HADÈS Archéologie

Saint-Girons

Fiche

  • Responsable : Jérome HÉNIQUE, Pierrick STÉPHANT
  • Période de fouille : 2005
  • Localité : Maubourguet (Hautes-Pyrénées)
  • Type d’opération : 
  • Agence : MIDI

Résumé

Résumé L’occupation antique et du haut Moyen Âge, au lieu-dit Saint Girons , a été révélé en surface par les prospections pédestres de Sylvain Doussau dès 1971. En 1979, la remise en culture des parcelles conduisît l’exploitant à épierrer les soubassements supposés d’un pigeonnier détruit dans les années 1930. Ces travaux conduisirent à la mise au jour fortuite d’un espace rectangulaire fermé présentant un pavement mosaïqué. Le décor figuré du pavement s’inscrit dans une trame géométrique structurée, rythmée par des motifs végétaux et divers ensembles iconographiques autour du thème de la faune marine et terrestre (fig. a et b). L’ensemble encadre une figure centrale représentant le dieu Océan. Cette mosaïque a été inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historique en 1980. Les structures ont été par la suite laissées in situ et recouvertes. L’étude iconographique fut confiée à Christine Balmelle qui établit une hypothèse de datation au IVe ou Ve siècles de notre ère. Dans le cadre d’un projet de conservation de la mosaïque par la commune de Maubourguet, une première opération de sondages d’évaluation a été confiée en 2003 à l’I.N.R.A.P. sous la direction de Mme M. G. Colin (fig. c). Ce diagnostic était destiné à évaluer l’environnement et le contexte archéologique de la mosaïque et à préciser la nature et l’état de conservation d’éventuels vestiges. Diverses structures ont été mises au jour (maçonneries, structures de combustions et sépultures) qui témoignent d’une occupation plus large du site. Au nord-ouest de la salle à mosaïque deux vastes pièces rectangulaires sont considérées comme contemporaine de l’ensemble mosaïqué (fig. c). A plusieurs dizaines de mètres de la pièce, toujours au nord-ouest, un modeste édifice à pans coupés est identifié. Au-delà des limites septentrionales des deux salles rectangulaires, un bâtiment octogonal est repéré. Les éléments d’occupation sont quasi inexistants compte tenu de l’extrême niveau d’arasement observé sur l’ensemble du site. L’opération a néanmoins mis en évidence une chronologie de l’occupation. Les fossiles directeurs ont conduit dater un niveau d’abandon démolition au haut Moyen Âge. Un prélèvement de charbon de bois pour datation radiocarbone fourni une fourchette chronologique allant de 637 à 692. Trente-quatre sépultures ont été localisées lors du diagnostic archéologique, mais aucune n’a malheureusement fait l’objet de fouilles. L’extension de la zone d’inhumation ne semble guère s’étendre au-delà de la périphérie immédiate de l’établissement qui semble en être le pôle d’attraction. Un sujet a fait l’objet d’un prélèvement pour une analyse radiocarbone qui situe l’inhumation du sujet entre 600 et 781 après J. C. de plus, la partie méridionale du site a révélé trois structures de combustion dont une fut datée par analyse radiocarbone entre 889 et 1000.

La connaissance de l’occupation du site pouvait se résumer alors comme suit : IVe siècle : un établissement antique doté d’une abside, remanié à l’Antiquité tardive avec une pièce comprenant une mosaïque.

VIIe siècle : phase de démolition de l’établissement.

VIIe VIIIe siècles : présence d’une nécropole rayonnante autour de la pièce à mosaïque.

Xe siècle : une occupation puis l’abandon du site.

Au printemps 2005, une seconde intervention, préalable à la dépose de la mosaïque et des maçonneries associées a été confiée au bureau d’étude Hadès. Cette opération été programmée en trois phases : réalisation d’un relevé ortho photographique et topographique de la mosaïque et des structures maçonnées, un décapage mécanique minutieux à l’intérieur et à l’extérieur de l’espace bâti après la dépose du pavement et le suivi de la dépose des maçonneries.

L’évaluation archéologique réalisée en 2003 soulève un grand nombre d’interrogations et de problématiques de recherches. La nature et la chronologie de l’établissement antique dans son ensemble est mal assurée (villa, thermes, fanum, …). La question de son évolution est aussi posée par la reconnaissance de structures antérieures et postérieures à la salle mosaïquée et en particulier du mur massif avec un départ d’abside . Sommes-nous en présence des vestiges de la pars urbana d’une villa, d’un ensemble thermal ou d’un tout autre édifice ? Ces diverses lacunes montrent que la question centrale du site est la taphonomie des structures. La conservation préférentielle de la salle mosaïquée en est un exemple (memoria ayant été englobé dans une église Saint Girons ?). Si les grandes lignes du phasage chronologique ont été identifiées en 2003, un certain nombre d’incertitudes demeurent notamment sur les premières périodes de l’occupation de l’établissement gallo-romain. C’est précisément sur ces questions que l’analyse des maçonneries et des niveaux associés (notamment ceux conservés éventuellement sous le pavement mosaïqué) devaient apporter un éclairage significatif et décisif à la compréhension des dimensions chronologiques de l’ensemble. L’analyse des maçonneries de fondation montre de manière assez nette une mise en œuvre des plus classiques pour les périodes antiques dans nos régions. Sous le pavement mosaïqué, aucun niveau archéologique n’a été observé. Le pavement mosaïqué présente un assemblage classique que l’on retrouve régulièrement en Aquitaine sur des sols d’opus tessellatum : statumen rudus nucleus. Si la mise en œuvre du pavement nous apparaît clairement, le contexte architectural dans lequel il s’inscrit suscite encore plusieurs interrogations. La structure d’emmarchement, le système d’évacuation, la puissance du rudus hydraulique et le thème iconographique du pavement plaident en faveur de l’existence d’un bassin. Cependant, l’extrême niveau d’arasement des maçonneries ne nous permet pas de conclure en l’existence d’un pavement lié à un bassin en eau d’une pièce réservée au bain ou à celui d’un atrium, d’un vestibule, d’une salle d’apparat ou d’une cour. En définitive, la nature de l’établissement antique demeure particulièrement incertaine.

Les rapports stricts entre les maçonneries, montre qu’un corps de bâtiment préexistait à la construction de la pièce au pavement mosaïqué, celle-ci n’intervenant que dans une deuxième phase. En l’absence de niveaux d’occupation et de fossiles directeurs fiables, seule l’analyse stylistique du pavement mosaïqué offre une possibilité de datation. au IVe, ou Ve siècle. La deuxième phase de l’occupation du site se traduit par une importante opération de destruction récupération des matériaux qui a vraisemblablement conduit à la disparition d’une partie des bâtiments antiques dans un intervalle allant du Ve siècle à la fin du VIIe siècle. C’est vraisemblablement dans l’intervalle susnommé que l’on peut placer le remaniement de la pièce au bassin, avec la construction d’un édifice massif à terminaison absidiale qui vient s’accoler et englober les murs du bassin. C’est également dans cet intervalle ou légèrement plus tardivement qu’il faut placer la phase d’installation d’une nécropole. Une analyse radiocarbone réalisée sur une sépulture localisée aux abords immédiats de l’édifice situe en effet l’inhumation au VIIe siècle.

La mise en évidence d’un édifice absidial orienté à l’est et d’une nécropole qui y semble associée (inhumations dans l’abside et dans l’édifice) laisse envisager (à titre d’hypothèse) l’existence d’une église primitive. En outre, le thème iconographique de la mosaïque de Saint Girons a également pu jouer un rôle déterminant dans la transformation de l’édifice antique en un lieu de culte paléochrétien.

Au bilan, à un établissement gallo-romain de l’Antiquité tardive (IVe / Ve siècle)est venu se substituer autour du VIIe siècle un édifice à abside (abside orientée à l’Est) et une nécropole, ensemble qui est probablement à l’origine de l’exceptionnelle conservation du pavement mosaïqué.

Jérome HÉNIQUE, Pierrick STÉPHANT