HADÈS Archéologie

Le château

Fiche

  • Responsable : Bernard POUSTHOMIS
  • Période de fouille : 1995, 2000
  • Localité : Gavaudun (Lot-et-Garonne)
  • Type d’opération : 
  • Période :  ,
  • Agence : ATLANTIQUE

Résumé

1995

L’intervention menée au château de Gavaudun entre dans le cadre d’un important programme de restauration de l’édifice, engagé par le Service des Monuments Historiques et la commune de Gavaudun. À cette occasion, le Service Régional de l’Archéologie a jugé qu’une fouille archéologique s’imposait.

À la suite de sondages d’évaluation le bureau d’investigations archéologiques HADÈS a été chargé d’organiser et diriger une campagne de fouilles, de la mi-juillet à la mi-août 1995. Ces recherches ont été réalisées avec l’aide d’une quinzaine d’étudiants en histoire, histoire de l’art et archéologie des Universités de Toulouse et de Bordeaux dans le cadre d’un stage d’application aux techniques de l’archéologie de terrain.

Rappel historique

Peu de documents permettent de connaître l’histoire de Gavaudun au Moyen Âge. Un premier château parait avoir existé au XIIe s, détruit en 1169 à la suite d’un siège. Il réapparaît dans un acte d’hommage de 1271. Dès lors la seigneurie de Gavaudun sera possédée par les plus grandes familles de l’Agenais mais elles occuperont rarement le château. Aux mains de la famille de Balenx ou de Gavaudun aux XIIIe s., elle passe aux Durfort au siècle suivant puis aux Lustrac au début du XVe siècle. Alors que la guerre de Cent Ans fait rage le château se trouve au milieu des possessions anglaises. Mais rares sont les seigneurs de Gavaudun qui se démentiront de leur allégeance au roi de France. Certains s’illustreront même en combattant les anglais, tel Naudonnet de Lustrac pour qui Gavaudun semble avoir été une des résidences préférées. Durant la première moitié du XVIe s, les Lustrac sont proches de la cour de François Ier et Henri II mais cela n’empêche pas Antoine II, puis sa fille Marguerite, de résider régulièrement à Gavaudun. Les guerres de Religion vont profondément marquer la région. Gavaudun est alors un important foyer de protestantisme et Marguerite de Lustrac, convertie à la religion réformée, voit ses biens un temps confisqués. Sa fille, la célèbre Anne de Caumont, lègue la seigneurie en 1642 après que les Lustrac en aient été les maîtres pendant près de deux siècles. Habitants la Beauce, les nouveaux seigneurs (famille Auray de Brie) ne vécurent jamais à Gavaudun. La baronnie est vendue par adjudication aux Belsunce en 1690 puis acquise en 1786 par les Fumel Montségur, mauvaise affaire pour ces derniers qui en sont dessaisis par le pouvoir révolutionnaire. En grande partie démoli entre 1793 et 1796 les vestiges deviennent propriété de la commune au début du XIXe s.

Après le siège de 1169 qui a vu sa prise (et sa destruction ?), le rôle militaire du château reste inconnu pour les périodes suivantes, même pendant la guerre de Cent Ans et les guerres de Religion.

Les apports de la fouille archéologique de sauvetage

Les recherches ont porté sur la partie centrale du château, dans une zone où l’on pouvait supposer d’importantes modifications entre le Moyen Âge et l’abandon du site. La découverte de tessons de poteries à pâte blanche fait appel à une période ancienne du Moyen Âge et laisserait supposer une occupation du site antérieurement au château actuel. Il est vrai que cet éperon, défendu naturellement, présente une position privilégiée dont l’intérêt a pu attirer l’homme très tôt. C’est l’étroit plateau calcaire sommital, sorte d’épine dorsale de la zone fouillée, qui parait conserver les plus anciens vestiges d’occupation En effet, la découverte de trous de poteaux creusés dans le rocher laisse supposer l’existence de structures en bois (cabanes ?) Dès la construction du château au XIIIe s. cette partie sommitale sert de communication entre les deux extrémités du château puis de « rue » probablement dallée.

Le rempart du XIIIe s. limite la plateforme sommitale contre laquelle il est plaqué. Sur la face sud est la courtine parait servir de circulation, vers le premier étage du donjon.

Ce n’est que plus tard, probablement à la fin du siècle ou au début du XIVe qu’est réalisée une première extension en forme de triangle, sur la face nord-ouest. Un nouveau rempart est bâti en bordure de falaise auquel est lié un mur empiétant désormais sur la plateforme supérieure. Une porte s’ouvrant côté rue devait permettre l’accès à un rez-de-chaussée sur cave. Le rempart primitif est probablement conservé à l’extrémité sud-ouest. Il faut placer ici la construction énigmatique d’un ouvrage bâti en arrière de ce nouveau rempart et avec lequel il est lié. de forme conique et parementé sans souci esthétique, plusieurs hypothèses ont été envisagées (tour, tourelle d’escalier, four) sans qu’aucune soit réellement satisfaisante.

Dans le courant du XIVe s. mais avant le début du XVe on gagne de l’espace, cette fois sur le vide. Le nouveau rempart est dévié à son extrémité sud pour constituer un nouveau bâtiment. Cet aménagement a nécessité d’importants moyens techniques tels qu’une maçonnerie de façade fondée très bas à flanc de falaise et la mise en œuvre de fondations sur arcs de décharges. Les vestiges de ce bâtiment indiquent l’existence d’un sous-sol (peut-être d’un second encore comblé) et d’au moins un étage. Parallèlement, le sol inférieur (sur rocher) du secteur 6est rehaussé par un remblai, dont un dépotoir culinaire qui conservait une belle série de pichets de la fin XIVe ou début XVe s. Dans le même temps est bâti au nord est un mur de refend qui divise la plateforme supérieure et condamne une latrine aménagée dans la courtine sud-est. Cette zone est pouvait être depuis un temps le siège d’un atelier de travail du fer, voire de fonte de minerai. Quoi qu’il en soit, les premiers vestiges de cette activité ont été retrouvés plus particulièrement dans cette zone mais aussi dans diverses couches de remblais. Ils indiquent l’existence d’une activité métallurgique dès le XIVe s. et qui se poursuivra jusqu’au XVIIe s. L’espace est alors composé de structures en bois dont la dispersion des trous de poteaux ne permet pas de restituer le plan (en appentis contre la courtine sud est ?).

L’extrême fin du Moyen Âge et les débuts de l’époque Moderne connaissent de nouvelles transformations. Le rez-de-chaussée (et probablement l’étage) du bâtiment sud-ouest est agrandi vers le nord est avec la construction d’un nouveau refend qui marque le début d’un remblaiement progressif du sud est vers le nord-est. Dans la partie est, le refend est surélevé et percé d’une fenêtre dont l’ouverture indique bien qu’aucun aménagement en hauteur n’existait au sud-ouest. Il faut peut-être attribuer à cette phase ou au début de la suivante la construction des deux murs qui délimitent désormais la zone en empiétant sur la rue. En tous les cas, ceux-ci sont réalisés simultanément à un nouvel aménagement du sol. En effet, le rocher est débarrassé des remblais médiévaux et il est même localement retaillé pour constituer une nouvelle aire de circulation. C’est probablement aux Lustrac que l’on doit l’essentiel de ces travaux dans la deuxième moitié du XVe et au XVIe s. Les vestiges lapidaires découverts au cours des terrassements et ceux remployés dans les maisons du bourg montrent l’importance des transformations réalisées alors pour « humaniser » la forteresse médiévale et répondre au modèle de résidence recherché à l’époque.

C’est durant la période comprise entre le XVIe et le XVIIe s. qu’ont lieu les dernières modifications du bâti. La partie nord-ouest est transformée en cuisine avec l’installation d’une cheminée avec fours à pain et à pâtisserie. Si l’on conserve les murs périphériques, à l’intérieur les anciennes structures sont arasées. Quelques indices permettent de supposer que les bâtiments du flanc nord-ouest comportaient alors un étage au moins.

La petite activité métallurgique mise en évidence dès le XIVe s. dans la zone est parait connaître un regain. En effet, plusieurs kilos de résidus de fonte y ont été mis au jour ainsi que dans la rue adjacente.

L’intervention menée à Gavaudun nous paraît exemplaire de l’intérêt que peut revêtir une fouille de sauvetage au sein d’un château. Ses résultats probants sont d’abord dus à une parfaite collaboration entre la Conservation Régionale des Monuments Historiques, le Service Régional de l’Archéologie et la commune de Gavaudun. En second lieu, c’est le site lui-même, peu perturbé, qui a permis des découvertes riches en nouveautés pour la connaissance historique du château, son évolution et son occupation.

Bernard POUSTHOMIS

2000 – La courtine Sud-Est

La reprise des travaux de restauration du château de Gavaudun, sous la direction de l’Architecte en Chef des Monuments Historiques, a débuté au printemps 2000 par la courtine sud-est. Cette courtine avait été partiellement dégagée en 1997, sans surveillance archéologique. Elle comprend, dans son épaisseur, une gaine (couloir de circulation), sur le sol de laquelle du mobilier céramique d’époque moderne avait été retrouvé. La partie non dégagée était restée comblée de terre. C’est dans ce cadre qu’un suivi de travaux a été prescrit par le Service Régional de l’Archéologie. L’intervention archéologique réalisée en mars et avril 2000 comprenait trois sondages et une surveillance archéologique des terrassements qui ont suivi. En outre, le bâti mis au jour et la courtine ont fait l’objet d’observations archéologiques. Cette opération a été réalisée en discontinu afin de s’adapter au rythme de travail de l’entreprise de restauration.

Dans la partie inférieure correspondant au rez-de-chaussée des logis, le rempart est bâti d’un seul bloc, sur toute son épaisseur. Au-dessus, une gaine a effectivement existé. Il n’en subsiste plus que la base des murs qui la bordent et une couche de pierres noyées dans un mortier rouge qui est sans doute une recharge servant de support au dallage disparu. Les vestiges de marches permettent de penser que ce sol se trouvait environ 18 à 20 cm au-dessus du niveau mis au jour. Cette gaine était accessible par un escalier situé dans la partie centrale du château et fermée à l’est par le donjon. L’absence d’évacuations d’eau pluviale dans ce couloir permet de supposer qu’il s’agit bien d’une gaine et non d’un chemin de ronde à l’air libre. une gravure réalisée vers 1855 montre une élévation conséquente de la courtine, montant jusqu’à la base du solin de pierre encastré sur la face ouest du donjon. Le chemin de ronde devait donc se trouver beaucoup plus haut. En outre, cette gaine devait également desservir l’étage du logis.

Une courte partie médiane de cette gaine est située en contrebas. Elle donnait sans doute sur une porte située au 1er étage d’un logis. Deux escaliers, l’un de trois marches et l’autre de quatre marches, situés de part et d’autre de ce palier permettent de rattraper le niveau de la gaine. de ceux-ci n’est conservé que le blocage en cailloux et mortier rouge, les marches proprement dites ayant disparu. Si ces dernières étaient encastrées dans la paroi nord, en revanche elles étaient seulement plaquées contre le mur sud.

Un denier de Philippe III le Hardi, retrouvé sous la recharge maçonnée de la gaine, daterait la construction de cette courtine du 3e quart du XIIIe siècle.

D’autres informations ont été tirées de l’observation des maçonneries. Ainsi, l’extrémité orientale de la courtine a été reconstruite, sans doute suite à un écroulement. Après une première réparation « de fortune », avec un mur courbe, le mur a été rebâti suivant le tracé primitif. Un peu plus loin, vers l’ouest, une autre partie a également été remontée. Ces travaux semblent appartenir à des campagnes de restauration du XIXe ou XXe siècle (vers 1950 ?), tout comme le petit escalier en pierre situé au pied du donjon et les arases supérieures des murs.

Bernard POUSTHOMIS