HADÈS Archéologie

Carrière de L’Arquet

Fiche

Résumé

Les carrières de La Couronne (Martigues, Bouches-du-Rhône) comptent parmi les plus importants sites extractifs de la région. On y recense actuellement vingt carrières réparties sur les villages de La Couronne et Carro. L’exploitation pluriséculaire de ces sites a permis d’alimenter Marseille en pierres de construction depuis l’Antiquité grecque hellénistique jusqu’à la fin du XIXe s, et plus récemment pour les besoins de la restauration de monuments en calcaire de La Couronne (les Aupphands notamment).

La carrière située sous le camping de l’Arquet correspond à la pointe nord-est de la carrière dite de la « Pinède ». Cette dernière présente dans son ensemble une superficie considérable et une proximité avec la bordure littorale et certaines carrières antiques (Couronne-Vieille et la Beaumaderie notamment) qui la rendent particulièrement intéressante. En dépit de son étendue, peu d’informations archéologiques avaient pu être collectées au cours des différentes campagnes de prospection. Le diagnostic archéologique, réalisé par le service municipal de Martigues au préalable des travaux d’aménagements envisagés dans le camping, a révélé la présence d’un nombre important de fronts de taille, d’un fond de carrière à différents niveaux altimétriques ainsi que d’une « aire de stockage » des blocs. Une fouille archéologique a donc été prescrite dans le but de déterminer d’abord le mode d’exploitation de la carrière, c’est-à-dire la progression des extractions, la technique utilisée (outils et aménagements directement liés à l’extraction) et son organisation (extraction, évacuation des blocs du sol de carrière mais aussi des déchets d’extraction, préparation, expédition). Cette collecte d’informations techniques avait pour objectif d’évaluer l’importance de l’exploitation de ce secteur dans le temps (durée d’exploitation), peut-être aussi dans l’espace par le biais de la documentation d’archives (étendue potentielle du site). L’ensemble de ces données doit être replacé dans le contexte général de l’exploitation des carrières en utilisant les données existantes sur les autres affleurements exploités, mais également mettant cette carrière en relation d’abord avec le réseau de transport mis en place à La Couronne, et assez bien cartographié, et ensuite avec les villes consommatrices de ce matériau.

Cette partie de la carrière de la Pinède ne paraît pas avoir été exploitée au cours d’une période très longue. La zone 1 semble plutôt répondre à une stratégie d’exploitation moderne ou contemporaine par la division en petites parcelles, nombreuses et de superficie variable. Rien ne semble indiquer que son exploitation se soit échelonnée dans le temps ; les fronts de taille livrent des hauteurs d’extraction constantes, autour de 30 cm, et leur organisation ne révèle, outre quelques modifications d’emprise parcellaire, aucun grand changement chronologique. La zone 2 ne permet pas d’approcher précisément la stratégie d’exploitation puisqu’elle n’est que partiellement visible, le fond n’ayant pas été atteint. La physionomie des fronts et les traces d’exploitation qui les couvrent sont assez proches de ce qui a pu être observé dans la zone 1. Nous devons donc nous situer peu ou prou à la même époque. La principale problématique de ce site réside dans la découverte d’une immense plateforme de manutention qui pourrait avoir été dédiée également au stockage de matériaux. Cette dernière est constituée de trois plans distincts. On trouve d’abord un plateau supérieur comportant des séries d’ornières courtes enserrées dans des carrés en creux et des encoches peut-être destinés à l’insertion de câblages ou  de cordages pour freiner la descente de blocs issus d’autres exploitations (ou parcelles).  On remarque ensuite une structure arrondie en surplomb au-dessus de la plateforme de manutention et sous le plateau supérieur, comportant des ornières parfois assez profondes positionnées de manière rayonnante sur la structure. Il est possible qu’il s’agisse des restes d’une structure destinée à la descente des matériaux vers la plateforme. Les ornières pourraient avoir servi d’ancrage à des pièces de bois ou autres dont le but étaient de réduire les chocs qui auraient pu endommager les blocs au moment de la descente. Enfin, la plateforme qui se trouve  sous la structure comporte plusieurs séries de rainures qui lui donnent un aspect de gare de triage. On pourrait envisager qu’elles soient destinées à répartir les blocs descendues, soit vers des transporteurs différents, soit vers des lieux de stockage. Cette deuxième hypothèse paraît plus pertinente si l’on se base sur la probabilité que ce système ne fonctionne pas avec l’exploitation des zones 1 et 2, ce qui semble être le cas puisque la zone 2 a en partie détruit la structure.

Le site demeure intéressant par le caractère inédit d’une fouille de carrière à La Couronne sur une superficie aussi importante mais également par la découverte, tout aussi exceptionnelle, d’un aménagement lié à l’exportation du calcaire de La Couronne d’une telle ampleur. Ce dernier doit faire l’objet de recherches complémentaires afin d’en préciser plus pertinemment le fonctionnement.

Cécilia PÉDINI