HADÈS Archéologie

La Grivelière

Fiche

  • Responsable : Patrick BOUVART
  • Période de fouille : 2012
  • Localité : Vieux-Habitants (Guadeloupe)
  • Type d’opération : 
  • Période : 
  • Agence : OUTRE-MER

Résumé

La Grivelière est une habitation localisée en Basse-Terre, dans la commune de Vieux-Habitants. Les bâtiments occupent un morne dans la vallée de la Grande Rivière. Un arrêté du 21 janvier 1987 les protège par un classement au titre des Monuments Historiques. En 1988, la Région Guadeloupe en devient propriétaire avec l’intention d’en faire un site touristique. Depuis, plusieurs campagnes de restauration se succèdent, accompagnées de fouilles archéologiques préventives. Les premières débutent en 1996, sous la direction de Gérard Richard. Les investigations portent alors sur la maison principale. En 2010, une opération concerne des cases de travailleurs et un « petit boucan ». En 2012, une nouvelle intervention prend en compte cinq entités : un grand boucan ou « maison du géreur », une mûrisserie, une terrasse de séchage, la cuisine de la maison principale et une supposée « ancienne prison ». L’ensemble bâti se trouve ainsi documenté par des plans, relevés d’élévations et coupes stratigraphiques. Leur lecture archéologique aboutit à une distinction de phases chronologiques, chacune correspondant à une évolution significative du site. Des indices de datation sont fournis par les études de mobilier en partie réalisées par le personnel du bureau d’études archéologiques Hadès. L’étude des céramiques a par contre été confiée à Lucy Vallaury et Anne Cloarec, chercheurs associées au LA3M. Les résultats cumulés sont aujourd’hui suffisamment explicites pour autoriser des interprétations, voire associer les faits à des contextes historiques renseignés par quelques archives.

Les premières études de La Grivelière ont établi l’origine de l’occupation au XVIIIe siècle, lors de l’implantation des habitations caféières Saint-Joseph, La Surprise et Boucan à crabes, toutes trois attenantes. Leur réunion sous l’appellation La Grivelière s’effectue entre 1842 et 1843, lors d’une acquisition du lot par Alexandre-Auguste Perriollat. Ces propriétés consistent alors en « moulin, case servant de maison principale et cases d’esclaves ». Les résultats des fouilles et une nouvelle considération des archives contribuent maintenant à localiser cet ensemble en aval de l’actuelle propriété, dans la section AL du cadastre de la commune de Vieux-Habitants. Un glissement de toponyme, source de l’erreur historiographique, se serait effectué au début du XXe siècle.

Dans ces circonstances, l’origine de l’occupation au lieu-dit actuel La Grivelière n’est pas encore déterminée. Une carte des arpenteurs du roi de 1764 semble suffisamment détaillée pour infirmer l’existence d’une habitation à cette période (fig. 1). à défaut d’identité du lieu, la genèse du site est seulement renseignée par les vestiges.

Les plus anciennes structures repérées lors des fouilles ne sont pas clairement identifiées (phase I). Plusieurs solins en maçonnerie observés dans des sondages ou sous la maison principale appartiennent à des bâtiments disparus implantés différemment de ceux d’aujourd’hui (fig. 2). L’année de ces constructions et leurs fonctions ne sont pas renseignées. La première période d’occupation est en revanche cernée grâce à des dépotoirs formés en contrebas, avant l’aménagement de la terrasse de séchage et des cases de travailleurs. Le mobilier confirmerait une présence pérenne dès le milieu du XIXe siècle. Un terminus post quem est établi par le rejet d’un vase produit à Choisy-le-Roi dans le Val-de-Marne, entre 1824 et 1836. L’interprétation de ces rejets doit néanmoins être nuancée par l’éventualité d’une longévité plus ou moins longue d’utilisation. L’occupation semble en tous cas très limitée jusqu’au début du XXe siècle, tant peu de vestiges s’y rattachent.

La seconde phase n’est pas encore datée. Une terrasse est aménagée à l’entrée actuelle du site. Elle sert d’assise à un bâtiment sur solins maçonnés (fig. 3). Elle recouvre l’arase d’une maçonnerie attribuée à la phase I.

Les troisième et quatrième  phases aboutissent  à une réorganisation totale du site. Les travaux font totalement disparaitre les constructions antérieures. Des plateformes sont aménagées par d’importants terrassements. L’ensemble des bâtiments est édifié dans un état comparable à celui pris comme parti de restauration par les Monuments Historiques. Les constructions sont majoritairement en bois. Les maçonneries sont limitées aux murs de soutènement de terrasse, caniveaux et solins. La maison principale est établie devant une terrasse de séchage et un hangar de torréfaction. Elle est augmentée d’une cuisine indépendante. à proximité, un grand boucan à tiroirs est construit en bord de ravine. L’étage sert d’habitation pour le géreur. Une cuisine externe est également maçonnée à proximité. Le bâtiment de la phase II est remplacé par un second boucan à tiroirs, plus petit. La bonifierie et la déceriseuse pourraient être installées à la même période. La construction des logements des travailleurs en contrebas est certainement l’une des dernières préoccupations. Les frais engagés dans ces constructions sont nettement minimisés. Le montage des charpentes intègre des remplois. La substitution d’un poteau par un arbre est également significative du mode et de l’économie de construction. Le terminus post quem de l’une de ces cases est donné par une monnaie frappée en 1922. Elle provient d’un remblai destiné à établir la plateforme. Cette datation contribue à identifier François Crescent Pagesy comme le commanditaire. Celui-ci acquiert le domaine des successeurs d’Alexandre-Auguste Perriollat en 1919.

Au final, l’édifice communément appelé « anciennes prisons » est interprété ainsi en raison de son plan carré et d’une élévation maçonnée subsistante. Son étude a révélé un piédroit, assurant l’existence d’une fenêtre. L’identification est donc erronée. La dernière utilisation connue est un logement pour un gardien.

Dans les années 1950 ou 1960, quelques restaurations sont nécessaires. Les investissements sont toujours très limités. L’abandon des cases est entériné par leur effondrement successif. L’entretien des bâtiments d’exploitation reste également sommaire jusqu’à leur acquisition par la région.

Patrick BOUVART