HADÈS Archéologie

Chapelle des Capucins

Fiche

Résumé

Le Service régional d’archéologie Provence-Alpes-Côte-d’Azur a prescrit une fouille archéologique préventive en janvier 2011, suite à la réalisation d’un diagnostic par l’INRAP dans l’église des Capucins d’Embrun (Hautes Alpes).

La prescription portait, d’une part, sur la fouille sédimentaire du chœur liturgique (38 m²), dans lequel un sondage avait révélé une stratigraphie en place sur 75 cm d’épaisseur. D’autre part, la Municipalité d’Embrun a fait écroûter la presque totalité des murs de la nef, de la chapelle, et du premier chœur, avant la réhabilitation de l’église en centre d’art contemporain offrant l’occasion unique de retrouver les maçonneries d’origine. En février 1633, Louis XIII décrète la démolition de la citadelle d’Embrun – une ancienne place de sûreté protestante – et accorde le réemploi de ses matériaux à la construction du futur couvent des Capucins. Celui-ci est édifié à l’est de la ville, intra muros, dans un quartier très remanié (emplacement supposé du palais delphinal du début du XIVe siècle). Soutenus par les autorités laïques et par l’archevêque Guillaume IX d’Hugues, les capucins furent de fervents défenseurs de la contre réforme, et des prédicateurs particulièrement investis dans des paroisses sinistrées – cinq églises ont été détruites depuis la fin du Moyen Âge. Dès le départ des moines, à la Révolution, l’Armée occupe le site, transforme l’église en arsenal, installe un plancher intermédiaire en travers de la nef, et ajoute une aile au nord de l’église. Ces travaux de « reconversion » sont documentés par les archives du Génie (Vincennes) : l’Armée resta propriétaire du site jusqu’en 1983.

L’étude conjointe des maçonneries écroûtées et la fouille sédimentaire du chœur liturgique ont apporté des résultats significatifs sur les aménagements d’origine. L’église compte une seule nef de trois travées, sans transept, avec deux chœurs alignés le chœur liturgique et le chœur des moines , et une chapelle latérale, au nord. Il y avait dans le mur oriental du premier chœur mitoyen avec le second des niches, dont une servant probablement de bénitier, et des ouvertures permettant aux moines de suivre la messe depuis le deuxième chœur. de même, huit petites ouvertures en sifflet murées par l’Armée permettaient aux laïcs de suivre les offices depuis deux couloirs latéraux, situés au nord et au sud du chœur.

En cela, les constructeurs de cette église appliquent à la lettre les règles diffusées par le traité d’Antoine de Pordenone, architecte capucin (1603), et les prescriptions spécifiques de cet Ordre qui replaçât au centre de la liturgie la célébration eucharistique. de tels aménagements ont également été repérés dans le chœur de l’église des Capucins de Riez (Alpes de Haute Provence), construite en 1609 (inédit).

À Embrun, les travaux débutent par la construction de la nef et de la chapelle latérale, entre 1640 et 1647 ; ils se terminent par les chœurs. La pierre « angulaire » de l’édifice est sans doute enfouie alors que les travaux sont en cours d’achèvement. Scellée sous une ardoise légèrement engagée dans le mur oriental du chœur, elle comporte l’inscription suivante : « S°(ancto). IOSEPH HONORE(m) / GUILL(elmus) . Ar (archiepiscopus). EBRUD(dunensis) / DEVOTIONIS ERGO / CŒPIT ET DEO DANTE / PERFICIET ÆDIFICI[˜](um) / M(ense). MAR°(tio). D(ie). XIX. IPSA D[I]E / S(anc)ti ANNO 1647 » [« Guillaume, archevêque d’Embrun, a commencé par dévotion cet édifice en l’honneur de Saint Joseph et, Dieu aidant, l’achèvera le 19 mars de la Sainte-année 1647 »].

La pierre a été conservée in situ afin d’être montrée au public.

Le prix fait de construction de l’église n’a malheureusement pas été retrouvé dans les études de notaires embrunais mais plusieurs actes documentent l’aménagement du couvent, situé au sud de l’église, et les étapes de sa construction : prix fait du pavement de l’église en pierres noires (1654), mention de la chapelle et de son tombeau (1654), réparation du réservoir (1668), travaux au réfectoire (1688).

La fouille de l’église des Capucins d’Embrun est un jalon majeur dans la connaissance de l’architecture de l’Ordre en Provence – troisième région où ces moines s’installèrent au XVIIe siècle, après les provinces de Paris et de Lyon.

Nathalie NICOLAS