HADÈS Archéologie

Joviac, contournement du Teil

Nos métiers Production scientifique Opérations Joviac, contournement du Teil

Fiche

  • Responsable : Dorian Pasquier
  • Période de fouille : du 13 février au 12 mai 2017
  • Maître d’ouvrage : DREAL Rhône-Alpes, Service aménagement Paysage Infrastructures
  • Localité : Rochemaure (Ardèche)
  • Type d’opération : 
  • Période :  ,
  • Agence : CENTRE

Résumé

La commune de Rochemaure (Ardèche) occupe un secteur localisé en rive droite de l’Ardèche et de la vallée du Rhône, à la hauteur de la plaine de Montélimar. Le village est installé sur les premiers reliefs ardéchois, au pied du plateau volcanique du Coiron. La fouille préventive (environ 8000 m2) est située proximité du château de Joviac, au sud-ouest du bourg médiéval de Rochemaure, sur deux parcelles appartenant anciennement au domaine (AM 180 et 182). Cette intervention s’inscrit dans le projet de la déviation nord du Teil (RN 102). Les reliefs alentours de la Montagnole (172 m NGF), de la Sablière (216 m NGF), et au nord-est de la Blache (170 m NGF) sont formés d’un socle marno-calcaire aptien recouvert de grès (grès rouges et calcaires du Turonien, de sables albiens et de conglomérats et de marnes rouges). Le paysage actuel est également marqué par des affleurements basaltiques au nord-ouest de la Blache (pic de Chenavari, 357 m NGF) témoignant d’une activité volcanique plus récente (Néogène). L’emprise de fouille est encaissée entre ces reliefs (99 et 105 m NGF), implantée sur le versant nord-est de la Montagnole et la terrasse aptienne de Joviac. La parcelle AM 182 est marquée par un relief vallonné résultant d’activités hydrologiques anciennes et récentes, elle présente un dénivelé (sud-ouest/nord-est) pouvant atteindre 25,30 %. La parcelle AM 180 est caractérisée par une surface plane interrompue au nord-est par le « ravin » du Chambeyrol. Les deux parcelles sont séparées par un chenal d’évacuation du bassin hydrologique localisé dans le vallon de Joviac (aménagé au XVIIe s.). Cet exutoire entaille de deux à cinq mètres environ la terrasse depuis le vallon du ruisseau de Joviac jusqu’au ravin du Chambeyrol. Les pentes de ce chenal sont arborées (acacias et autres feuillus), de même que les pourtours de la zone de fouille abritant notamment une flore de type « maquis ardéchois ».

Le bilan archéologique est contrasté en raison d’une faible densité d’entités archéologiques et de leur niveau de conservation très variable, imputables notamment à la forte érosion du secteur. Durant les périodes moderne, industrielle et contemporaine, la zone fouillée est dédiée à des activités agropastorales dont les principaux vestiges (13 entités réparties sur les deux parcelles cadastrales) sont de diverses natures : fosse de bornage de parcelle ou de zone cultivable, fosse d’équarrissage (liée à l’élevage ovin), fosse de plantation (relatives à la sériciculture ?), ou encore drain agraire. Une série de ravines et dépôts sédimentaires modifie la parcelle AM 182. Ces formations pédologiques sont les témoins de l’érosion liée aux défrichements et à la mise en cultures des pentes depuis la période moderne jusqu’à l’époque contemporaine (ce système agricole étant progressivement abandonné au cours du XXe s. en raison de la désertification des milieux ruraux en faveur des zones urbaines).

Pendant l’Antiquité, un chemin oblique sur l’emprise de fouille (détecté en phase de diagnostic) et empiète sur les deux parcelles cadastrales. Son orientation sud-ouest/nord-est suggère la liaison terrestre entre le vallon du Chambeyrol et le versant méridional de la Montagnole, ou en amont le vallon du Mayouet. Ce chemin se perd dans l’angle sud-ouest de la parcelle AM 182. Il est interrompu sur plusieurs dizaines de mètres par le chenal de Joviac. Enfin, son extrémité nord-est disparaît au contact du ravin du Chambeyrol. La chronologie de la mise en place et de l’abandon de cet axe viaire demeure relative à du mobilier antique (Haut-Empire ?) et aux données stratigraphiques. Les investigations archéologiques démontrent l’existence de deux phases de fonctionnement composées respectivement de plusieurs états de réfections.
La première phase correspond à l’utilisation d’un chemin creux, d’une largeur comprise entre 2 et 3 m, dont les orniérages et autres dégradations sont palliées par des recharges successives de graviers, blocs, matériaux de démolition (antique), lits de sédiments limoneux (niveaux conservés sur une soixantaine de centimètres). Cet aménagement entaille le substratum alluvial ocre, la marne aptienne grise, mais aussi un fossé protohistorique de l’âge du Fer. Une interruption s’opérant dans la parcelle AM 182, le long du chenal moderne, engendre une importante perte d’informations stratigraphiques. Bien que de nombreux restes céramiques protohistoriques soient remobilisés dans les niveaux de remblai du chemin creux, la présence récurrente de tessons de céramique et de tuiles antiques (et autres fragments de mortier hydraulique), dans tous ses niveaux, permet de dater son installation et son fonctionnement à la période antique, sans que le mobilier puisse apporter une datation plus précise.
La seconde phase de fonctionnement est caractérisée par un surhaussement de la chaussée, dont l’assise est assurée notamment par les niveaux de blocaille appartenant à la première phase. Le chemin atteint une largeur maximale estimée entre 4 et 5 m, avec notamment l’adjonction de drains bordiers. Cet élargissement et la reprise de l’axe du chemin entaillent, de nouveau, le fossé protohistorique dans la parcelle AM 182, générant également une remobilisation de mobilier dans les niveaux antiques de cette seconde phase, eux-mêmes datés par les tessons de céramique et de tuile antiques sans que l’on décèle, encore une fois, d’éléments typochronologiques plus précis. Si la datation de la création du chemin est datable de l’Antiquité, les raisons et la chronologie de l’abandon de ce chemin demeurent incertaines à l’issue de la fouille de la seconde phase. Il n’est pas exclu que cette portion de chemin puisse être une bifurcation d’un axe reliant le ravin du Chambeyrol au Mayour.
Deux portions de fossé, localisées dans l’axe de communication entre les deux parcelles cadastrales offrent des aspects très semblables aux drains bordiers du chemin antique, ce qui laisse entendre qu’il s’agisse des vestiges d’un axe de circulation et dont la datation antique reste hypothétique.
Une ravine entaille profondément le flanc marneux de la Montagnole ainsi que les horizons plus anciens, en direction du lit de l’affluent du Chambeyrol. Cette incision est un vestige érosif daté de l’Antiquité dans la parcelle AM 182, il sera repris durant la période moderne ou l’ère industrielle par d’autres ravines résultantes de l’abandon du terroir agricole.

À l’âge du Fer, un établissement rural, dont l’activité principale basée sur l’agropastoralisme, est attesté par un abondant rejet domestique comblant un fossé relativement bien conservé dans la parcelle AM 180. Cette incision dans la marne devait présenter initialement un profil en « V ». Le comblement permet d’en distinguer les deux phases d’activité, composées chacune par deux séquences sédimentaires résultant d’une alternance entre érosion naturelle et intervention humaine (curage, reprise des parois), avant un colmatage complet concomitant à un abandon définitif. Dans la parcelle AM 182, le fossé est en grande partie démantelé par le chemin antique. Ultérieurement, le creusement du chenal de Joviac détruit sur plusieurs mètres le prolongement de ce fossé, dont la continuité est retrouvée grâce à deux entités archéologiques (correspondant à la première phase de fonctionnement, AM 182). La sédimentation du fossé est donc relativement simple, et la fouille n’a pas révélé d’indice d’aménagement particulier (négatif de piquet, de palissade, etc.). Nous pouvons alors suggérer, en l’état actuel des données archéologiques, qu’il s’agit d’une limite de parcellaire ou d’un fossé drainant la terrasse. Le mobilier collecté dans le remplissage, majoritairement céramique, définit la séquence chronologique de la transition entre le premier et le second âge du Fer, Ha D-LT A (entre la deuxième moitié du VIe et le dernier quart du Ve s. av. n. è). Cette datation est confirmée par une série de trois analyses radiocarbone. Au sud-ouest, distant du premier fossé de quelques mètres, un deuxième linéament très érodé conserve partiellement un remplissage contemporain de la transition entre le premier et le second âge du Fer.
Le lot céramique correspondant à cette phase d’occupation est abondant (NR : 4630, NMI : 255), décrivant un faciès domestique aux traits méridionaux : vaisselle non tournée composée d’urnes carénées pour le stockage/cuisson (LOR-U3, U6, U2 ornées de chevrons et impressions en « coin de règles »), de coupes (LOR-C1 à C4). Le taux rupismaurien atteint par la vaisselle non tournée (96,42 % de la vaisselle) est proche de celui des sites rhône-alpins. La vaisselle tournée fine se résume à des coupes en pâte claire (CL-MAS 222 et 425) et grise monochrome (GR-MONO 3a, 3c, 2e, 5C-d, GR-MONO 11a ou 6d). La proportion d’amphore (4,84 %) à Rochemaure-Joviac est inférieure à ce qui est connu pour les sites de l’axe rhodanien et de l’arrière pays gardois. L’indice de céramique importé (amphore et vaisselle tournée fine, 8,59 % du total NR global) se situe dans la moyenne statistique des sites localisés sur les contreforts du Massif Central/du Coiron, et du massif du Vercors. Cet ensemble céramique met aussi en lumière les connexions culturelles qui le lient à la sphère hallstattienne septentrionale : associé à un fort taux de vaisselle non tournée, le répertoire morphologique est complété de jarres à cordons digité, d’urne à décors excisés, de jatte à profil en « S », de pot à cuire à lèvre incisée (etc.). Cette « mixité culturelle » est à souligner car la frontière théorique entre la sphère hallstattienne et méditerranéenne est située plus au nord, au niveau de la vallée de la Drôme. Ces caractéristiques céramologiques pourraient inviter à considérer ce faciès rupismaurien « en marge de l’axe rhodanien » mais la présence des conteneurs vinaires massaliotes (A-MAS 1 et 3) et ioniens (A-GRE-Cla 3B) démontre un lien avec le circuit d’échanges commerciaux du pourtour méditerranéen.
Les objets métalliques en alliage cuivreux sont rares : ressort de fibule (Mansfeld 4 ?) et une fraction de jonc de bracelet (proche du type AC-3212). Les découvertes d’éléments de moulin « va-et-vient » (table et molette en basalte), de fragment de faisselle, de fusaïoles en terre cuite, et enfin de nombreux fragments de sole-foyère corroborent la présence d’unités domestiques à proximité des fossés. L’outillage en silex se résume en quelques grattoirs et éclats retouchés (probable vestiges d’une industrie lithique antérieure). Le bilan archéozoologique fait état d’une consommation carnée reposant sur la triade domestique classique, dominée par le taxon bovin. La consommation d’espèces sauvages (cervidés) ainsi que de jeunes animaux issus de l’élevage (veau) sont considérés comme des signes de relative aisance économique.
L’ensemble des ces indices matériels sont réunis pour attester la présence à Joviac (Rochemaure), dès la fin du VIe et dans le courant du Ve s. av. n. è., d’un habitat lié à des activités tournées vers l’agropastoralisme (mouture, stockage, textile, boucherie, tabletterie et corneterie). Toutefois la découverte des conteneurs vinaires, les restes de parures en alliage cuivreux (en considérant leur appartenance à la culture hallstattienne), des pratiques de consommation et d’élevage animaux peuvent traduire une appartenance à un statut privilégié. La position topographique et géographique pourrait être également un indice de l’insertion du territoire de Rochemaure-Joviac dans les circuits d’échanges commerciaux rhodaniens favorisant l’aisance économique des occupants du site.

La fréquentation de la plaine de Joviac et des pentes de la Montagnole durant la période de l’âge du Bronze est principalement attestée par des indices retrouvés dans les comblements d’un paléotalweg et dans les niveaux d’alluvions de l’affluent du Chambeyrol. Le paléotalweg est une formation morphogénique à fonctionnement probablement événementiel et le comblement serait lié à une baisse de la charge sédimentaire en fin de chaque événement. Il pourrait faire le lien entre le vallon au nord-ouest de la Montagnole et le ruisseau de Chambeyrol. Deux principaux épisodes érosifs auraient ainsi contribué à la formation du talweg. Le premier correspond à l’incision dans la terrasse aptienne, antérieurement ou au début de l’âge du Bronze ancien. La sédimentation se faisant par apport massif de matériaux limoneux chargés en débris anthropiques (céramique, faune, silex, charbon de bois). Après un changement de régime postérieur à l’âge du Bronze ancien ou intervenant en toute fin de cette période (Bronze ancien A2-Bronze moyen, 1 600-1 500 av. n. è.), le remplissage de ce paléochenal paraît partiellement détruit par une nouvelle incision. Cette dépression, plus étroite, concentre les sédiments en dépôts lenticulaires transportant les déchets anthropiques datés du Bronze final et associés à un enrichissement en matière organique. Depuis cette période, aucune nouvelle phase érosive n’a été décelée dans le talweg qui s’est progressivement comblé. Deux phases principales se dégagent donc de ce bilan géomorphologique :
– une phase récente datée du Bronze final 1 (1 325-1 150 av. n. è.) par un petit lot céramique (service à bandeau ou cannelure) et une analyse radiocarbone (3 010 ± 30 BP : 1 270-1 220 av. n. è.).
– une phase ancienne située entre le Bronze ancien 1 et Bronze ancien 2 (2 200-1 500 av. n. è.). Elle concentre des éléments céramiques datant du Bronze ancien A1/A2 (décor de barbelés, gobelet à carène surbaissé, gobelet ansé, bords de jarre convergents, des lèvres de jarre à cordon pincé sublabial). Une série d’analyses radiocarbone (sur ossements et charbons de bois), vient étayer la datation céramique en discriminant une fourchette chronologique comprise entre 2 136 et 1 928 av. n. è (3 680 ± 20 BP). Une seconde période est isolée à travers l’analyse d’un ossement, et que le mobilier céramique ne met pas bien en évidence, celle de l’âge du Bronze moyen (3 280 ± 20 BP : 1 613-1 508 av. n. è.).
Le faciès céramique, que ce soit pour le Bronze ancien ou pour le Bronze final, illustre un panel morphologique large constitué par un service de stockage et/ou cuisson (pot, jarre, etc.), et par le service de table (jatte, gobelet, etc.). Les affiliations typologiques avec les gisements voisins de l’Ardèche, de la Drôme, ou encore du nord du Gard démontrent également les traits communs à la moyenne vallée du Rhône et au Midi de la France. L’industrie lithique associée à l’occupation du Bronze est connue à travers les dépôts du paléochenal et deux loci de taille : un atelier de taille est découvert dans les niveaux récents de remplissage du paléotalweg et un atelier de débitage conservé dans les niveaux limoneux de la parcelle AM 180. Un lot important d’éléments de silex a été collecté (plus de 900 restes) dont une majorité provient des niveaux anciens du paléotalweg. De nombreuses pièces présentent les stigmates du feu. Une part importante de la collection est constituée par des débris et des éclats de taille le plus souvent non retouchés. La panoplie d’outils est essentiellement composée par des grattoirs (15 restes), racloirs (deux restes) et percuteur (un reste), mais aussi des armatures à pédoncule et avec/sans ailerons, ou simplement foliacée (sept restes), et enfin complétée par des préformes d’armatures (12 restes).
Un foyer démantelé et une petite fosse retrouvés dans les niveaux supérieurs de la phase récente du talweg ainsi que le locus de taille rattaché à la phase ancienne, sont susceptibles d’être les rares vestiges d’une « occupation anthropique » sur l’emprise de la fouille. Par ailleurs, la forte charge en déchets domestiques (retrouvés en position secondaire) des niveaux supérieurs de la phase ancienne démontre que l’occupation aux alentours du chenal est relativement intense. La faiblesse numérique des lots céramiques et fauniques ne permet cependant d’envisager que partiellement la nature de cette occupation humaine. Les données archéozoologiques traduiraient un faciès pastoral et dont la consommation carnée, issue d’un cheptel domestiqué, serait complétée par des apports cynégétiques. Les niveaux de phases récentes reflètent également une occupation des alentours du chenal durant la période du Bronze final. Les rejets y sont moins concentrés ce qui pourrait signifier que l’habitat est établi de manière plus éloignée par rapport au talweg.

La fouille a également permis de tirer des enseignements sur la morphogénèse du terroir de Joviac. Elle met en évidence une dynamique de versant intense et rythmée du début de l’âge du Bronze à la période contemporaine. Il est donc possible de retracer partiellement le scénario morphogénique et archéologique en quatre étapes. Les étapes 1 et 2 sont marquées par les périodes érosives intenses générant la formation du paléotalweg recelant les restes d’une occupation à l’âge du Bronze (cf. supra). Elles expliquent notamment le démantèlement de niveaux d’occupation de l’âge du Bronze. Les premiers dépôts de l’affluent du Chambeyrol s’établissent en bas de pente, à la fin ou après le Bronze Final. La seconde crise hydrologique expliquerait notamment la troncature et donc la disparition des niveaux d’occupation du Bronze final et du premier âge du Fer sur l’ensemble de l’emprise de la fouille. L’étape 3 est mise en évidence par la genèse des ravines les plus grandes (AM 182), pendant et après la période antique, qui incisent profondément la terrasse aptienne, en « lessivant » ce qui reste des niveaux de l’âge du Bronze mais aussi des niveaux gallo-romains. Nous pouvons supposer que la disparition de la portion nord-est du chemin antique est imputable à cet évènement, durant lequel le ravin du Chambeyrol érode la terrasse alluviale au niveau de la parcelle AM 180. L’étape 4 est concentrée sur les périodes très récentes, de l’époque moderne jusqu’au cours des deux derniers siècles (XIXe et XXe s.). Ces niveaux résultent donc de la troncature relativement récente de lambeaux de niveaux d’occupation plus anciens et localisés en amont, puis colluvionnés/alluvionnés, en contrebas de la parcelle AM 182, dans le chenal de l’affluent du Chambeyrol. La morphogénèse de Rochemaure-Joviac témoigne des grandes crises hydrologiques connues dans la moyenne vallée du Rhône et en Europe occidentale durant les périodes protohistoriques et antiques. La plus ancienne période morphogénique est située au Néolithique final/Bronze ancien, ce qui correspond à la genèse du paléotalweg (étape 1). Ces deux périodes sont associées à une phase d’emprise humaine importante sur le milieu, qui amplifie sans doute les processus d’érosion sur les versants. Elle est suivie d’une phase de péjoration climatique, entre le Bronze moyen et le Bronze final, ce qui serait concomitant au ravinement de la phase ancienne du paléotalweg (étape 2). Enfin, une troisième crise est connue entre le VIIIe et le Ve s. av. n. è. et précède une période de répit jusqu’au début de notre ère. Cette phase d’accalmie hydrologique correspond à l’occupation gauloise. À la fin du Ier s. ap. n. è. l’activité hydrologique reprend et se traduit notamment par des crues débordantes, période de la disparition d’une partie du chemin antique (?).

Même si les générations successives de ravines ont entaillé le paysage de Rochemaure-Joviac, jusqu’à faire disparaître les vestiges architecturaux des occupations protohistoriques, le mobilier archéologique abonde dans les niveaux préservés (fossés, talwegs) et son analyse produit des résultats riches en enseignements. Les investigations préventives ont notamment permis de comprendre la vocation agropastorale du secteur depuis l’âge du Bronze ancien jusqu’à la période de l’âge du Fer. L’agriculture étant la base de ces sociétés en milieu rural, c’est, sans nul doute, la fertilité de cette large terrasse plane « hors des eaux » (épargnée des caprices de l’Ardèche et du Rhône), qui a motivé l’établissement de groupes d’agriculteurs. Cette activité prospérant et la position géographique (contreforts du Coiron, en bordure de l’axe Rhodanien) ont probablement favorisé l’accession de cet établissement rural, au cours de l’âge du Fer, à un statut privilégié. Les résultats de cette fouille, inédits pour le secteur de Rochemaure-Joviac, complètent donc la liste des gisements protohistoriques de référence pour l’Ardèche méridionale aux côtés de son voisin albain de La Grande Terre.

 

Dorian Pasquier