HADÈS Archéologie

Abbaye Notre-Dame

Fiche

Résumé

Située à une dizaine de kilomètres au sud de Poitiers, l’abbaye Notre-Dame de Fontaine-le-Comte est fondée peu avant 1136, par Guillaume, VIIIe comte de Poitou et Xe duc d’Aquitaine. Une communauté de chanoines réguliers y est installée par le futur archevêque de Bordeaux, Geoffroy de Louroux. L’importance de ces protagonistes offre un aperçu de la qualité attendue des vestiges.Vendus quelques années avant la Révolution, les bâtiments conventuels sont alors transformés en habitations privées. Une partie de l’aile occidentale devient la « maison Bonnet ». L’intérêt suscité par l’architecture de l’établissement monastique se manifeste dès 1840 par un classement de l’église au titre des Monuments Historiques. Des constructions attenantes qualifiées de prieuré et de logis abbatial bénéficient ensuite de protection juridique par des inscriptions datées du 18/02/1927 et du 4/10/1929. Malgré ces démarches, la « maison Bonnet » ne reçoit pas la même considération et tombe progressivement en ruine. Soucieuse de la conservation de son patrimoine historique, la municipalité s’en porte finalement acquéreur, envisageant une réhabilitation en salle de spectacle. Toutefois, l’état sanitaire des élévations remet en cause une restauration minimaliste. Aujourd’hui, les projets s’orientent vers une démolition pour l’implantation d’une nouvelle construction. Dans ce contexte, le Service Régional de l’Archéologie de Poitou-Charentes a prescrit une étude préalable des élévations. Elle s’inscrit dans la continuité des recherches menées sur les autres parties par Marjorie Berbuto et Luc Bourgeois en 1994 et 1997, Laurent Prysmiki en 2001, puis Juliette Masson en 2012. Entre temps, notons qu’une enquête menée par le service de l’Inventaire du Patrimoine de la région Poitou-Charentes a abouti à la constitution d’un dossier documentaire disponible sur un site internet. Sur le terrain, l’intervention s’est déroulée en quatre jours, au mois de janvier 2013.

Jusqu’à présent, aucune des études n’a révélé d’occupation antérieure à l’établissement religieux. Les nouvelles observations permettent d’identifier 15 phases d’évolution de l’ensemble bâti. Les maçonneries les plus anciennes se distinguent par leurs parements en pierre de taille. Dans la partie étudiée, ces élévations sont très mal conservées. Il reste une portion du mur sud attenant à la façade occidentale de l’église (fig. 1), une portion d’un mur orienté nord-sud avec une baie et une partie d’un mur perpendiculaire associé à un piédroit. Ce dernier est probablement un refend ouvert au centre par un passage. Synchrone de l’église, l’ensemble correspond très certainement aux élévations d’une aile conventuelle édifiée au XIIe siècle, lors de l’implantation primitive (phase I). Dès cette phase, l’abbaye serait donc composée d’une église et de trois ailes enserrant un préau et quatre galeries de cloître. L’observation de la maison Bonnet a été limitée par l’encombrement d’un volume intérieur équivalant à la hauteur d’un rez-de-chaussée. La disposition des espaces primitifs et leurs fonctions demeurent donc méconnues. L’hypothèse d’un parloir équipé d’un tour est émise. L’espace serait en relation avec un volume couvert par une voûte. Après une destruction de celle-ci (phase II), un étage est construit sur le tiers nord de l’aile occidentale du cloître (phase IIIa). Cette phase est seulement connue grâce au rapport de L. Prysmiki rédigé en 2001. Elle est datée du XIIe ou XIIIe siècle. Aucun indice ne permet d’affirmer que le tiers sud de cette même aile soit concerné. En revanche, une porterie semble édifiée vers la même période.

La phase IIIb est suggérée par une observation rapide de l’église. La voûte de la croisée du transept, le clocher au-dessus et le portail de la façade occidentale de la nef aurait été reconstruits. Le décor des nouveaux chapiteaux orientent ici aussi les hypothèses de datation vers le XIIIe siècle.

Des ravages causés par un incendie sont particulièrement visibles sur les maçonneries primitives situées dans le tiers sud de l’aile occidentale (phase IV). D’après les sources, il aurait été provoqué avant 1349 par les habitants de Poitiers, dans le contexte de la guerre de Cent Ans. À la suite de cet événement, le prince de Galles aurait contraint les auteurs du saccage à une reconstruction. Rien n’assure qu’elle soit exécutée.

Une première campagne de reconstruction correspond à une fortification de l’aile occidentale (phase V). Les travaux s’étendent peut-être entre la fin du XIVe et le milieu du XVe siècle. Plus tardivement, dans la seconde moitié du XVe siècle, des aménagements résidentiels sont effectués. Les modénatures des portes et fenêtres incitent à envisager, dans la même période, la transformation de la porterie en espace résidentiel, peut-être une hôtellerie et/ou un logis abbatial.

Au début du XVIe siècle, les restaurations paraissent se poursuivre sur le reste de l’aile occidentale ainsi que sur la nef de l’église (phase VI). Un passage établi entre ces deux bâtiments et une tour d’escalier en vis insérée dans l’aile ouest témoignent d’une réorganisation des systèmes de communication. Une galerie à étage pourrait alors avoir relié les espaces résidentiels dans le tiers nord et une tribune ou un escalier dans la nef.

Le tiers sud de l’aile occidentale connaît ultérieurement diverses transformations : ouvertures de portes, installation d’un escalier. Leur chronologie relative ne peut être établie avec une phase de fortification (phases VII et VIII). Celle-ci est très certainement motivée par l’insécurité due aux guerres de Religion. Une canonnière est installée dans le passage entre l’église et l’aile occidentale (fig. 2). Une bretèche est construite ou reconstruite au-dessus du passage de la porterie.

Les Genovéfains reprennent l’abbaye en 1654 et restaurent une partie de l’église (phase IX), notamment le mur gouttereau sud. Leur investissement se percevrait dans le tiers nord de l’aile occidentale par des aménagements à l’étage.

L’occupation de l’aile occidentale n’a a priori pas laissé d’indice jusqu’au XIXe siècle. A cette période, l’état de dégradation du bâtiment nécessite des reconstructions. Le tiers sud est en grande partie reconfiguré. D’abord, les murs porteurs sont repris (phase XI), puis des murs de refend et cloisons ainsi que divers aménagements sont installés : cheminées et escalier (phase XII). C’est probablement au cours de ces travaux que le volume du rez-de-chaussée est condamné.

Une occupation de l’espace durant les XIXe et XXe siècles est observable grâce aux enduits et aménagements réalisés avec des briques de fabrication industrielle (phases XIII et XIV).

La dernière phase regroupe les différentes restaurations de l’église (phase XV).

L’amélioration des connaissances dépend maintenant du projet retenu pour la salle de spectacle. Une fouille partielle ou exhaustive de la maison Bonnet offrirait une véritable occasion de découvrir des espaces confinés depuis plus de 100 ans.

Patrick BOUVART