie été reconstruite sur ses fronts sud et ouest. Cette architecture de qualité fait encore la réputation de l’abbaye aujourd’hui. À la Révolution, le monastère a été scindé en deux propriétés distinctes, vendues en 1792 (fig. 1). Cette séparation est toujours effective, les chanoines réguliers de la Mère de Dieu occupant les parties sud et ouest et le Conseil Général ayant acquis toute la partie orientale. Afin de mettre en valeur certaines pièces laissées à l’abandon au nord-ouest, le Département a décidé d’y installer l’association Marque PAGE, ce qui a exigé une mise aux normes des locaux et donc une étude préalable.

Comme l’abbaye n’a pas été victime du vandalisme révolutionnaire, ni des excès de certaines restaurations du XIXe siècle, il était possible d’espérer trouver des aménagements des époques médiévale et moderne dans un état de conservation satisfaisant. D’autant plus que certaines ouvertures et décors conservés autour de la zone à étudier sont de qualité. Les bâtiments concernés par les travaux s’articulent autour d’une tour d’escalier de la fin du Moyen Âge (fig. 2), construite dans une cour, et s’étendent sur six pièces, réparties sur deux niveaux. L’étude, menée sur le terrain par deux archéologues pendant douze jours, a chevauché le début de ces travaux. Ainsi, outre la fouille et l’analyse du bâti, c’est surtout un inventaire sommaire et des croquis métrés des aménagements identifiables dans les parements qui ont été réalisés, car certains, révélés par les destructions des ouvriers, ont été masqués peu de temps après sous de nouveaux enduits.

Aussi, cette campagne n’a pas été aussi fructueuse qu’espéré, la fouille dans la cour n’ayant révélé qu’une calade associée à la tour d’escalier, datant au plus tôt de la fin du Moyen Âge, et peut-être la base d’un escalier moderne (fig. 3). Tout le reste de la stratigraphie n’est qu’une succession de remblais, à part peut-être un niveau de circulation au fond du sondage, observé trop localement pour être probant. L’analyse du bâti a dû être menée en consacrant une grande partie du temps à des piquages (fig. 4). Tous les murs ont en effet été plus ou moins épaissis avec des placages de dalles de terre cuite ou de ciment, ce qui a souvent ralenti l’étude. Sous ceux-ci, aucun enduit ancien n’a été retrouvé, contrairement à d’autres parements de l’abbaye. Les murs ont aussi été l’objet de nombreux remaniements difficiles à situer dans une chronologie relative, et encore moins absolue. Ainsi, plusieurs aménagements, manifestement du Moyen Âge, ne fonctionnent pas ensemble, et ne peuvent être datés les uns par rapport aux autres qu’au prix d’hypothèses trop nombreuses pour donner quelques certitudes (fig. 5). Seule une grande phase de construction se distingue, sans doute de la fin de l’époque moderne, identifiée facilement par l’utilisation systématique d’un enduit rose dans les embrasures des portes et des placards.

Il ressort de cette analyse que la partie nord-ouest de l’abbaye est bien plus complexe que ce qu’on imaginait et que, contrairement à l’idée admise, elle a été remaniée de nombreuses fois avant la fin du XIIIe siècle et entre cette période et la fin du XVIIIe siècle. Hormis quelques ouvertures tardives, il est même probable que ces remaniements soient antérieurs à la seconde moitié du XVIIIe siècle, période à laquelle les mauristes ont reconstruit une grande partie de l’abbaye. Cette ébauche d’étude laisse donc une série de questions en suspens qu’un programme commun de recherche en cours d’organisation permettra peut-être d’élucider.

Mélanie CHAILLOU

*D’après BLANC (J.). — L’abbaye de Lagrasse, guide du visiteur. Carcassonne : CAML (AMM, suppl. n° 1), 1982