HADÈS Archéologie

Plage des Raisins Clairs

Fiche

  • Responsable : Coralie DEMANGEOT
  • Période de fouille : 2013
  • Maître d’ouvrage : Conseil Régional de la Guadeloupe
  • Localité : Saint-François (Guadeloupe)
  • Type d’opération : 
  • Période : 
  • Agence : OUTRE-MER

Résumé

Au début des années 1990, une opération archéologique menée en urgence sur la plage des Raisins Clairs, commune de Saint-François, avait permis de mettre en évidence l’existence d’un cimetière d’époque coloniale, caractérisé par la présence d’inhumations en cercueil de bois cloué. La découverte d’un bloc crânio-facial associé à un « collier de punition » en fer avait alors conduit à une hypothèse en faveur d’un cimetière ayant accueilli des dépouilles d’esclaves.

Cet ensemble funéraire souffre depuis plusieurs années de processus d’érosion marine et éolienne. En effet, dans la coupe entaillée par la mer, de nombreux ossements humains mêlés à des clous de cercueil en fer sont régulièrement mis aux jours. L’érosion de la portion sud du site a fortement progressé ces derniers mois, notamment en raison des tempêtes tropicales qui ont frappé la Guadeloupe à la fin de l’année 2012.

La disparition progressive de sépultures identifiées sur près de 60 mètres de long à proximité du rivage a motivé la prescription d’une fouille archéologique de sauvetage, réalisée au cours du mois de janvier 2013.

L’objectif de l’intervention était non seulement d’évaluer l’extension et la densité de l’aire funéraire, mais également de fouiller les sépultures directement menacées afin de juger de leur état de conservation, de caractériser les modes d’inhumations et d’identifier la population inhumée. Pour ce faire, cinq tranchées parallèles ont été réalisées perpendiculairement au rivage, sur une emprise de 862 mÇ. Leur surface au sol concerne une superficie totale de 152,5 m² et toutes se sont révélées positives.

L’intervention a permis de mettre au jour 48 inhumations individuelles, dont sept associées à des éléments en réduction, huit structures non caractérisées, ainsi qu’un ensemble de vestiges en position secondaire (ossements humains fragmentés, clous en fer et morceaux de bois), soit dispersés soit regroupés sous forme d’amas. In situ , l’état de conservation des vestiges est relativement bon. En revanche, dès leur exposition au vent et au rayonnement solaire, les restes osseux se révèlent extrêmement fragiles.

Les inhumations se répartissent au sein de deux niveaux distincts, attestant de fait l’existence de deux phases d’occupation funéraire. Entre 1,80 et 2,10 m NGG, dans un niveau de sable beige rosé, 31 inhumations et 5 structures ont été mises au jour, ainsi que la majeure partie des ensembles en position secondaire. Le second niveau sépulcral est apparu à 1,80 m NGG et a livré 18 sépultures, 3 structures et quelques dépôts secondaires isolés. Six sépultures ont été fouillées et prélevées, huit sépultures ont simplement fait l’objet d’un nettoyage dans le but de mener quelques observations.

Les défunts ont été déposés sur le dos, selon un axe ouest-est, la tête préférentiellement placée à l’ouest, notamment en ce qui concerne les individus adultes. Si une seule sépulture en pleine terre est attestée, la plupart présentent des indices en faveur d’inhumations réalisées au sein d’un cercueil de bois cloué (traces ligneuses, clous en fer, effets de butée latérale). La persistance des contentions articulaires, notamment labiles, indique une décomposition en espace colmaté, le colmatage des espaces vides libérés par la disparition des parties molles lors de la décomposition du corps s’étant produit de façon différée.

Les explorations ont permis d’identifier 4 enfants de moins de 10 ans, 29 sujets de taille adulte et 4 adultes (dont deux individus de sexe masculin). Si aucun mobilier accompagnant les défunts n’a été découvert, des boutons perforés en os – mis au jour dans deux inhumations – indiquent la présence de sépultures habillées.

Enfin, la découverte d’un individu porteur de mutilations dentaires volontaires sur les quatre incisives maxillaires vient renforcer l’hypothèse de l’existence d’un espace sépulcral au moins pour partie dévolu à des dépouilles d’esclaves.

À partir des observations faites en plan, l’estimation du nombre total de sépultures pouvant être encore en place dans ce secteur de la plage des Raisins Clairs peut être portée à plus de 500 pour les 1800 mÇ de terrain situés en arrière de la coupe entaillée par la mer. Compte tenu de l’amplitude du dépôt funéraire, visible depuis la coupe sud, il est envisageable que le nombre des tombes conservées puisse être de l’ordre du millier.

Coralie DEMANGEOT