HADÈS Archéologie

Abbaye de Sixt

Fiche

  • Responsable : Laurent D’AGOSTINO, Évelyne CHAUVIN-DESFLEURS
  • Période de fouille : 2011, 2013-2014
  • Localité : Sixt-Fer-à-Cheval (Haute-Savoie)
  • Type d’opération : 
  • Période :  , ,
  • Agence : CENTRE

Résumé

2011

Dépendance de la prestigieuse abbaye Saint-Maurice d’Agaune, en Valais (Suisse), l’abbaye de chanoines réguliers de Saint Augustin de Sixt fut fondée dans les années 1140, probablement à partir de donations des seigneurs de Faucigny. Implantée dans le fond de l’étroite vallée du Giffre débouchant sur l’un des plus vastes cirques glaciaires alpins, le cirque du Fer à Cheval, elle contribua au Moyen Âge à la présence humaine permanente dans ce secteur de montagne très isolé. Les premiers bâtiments sont édifiés dès le milieu du XIIe s., mais les nombreux remaniements de l’Époque Moderne sous l’abbatiat d’Humbert de Mouxy, un violent incendie en 1680 et les démolitions de la fin du XIXe s. ont fait disparaître l’ancien cloître et deux ailes de l’abbaye, ne conservant que l’église au nord et le logis abbatial au sud.

L’étude archéologique préalable réalisée en 2011 parallèlement à une étude architecturale menée par l’équipe de Jean François Grange Chavanis ACMH a livré des informations majeures sur la chronologie de l’ancien logis, transformé en Hôtel du Fer à Cheval et de l’Abbaye dès la fin du XVIIIe s.

La morphologie actuelle du logis [fig. A], bâtiment rectangulaire de 30 m de longueur pour 10 m de largeur composé de pièces en enfilade distribuées par trois couloirs superposés au nord, correspond en grande partie aux remaniements du XVIIe s., comme en témoignent les plafonds en bois de la grande salle du rez-de-chaussée et les cellules du premier étage, datés par dendrochronologie des années 1620. Les pièces du deuxième étage, en revanche, sont réaménagées vers le milieu du XVIIIe s.

De l’abbaye primitive, seul est pour l’instant perceptible un noyau primitif correspondant à l’emplacement de la grande salle actuelle, pour laquelle ont été identifiées des maçonneries et une porte à arc en plein cintre datables du XIIe ou du début du XIIIe s. Plus d’une vingtaine d’éléments en remploi provenant du cloître médiéval (chapiteaux, fûts de colonnes, tailloirs, base à griffes zoomorphes) ont été observés dans le mur nord du logis, reconstruit à partir des éléments de la démolition du cloître à la fin du Moyen Âge [fig. B]. Ces éléments sculptés, uniques en Haute Savoie, apportent des informations inédites sur l’architecture primitive de l’abbaye.

Le percement de grandes arcades ouvrant sur la cour au nord semble attribuable aux campagnes de travaux d’Humbert de Mouxy, qui ont abouti à la mise en place des couloirs de circulation sur l’emplacement des galeries du cloître médiéval.

L’étude de la charpente du logis, mise en place vers 1745, a en outre livré des informations sur les ailes orientale et occidentale de l’abbaye, démolies à la fin des années 1860. Hormis l’étude technique de cette charpente à fermes et pannes et de son évolution, l’analyse a révélé les traces de deux noues aux extrémités est et ouest de la charpente, témoignant de l’existence au XVIIIe s. des deux ailes de l’abbaye dont ni l’emplacement, ni l’emprise n’étaient connues avec précision [fig. C].

Malgré la faible ampleur de cette opération, elle a mis en évidence la conservation dans les élévations d’éléments attribuables aux premières décennies d’existence de l’abbaye et les résultats témoignent du riche potentiel archéologique de l’édifice, même si sa chronologie globale et les détails de son architecture restent à étudier.

Laurent D’AGOSTINO, Évelyne CHAUVIN DESFLEURS

 

2013-2014

Dans le cadre de la restauration et de la mise en valeur de l’ancien logis de l’abbaye, inscrit au titre des Monuments historiques en 1997, le Conseil général de la Haute-Savoie a développé un projet cofinancé par l’Union européenne, associant également la Région Autonome de la Vallée d’Aoste et la commune d’Arnad (Italie), ainsi que la commune de Sixt-Fer-à-Cheval. Ce projet ALCOTRA, nommé « PHENIX – Renaissance des patrimoines », comprenait un volet de restauration et de mise en sécurité de l’ancien logis abbatial, qui constitue l’un des édifices appartenant à l’abbaye, avec l’église, le presbytère et l’ancien grenier. Le Service Régional d’Archéologie de Rhône-Alpes a prescrit une étude archéologique accompagnant les travaux de maçonnerie et de terrassement réalisés en 2013 et 2014 (Fig. 1). En effet, le piquage des enduits des façades et la réalisation de tranchées de drainage sur tout le pourtour du bâtiment ont révélé des indices archéologiques qui éclairent l’évolution du site.

L’étude archéologique du bâti, d’une part, avait pour objectif de cerner l’évolution architecturale de l’édifice par l’analyse de ses façades, qui ont pu être relevées et étudiées sur près de 1000 m2. Elle a livré des données inédites sur l’organisation de la première abbaye (XIIe-XIIIe siècles) et ses transformations jusqu’au milieu du XXe siècle. D’autre part, au nord du logis abbatial, ont été mis au jour les vestiges de deux bâtiments qui formaient les ailes est et ouest de l’abbaye et se raccordaient à l’église. Démolis dans les années 1860, ces deux édifices étaient encore parfaitement inconnus il y a quelques années et seules les recherches engagées depuis 2011 dans le cadre d’une étude préalable ont permis de révéler leur existence et de restituer le plan de cet ensemble monumental, organisé autour d’un cloître (Fig. 2).

Dans la cour du cloître, des sépultures, dont deux en coffres de dalles, ont été découvertes et ont fait l’objet d’une étude anthropologique. Elles ont pour certaines été datées des XIIe et XIIIe siècles par le radiocarbone, démontrant son utilisation par les chanoines comme espace d’inhumation dès les origines de l’abbaye.

En mauvais état à la fin du Moyen Âge et victime d’un incendie en 1680, l’abbaye a fait l’objet de multiples remaniements et reconstructions. Le cloître roman a notamment été démonté et réutilisé en pièces détachées lors des rénovations successives des XVIIe et XVIIIe siècles : près de 140 pierres de taille en remploi ont été identifiées, parmi lesquels des fûts et des bases de colonnes, ainsi que des chapiteaux sculptés (Fig. 3). Loin de l’aspect épuré de l’abbaye reconstruite par Humbert de Mouxy et ses successeurs à partir des années 1620, ce sont des éléments d’un cloître roman entouré de colonnades finement décorées qui sont réapparus à l’occasion de ces recherches.

Laurent D’AGOSTINO