HADÈS Archéologie

Rue des Vergers

Fiche

  • Responsable : Dorian Pasquier
  • Période de fouille : du 8 septembre au 14 octobre 2016
  • Maître d’ouvrage : Conceptions Urbaines
  • Localité : Orcet (Puy-de-Dôme)
  • Type d’opération : 
  • Période :  ,
  • Agence : CENTRE

Résumé

Les investigations archéologiques menées à Orcet, sur le projet de lotissement rue des Vergers, met en évidence une forte densité de vestiges sur une surface d’environ 7600 m2 (plus d’une centaine d’occurrences). Les lieux sont donc utilisés sur une période couvrant 5000 ans avant notre ère, avec un premier hiatus situé entre le Néolithique moyen II et le Bronze ancien (durant lequel la fréquentation du site est faiblement marquée), et un second hiatus entre le Bronze ancien et le Bronze final. L’occupation débute dès le Bronze final III jusqu’à la fin de La Tène ancienne ; à partir de ce moment, nous constatons son déclin : seules quelques fosses sont datées de La Tène moyenne et finale. Enfin, un chemin impactant la zone fouillée, connaît une première phase d’aménagement tardo-laténienne, puis il subit des réfections durant les premiers siècles de notre ère. Une dizaine de vestiges (creusements, fosses d’équarrissages) postérieurs à l’antiquité et/ou remontant au XXe siècle de notre ère complètent l’inventaire archéologique.

Le Néolithique moyen II est attesté par 31 entités archéologiques. Cette occupation se répartit en grande majorité dans la moitié ouest de la fouille. Les faits archéologiques mis au jour témoignent d’activités domestiques, vivrières et funéraires appartenant à la culture chasséenne (4000-3600 av. n. è.). De nombreuses fosses, offrent des contours, des profils irréguliers et peu profonds, tandis que d’autres évoquent des négatifs de trou de poteaux (23 fosses ou/et trou de poteaux). Parmi ces excavations, quelques-unes se distinguent par une forme allongée et malgré un comblement de faible épaisseur, elles livrent des lots de tessons céramiques particulièrement bien fournis. Les silos (six au total) sont assez érodés mais certain conservent un profil piriforme.
Ces creusements côtoient des niveaux de sol (deux zones d’épandage de mobilier archéologique). Ils sont assez érodés (souvent sous la forme de lambeaux piégés dans le substratum) et remaniés par les occupations postérieures (percements opérés durant l’âge du Bronze et le premier Fer). Leur interprétation demeure compliquée au point de laisser subsister la question consistant à savoir s’il s’agit de niveaux de sols érodés ou de couches de rejets domestiques.
De plus, « les épandages » abritent des restes humains, dont une inhumation primaire (un adulte) et des dépôts secondaires (un individu adulte et un immature). Cette dernière constatation ajoute un second niveau de lecture pour définir ces « aires d’épandages » de mobilier, reliées de prime abord à la sphère domestique. Le témoignage funéraire étant plus classiquement représenté rue des Vergers par la sépulture appartenant à un individu adulte en position fœtale (partiellement fouillée en diagnostic).
D’un point de vue général, la répartition spatiale des vestiges attribués à la période néolithique révèle peu de cohérence. Toutefois, il est possible de distinguer quatre concentrations composées indistinctement de fosses simples à plan circulaire, de fosses oblongues, de silos, de niveaux de sol et de dépôts funéraires. Il est évident que cette répartition nous parvient de façon biaisée, mais il est possible d’en proposer une lecture de plans quadrangulaires ou ovales. Ces plans hypothétiques font échos aux bâtiments mis en évidence par la fouille de Beaumont, Champ Madame. En l’état, il est difficile de conclure à un type d’architecture standardisée ou de voir dans les vestiges de la rue des Vergers un mode d’habitat groupé tel qu’il est connu sur d’autres sites chasséens en Auvergne.
L’intérêt de ces vestiges réside également dans le nombre significatif de restes céramiques, fauniques et lithiques. La vaisselle céramique (467 NR, 42 NMI) est composée par des coupes à profil infléchi, à carène surbaissée ou encore à sillon interne, mais aussi par des jarres de stockage, des bouilloires (notamment attestées par nombre de préhensions à perforations sous-cutanée), des bouteilles et enfin par les restes de « plat à pain ». Les tessons de vases possèdent une finition (polissage et lissage) aboutie ainsi qu’une argile finement dégraissée et bien cuite ; qualités que l’on retrouve également dans le gisement de Beaumont-Champ Madame.
Le mobilier lithique, assez rare, est essentiellement constitué d’outils lamellaires à retouches latérales et d’éclats retouchés. Les données archéozoologiques confirment la consommation des trois espèces composant la triade domestiquée (bovin, ovin, porcin, en majorité des adultes). L’espèce bovine est largement consommée (à hauteur de 84 % de la triade).
Le site de la rue des Vergers, à l’instar de Champ Madame et Artières-Ronzière, partage le même dénominateur culturel néolithique consistant en un lien étroit entre les aires domestiques et les aires sépulcrales.

Les vestiges du Bronze ancien (1850-1600 av. n. è.) se résument en un dépôt de vases emboîtés (similaire à celui des dépôts funéraires en urne connus pour l’âge du Bronze), et de deux fosses livrant également du mobilier céramique datable du Bronze ancien A2.

L’occupation se confirme à partir du Bronze final III et au premier âge du Fer (950-525 av. n. è.) : deux silos, quatre fosses, une batterie de fours à pierre chauffantes (composée de cinq foyers, du même type que ceux découvert à Clermont-Ferrand-La Pardieu ou encore dans le bassin de la Morge) et enfin une sépulture (un sujet adulte reposant sur le ventre portant à son poignet droit un bracelet en alliage cuivreux de type « armille », et accompagné d’un dépôt de faune). Le mobilier associé à cette phase, et retrouvé en position détritique, reflète la sphère domestique : vases de stockage mais aussi service de table composé de coupes carénées, coupes coniques à lèvre facettée et enfin une forme basse ouverte peinte qui peut être associée à la consommation de liquide (vin ?). Les activités vivrières sont attestées par la découverte de fusaïole en terre cuite et d’une table de mouture en grès (arkose). Les carporestes notamment retrouvés dans les foyers prouvent l’existence du taxon amidonnier/épeautre. Les résultats archéozoologiques sont plus prolixes et démontrent une consommation carnée basée sur la triade domestiquée (bovins, ovicaprins, porcins, à dominante bovine). Quelques individus de volaille (poule) complètent ce cheptel, ce qui est assez rare pour la période.

L’intensification de l’occupation du secteur de la rue des Vergers se manifeste aux travers des restes d’un habitat établit aux alentours de la transition de la fin du Hallstatt (Ha D3) et de La Tène ancienne (LT A1), et qui perdure durant La Tène ancienne (A et B). Les vestiges sont de diverses natures : un reste de fossé peu profond, une batterie de sept silos, et seize fosses dont la fonction secondaire est celle de dépotoir à une exception près avec une fosse à inhumation animale. Quatre fosses de forme subrectangulaire, datées de la période Ha D3-LT A, sont liées à une fonction domestique ou artisanale (fond de cabane ? dont un exemple avec un trou de piquet en fond du creusement). Elles sont comblées par des sédiments dont certains correspondent à de la purge de foyer domestique. Leurs caractéristiques morphologiques ainsi que le mobilier étant associé (céramique, parure et outil métallique) sont en adéquation avec les découvertes de Grande Limagne (Pontel à Lempdes et du Pâtural à Clermont-Ferrand). Mais aussi, ces aménagements excavés et subrectangulaires évoquent les exemples prestigieux du Port Sec Sud à Bourges. Ce type de découverte soulève la question de la nature et du statut de l’habitat d’Orcet au début du second âge du Fer.
La fosse à inhumation de caprinés (neuf individus conservés) présente une troublante similitude, dans l’ordonnancement des animaux, avec les tombes à inhumations humaines et animales de L’Enfer et de Gondole. L’acte de ce dépôt s’inscrit avec de fortes probabilités dans un processus rituel qu’il reste encore à préciser étant donné la précocité (analyse radiocarbone) de cet exemple par rapport aux exemples similaires connus en terre arverne et plus largement gauloise.
Les données céramologiques, associées aux vestiges les plus anciens mettent en évidence un faciès correspondant à l’étape 1 du second âge du Fer en Auvergne (Ha D3-LT A). L’intérêt de cette collection céramique réside, entre autres, dans une belle série de profils façonnés au tour. Les analogies s’effectuent avec les collections de sites princiers des régions limitrophes (Bourges, Mont Lassois) ce qui soulève à nouveau la question du statut social de cette occupation. La vaisselle provenant des ensembles de La Tène ancienne présente un faciès commun aux sites limagnais des étapes 2 et 3 du second âge du Fer. Les restes fauniques provenant de ces fosses et silos sont des rejets de consommation confirmant la prédominance du bœuf domestiqué au sein de la triade classique. Les taxons des équidés, des canidés et de la poule apparaissent de manière marginale dans le cortège faunique. Le cerf est attesté par des restes de ramure (artisanat ?). Les activités vivrières sont mises en évidence par la découverte de fusaïole (filage ?), d’éléments de mouture (table et molette), et de nombreux restes de sole de foyer. Le mobilier métallique est le plus intéressant à l’échelle du site avec notamment la découverte de deux restes de fibules proche du type Mansfeld F4, et un fragment de couteau en fer. Les données carpologiques révèlent la présence des taxons de céréales cultivées telles que le millet, l’orge vêtue, l’amidonnier/épeautre, et le blé vêtu.

Cette occupation ne subsiste pas à la période de La Tène moyenne pour laquelle seules deux fosses livrent du mobilier céramique (rejets domestiques).

Pour La Tène finale et le début de l’antiquité, le secteur de la rue des Vergers ne présente que peu de vestiges (deux fosses à rejets domestiques) ne pouvant attester tangiblement d’un habitat in situ. Un axe de circulation est aménagé selon une orientation sud-est/nord-ouest. Il est dans un premier état, tardo-laténien, aménagé de façon carrossable (empierrement et drains bordiers), puis dans un second état (au cours de l’antiquité), il adopte l’aspect d’un chemin que l’on renforce ponctuellement par des remblais de démolition. L’axe routier de la rue des Vergers est localisé au sein d’une organisation « proto-urbaine » et politico-économique du territoire (au centre d’un triangle dont les sommets correspondent aux oppida de Gondole, Gergovie et Corent), mais surtout à proximité direct du camp césarien. Il est possible que ce chemin ait joué un rôle dans les relations terrestres entretenues à l’époque, entre les oppida de Gondole et de Gergovie et pourquoi pas, au vue de son orientation et sa localisation, avec le camp césarien (colline de La Serre d’Orcet).

La richesse des découvertes archéologiques mises au jour sur la parcelle de la rue des Vergers démontre que le vallon de l’Auzon et la commune d’Orcet forment un territoire occupant une place privilégiée dans l’organisation de l’occupation humaine, au sud du bassin clermontois, aussi bien pour la période Néolithique que pour la période protohistorique.

 

Dorian Pasquier