Fiche
Résumé
Jusqu’aux fouilles de R. Joudoux, dans les années 1970, le château de Ventadour n’était connu que par la renommée du célèbre troubadour Bernard de Ventadour (v.1145 – v. 1200). Dans le cadre d’un programme de restauration de la presque totalité des vestiges, de 1999 à 2007, HADÈS s’est vue confier l’étude archéologique globale du site. Organisé sous la forme d’un chantier-école, le site a reçu des groupes d’étudiants qui ont pu acquérir la pratique de l’archéologie de terrain.
Curieusement, le château ne semble pas avoir été la « capitale » politique de la seigneurie constituée vers le milieu du XIe siècle, hormis peut-être au XVe siècle. En revanche il a été possédé par les plus puissantes familles du royaume : les Ventadour du XIe au XVe siècle, puis les Lévis de 1472 à 1673, et enfin les Rohan de 1673 jusqu’à la Révolution. Le statut de la seigneurie a évolué également au cours des siècles : de vicomté en comté au XIVe siècle, puis en duché au XVIe siècle.
La forteresse médiévale
Au château mentionné dans les textes dès le XIe siècle appartiennent peut-être les vestiges d’une tour de plan carré aux quatre murs contrefortés : c’est l’édifice le plus ancien actuellement reconnu sur le site.
Mais la majeure partie des vestiges provient d’une grande campagne de construction lancée au tournant des XIIIe-XIVe siècles. La crête rocheuse se voit ceinturée d’une longue enceinte flanquée d’une barbacane qui protège l’entrée. La tour maîtresse circulaire qui domine l’ensemble de la forteresse par sa masse et sa hauteur – elle atteignait sans doute les 20 m à l’origine – est implantée à cheval sur la courtine, celle contre laquelle devaient s’appuyer les logis). La chapelle Saint-Georges, seul bâtiment pourvu d’un décor sculpté et mouluré, prend appui contre la courtine opposée.
Le plan de l’ouvrage, son homogénéité et la progression du chantier (par tronçons se développant d’est en ouest) traduisent un programme de construction réfléchi, conduit par un maître d’œuvre. Mais, pour une telle période, les organes de défenses paraissent archaïques, surtout si on les compare à d’autres édifices contemporains tel que le château de Châlucet, au sud de Limoges. À Ventadour, outre un profond fossé doublé du côté de l’attaque, la défense est uniquement assurée depuis le sommet des murailles par un chemin de ronde à mâchicoulis. Ici, point d’archères, de bretèches et de hourds.
La « modernisation » du château au XVe siècle
Le XVe siècle est peut-être la seule période où Ventadour est occupé de manière continue. C’est dans la première moitié du siècle qu’on « humanise » le château avec la construction d’un beau logis – un des plus grands que l’on connaisse pour l‘époque en Limousin – et d’une haute tour, également résidentielle, aujourd’hui connue sous le nom de « tour carrée », comme si on réactivait l’image du château-symbole à l’intérieur de la vieille forteresse.
Les derniers grands travaux, au XVIe siècle
Enfin, au début de l’époque moderne, on gagne de l’espace au sud-est en aménageant une vaste terrasse qui a nécessité des travaux de remblaiement considérables. On y bâtit également une citerne. Seule l’extrémité sud-est de l’éperon accueille un nouveau bâtiment, peut-être une poudrière.
2013 – Suivi archéologique
La dernière tranche de travaux de consolidation du château de Ventadour a nécessité, en 2013, un suivi archéologique et des fouilles (fig. 1).
Cinq sondages ont été ouverts au centre de la haute-cour. Ils ont permis de localiser le niveau du sol d’occupation et observer les fondations de la chapelle. Ces dernières sont bâties sur le rocher taillé comme de simples rainures peu profondes et de faibles largeurs. La haute cour est établie sur deux niveaux décalés d’une soixantaine de centimètres, la rupture s’effectuant quelque part entre la Grosse tour et la chapelle.
Un édifice au plan intérieur courbe, juste entr’aperçu dans un sondage en 2003, a été localisé au pied de la « Grosse tour ». Il a été émis l’hypothèse d’une structure liée à une activité domestique ou artisanale (un four ?). Malheureusement, les artefacts recueillis dans les remblais sous-jacents n’ont livré aucune information décisive sur sa datation. Après l’abandon et la destruction de cette construction, on bâti dessus un mur dont l’arasement rend malheureusement la datation impossible, mais qui pourrait appartenir à un logis médiéval.
La chapelle Saint-Georges a fait l’objet d’une désobstruction des gravats qui l’encombraient puis d’une fouille limitée au premier sol rencontré comme l’avait prescrit le SRA. Cette chapelle, rapportée contre la courtine sud-ouest, occupe une place privilégiée dans la haute-cour (fig. 2). Elle appartient à la grande campagne de travaux du XVe siècle qui met en œuvre un vocabulaire architectural commun à la construction du grand logis seigneurial, à la « Tour carrée » et à cette chapelle. Le plan rectangulaire et non orienté, de 13,80 x 8,60 m hors-œuvre, comprend trois travées qui étaient voûtées d’ogives. Un bras, ouvert sur le côté sud-ouest et doté d’un autel, pourrait appartenir à une chapelle primitive.
La travée la plus au nord-ouest, qui formait le chœur, conserve la base d’un autel. L’entrée s’effectuait au sud-est par un portail dont l’encadrement a disparu. Peut-être celui du XVe siècle, au tympan sculpté représentant Samson domptant le lion, prélevé à Ventadour à la fin du XVIIIe siècle et aujourd’hui remployé à la « Maison Madrange » à Égletons, en proviendrait-il ? Il est aujourd’hui remplacé par un bouchage en gros moellons de récupération, bâtis à sec sans doute au XIXe siècle.
Le parement extérieur, en grand appareil de moellons soigneusement équarris, est très différent du parement interne beaucoup plus fruste et destiné à recevoir un enduit au mortier dont il subsiste de rares vestiges peints en blanc à la base des murs. Les voûtes, au profil de deux tores encadrant un méplat, retombaient sur des piliers engagés tréflés à base soigneusement moulurée. Une clef de voûte, retrouvée en 1967-68 au centre de la chapelle, portait les armes polychromes de Ventadour (fouilles R. Joudoux). Un vestige de baie à remplage, également mis au jour lors de ces mêmes fouilles anciennes, pourrait provenir du mur nord-ouest.
Le sol ne conserve que des lambeaux d’un pavement en carreaux de terre cuite (fig. 3). Celui de la nef présente une composition compartimentée identique à celle de la grande salle du logis seigneurial mais avec, ici, de multiples réparations. Le chœur, surélevé d’une marche, ainsi que la chapelle sud-ouest présentent un sol non compartimenté.
A l’issue des fouilles, les maçonneries de la chapelle ont été « cristallisées » et le sol partiellement remblayé afin de protéger le carrelage.
La citerne souterraine de la haute cour est un édifice intéressant qui a été nettoyé et relevé (fig. 4). De plan carré et d’une contenance de 15 à 20 m3, elle est composée de deux nefs parallèles voûtées. Elle est alimentée par une source jaillissant au niveau du sol.
A la demande de l’Architecte en chef des monuments historiques, une étude a été menée sur les portes du château de la fin XIIIe-début XIVe siècle en vue de restituer celle totalement disparue qui permettait l‘accès à la haute cour depuis la barbacane. Il s’est avéré que les cinq portes étudiées sont d’un type stéréotypé et aux dimensions quasiment identiques.
Le suivi d’une tranchée de pose de réseaux le long du chemin d’accès au château a permis de localiser le niveau du rocher sous les remblais constitués depuis le XIXe siècle.
Enfin, le plan du château a été complété par le relevé des deux fossés qui défendent l’accès, le second étant d’une profondeur particulièrement importante.
Bernard POUSTHOMIS
Château de Ventadour, courtines ouest et nord-est ; Catherine BOCCACINO ; septembre 1999.
Château de Ventadour (fouilles et études programmées 2004) ; Bernard POUSTHOMIS et Sylvie CAMPECH avec la participation de Yoan MATTALIA et Élodie CASSAN ; avril 2004.
Château de Ventadour ; Bernard POUSTHOMIS ; mai 2004.
Château de Ventadour ; B. POUSTHOMIS, L. D’AGOSTINO, C. RÉMY, S. CAMPECH avec la participation de E. CASSAN, Y. MATTALIA, D. PALOUMBAS, C. VANACKER ; 2006.
Château de Ventadour (Vol. 1, Texte ; Vol. 2, Figures ; Vol. 3, Catalogue du mobilier lapidaire) ; Laurent D’AGOSTINO, Sylvie CAMPECH, Rémi CARME, Bernard POUSTHOMIS, Christian RÉMY avec la participation de É. CASSAN, F. ESCANDE, C. LACROIX, C. VANACKER ; 2007.