HADÈS Archéologie

Abbaye Saint-Pierre

Fiche

Résumé

La mise en place d’une intervention archéologique sur l’abbaye Saint Pierre de Maillezais a été motivée par la réalisation d’un projet architectural sous la direction des Monuments Historiques visant la restauration du site. Cet édifice classé en 1925 et propriété du Conseil Général de Vendée depuis 1996, a fait l’objet de plusieurs campagnes de fouilles permettant de cerner les différentes périodes d’occupation. Les programmes archéologiques de ces dix dernières années ont renouvelé les connaissances issues des fouilles datant du XIXe et du début du XXe siècle. Les travaux anciens se sont portés sur l’aspect monumental de l’abbaye en dégageant le chœur et la nef de l’église ainsi que les bâtiments conventuels. Mais ces fouilles ont laissé une documentation lacunaire, bénéficiant d’une rigueur scientifique relative. Il faut attendre les années 90 avec la fouille du réfectoire pour avoir une première ébauche de la chronologie. Régulièrement, en préalable aux travaux de mise en valeur, des opérations préventives sont menées et ont permis de développer des problématiques de recherche. Ces programmes pluri disciplinaires sont axés avant tout sur l’évolution de l’habitat ecclésiastique et ses campagnes de fortifications successives comprises entre les Xe et XVIe siècles. Á cette occasion les travaux de J. Martineau, T. Cornec et E. Barbier ont apporté de nombreuses informations sur le front occidental de l’abbaye ainsi que sur la mise en défense du site au cours des siècles. Ce bref aperçu des travaux antérieurs esquisse un premier historique de l’abbaye. Située au cœur du marais poitevin, elle est fondée à la fin du Xe siècle en lieu et place d’une ancienne place forte des ducs d’Aquitaine. Sa position stratégique, les largesses de ces donateurs et l’appui de la réforme grégorienne lui permettent de s’illustrer au cours du Moyen Âge. Elle atteint son apogée en 1317, date de son élection en évêché. La guerre de Cent Ans et les guerres de Religion changent considérablement la physionomie de l’édifice en lui attribuant une vocation militaire. L’abbaye devient le théâtre de combats répétés dont les ruines d’aujourd’hui sont le témoignage. À la fin du XVIe siècle, elle finit par devenir une place de sûreté protestante fortifiée par Agrippa d’Aubigné. La réaffirmation du pouvoir royal au XVIIe siècle condamne définitivement le lieu en transférant le siège de l’évêché à La Rochelle. C’est dans le cadre d’un projet de restauration et de mise en valeur du site comprenant des travaux d’assainissement dirigé par P. Prunet (Architecte en Chef des Monuments Historiques) que le Service Régional de l’Archéologie (D. Delhoume, ingénieur d’études), a prescrit une surveillance des terrassements. Cette opération visait le diagnostic de l’enceinte orientale (Volet A), le bâtiment de l’hôtellerie (Volet B) et le réfectoire (Volet C).

Les résultats de cette intervention sont significatifs et mettent en évidence le potentiel archéologique de ce site. Toutefois on ne peut être satisfait de la totalité des interprétations. La nature de l’opération ne permet pas de mettre en œuvre des décapages extensifs, à même de renseigner plus précisément les vestiges. Notre discours fait donc appel à une réserve due à l’hypothétique.

Le remaniement de l’ensemble abbatial au cours des siècles a supprimé par des décaissements et des apports de remblais une partie du contexte stratigraphique médiéval et moderne. La faible côte de fond de travaux et la puissance des remblais n’ont pas permis de retrouver des niveaux de sol ou d’occupation en lien avec les bâtiments. La reconnaissance de l’évolution architecturale s’est donc fondée sur les structures maçonnées mises au jour.

La présence d’une occupation datant du Néolithique final a été perçue sur une emprise restreinte au niveau du réfectoire (phase I). L’étude du mobilier céramique conforte les conclusions des fouilles antérieures.

La première phase historique, à l’époque médiévale, est comprise entre le XIe et le XIIIe siècle (phase II). Il s’agit d’un intervalle large qui prend en compte des vestiges sur le plateau et au niveau de l’hôtellerie. Cette chronologie devra être affinée par une étude des élévations du réfectoire et des deux ailes constituant l’hôtellerie. Dans l’attente d’éléments datant nous rattachons à cette période la mise en place du réfectoire. Le mur oriental du bâtiment a fait l’objet de restaurations qui limitent nos observations. Au cours de la fouille, nous avons reconnu la semelle de fondation du mur ainsi qu’un enduit de mortier recouvrant la partie basse du parement externe. Un élément de support inédit a également été identifié. Il s’agit d’un pilastre de taille massive chaîné avec le mur oriental du réfectoire. Cette découverte associée au plan de C. Masse autorise l’hypothèse d’un bâtiment voûté (doté d’un programme décoratif ?) contiguë au réfectoire. Une analyse radiocarbone d’un charbon prélevé dans le pilastre permettra d’affiner la chronologie sur ce secteur de l’abbaye. Côté marais, une tour quadrangulaire aux angles contrefortés a été dégagée. Cette dernière s’apparente à une tour polyvalente pouvant associer plusieurs fonctions (domestique, religieuse, résidentielle ou défensive). Á ce jour, en l’absen­­ce d’élévation conservée et de fouille en plan, on ne peut pas lui attribuer de vocation précise. L’analyse de la façade a permis d’appréhender la confi­guration générale de l’édifice. Plusieurs indices suggèrent une tour à deux étages avec des planchers reposant sur les murs latéraux. Elle était dotée d’au moins un escalier à vis mineur reliant le rez-de-chaussée au premier étage. L’accès à l’étage donne sur la cuisine de l’hôtellerie. Il s’agit là du premier état qui associe le bâtiment des convers et la tour. Un second état a été mis en évidence. Il correspond à l’ajout de l’aile des hôtes. Á cette occasion une deuxième ouverture au niveau du premier étage de la tour est mise en place. Le faciès de la porte évoque des latrines, sans que l’on puisse le confirmer. Cet élément permet de cerner un peu mieux le programme architectural mis en œuvre sur l’hôtellerie. Cependant, la chronologie du bâtiment demande à être affinée. La phase III (XIVe siècle) voit sur le plateau, la mise en place d’un bâtiment fermant l’espace claustral. La présence de cet édifice reste hypothétique. Cette interprétation repose sur les structures maçonnées reconnues cette année et au cours des fouilles précédentes (2001 et 2007). Cependant, la présence d’une porte et d’une organisation cohérente des murs semble confirmer cette interprétation. Le contexte stratigraphique montre une séquence importante de remblais constitués de trois événements, abandon, incendie puis démolition. Une seconde tour quadrangulaire en flanquement contre la façade sud de l’aile des convers a été mis au jour (phase IV). Son emplacement et sa morphologie suggèrent une tour à latrines que l’on peut attribuer aux XVe XVIe siècles. Là encore, l’étude du mur sud de l’hôtellerie nous a permis de restituer la configuration de la tour et de proposer quelques hypothèses concernant son fonctionnement et sa communication avec le réfectoire des convers. La phase V correspond aux aménagements défensifs mis en œuvre au cours des guerres de Religion (XVIe XVIIe siècles). Il s’agit du mur de courtine de l’enceinte orientale et d’un mur glacis observé au niveau du marais à l’angle sud est de l’hôtellerie. Cet aménagement inédit, dont l’identification ne peut pas être précisée étant donné l’emprise du décapage, semble cependant jouer un rôle dans le dispositif de tenaille fortifié sur ce front de l’abbaye. Cette découverte est d’autant plus intéressante, car ce front sud ne disposait jusqu’à présent d’aucun élément défensif.

La dernière phase (VI)est marquée par les aménagements et destructions qui ont eu lieu dans le courant des XIXe et XXe siècles, lorsque l’abbaye sert de ferme puis de carrière.

Benoît GARROS, Jean Marie BINEAU