HADÈS Archéologie

Logis Saint-Gobert

Fiche

  • Responsable : Patrick BOUVART
  • Période de fouille : 2009, 2012
  • Localité : Celles-sur-Belle (Deux-Sèvres)
  • Type d’opération : 
  • Période :  ,
  • Agence : ATLANTIQUE

Résumé

2009

La propriété de M. Jacques Pignoux comprend une partie des espaces conventuels de l’abbaye Notre-Dame de Celles sur Belle. La parcelle, accolée au chevet de l’église, est occupée par un édifice dénommé logis Saint Gobert. Elle est délimitée à l’est par un long mur identifié comme l’élévation d’une aile de cloître. L’ensemble, d’abord inscrit au titre des Monuments Historiques le 7 octobre 1997, est finalement classé depuis le 31 juillet 2000. En 2009, un projet de restauration et de valorisation de ce mur a conduit le Service Régional de l’Archéologie à prescrire une étude de bâti préalable à tous travaux.

Bien que sommaire, l’étude documentaire a permis de synthétiser diverses sources et publications et d’en conclure une évolution du site en un minimum de 14 phases. 12 d’entre elles ont été perçues à travers l’analyse archéologique des vestiges.

L’origine et le développement de Celles sur Belle sont actuellement attribués à l’installation d’un prieuré (cella) sur les bords d’un cours d’eau dénommée la Belle (phase I). La plupart des notices historiques identifient cette implantation comme une dépendance de l’abbaye de Lesterps fondée entre 1032 et 1095, même si la Chronique saintongeaise rédigée au XIIIe siècle attribue la fondation de la cella à Clovis, en 507. Certes le caractère légendaire de cette source s’oppose à la validité de l’information, mais un triens mérovingien portant l’inscription cella vico est signalé par Jules Robuchon et Bélisaire Ledain et plusieurs sarcophages découverts près de l’église pourraient dater de cette période. En outre, une mention d’une villa « que vocatur ad cellula »est issue d’une charte datée de l’année 1020 ou 1031 selon les historiens. L’établissement serait alors rattaché à l’abbaye de Lesterps et non fondée par celle-ci. L’origine de la fondation, mérovingienne ou non, reste à établir.

La phase II est envisagée lors de l’élévation du prieuré au rang d’abbaye en 1140 ou 1148 selon les sources. L’essor de l’établissement monastique est suscité par des miracles attribués à une statue de la Vierge favorisant la création d’un pèlerinage. Les plus anciennes constructions conservées en élévation sont attribuées à cette période de plein essor. D’après les diverses études, elles se résument au portail occidental de l’église abbatiale et à la crypte de l’église paroissiale Saint Hilaire. La nature et l’organisation des bâtiments conventuels demeurent, à ce stade, méconnues. Les vestiges étudiés s’apparentent à une galerie orientale de cloître couverte de voûtes d’ogives (phase II). Leur chronologie est uniquement suggérée par le profil mouluré des ogives et le décor végétal d’un culot. La construction parait plus tardive que l’église, éventuellement du XIIIe siècle. Certaines voûtes de cette galerie de cloître semblent victimes d’un effondrement dont la chronologie et les modalités restent inconnues (phase III). Une démolition n’implique pas obligatoirement des dégradations volontaires. L’absence d’entretien explicitement énoncé par un texte de 1429 peut être l’une des causes. La reconstruction est accompagnée d’une adjonction de deux voûtes supplémentaires en prolongement vers le nord. Cette phase inclût aussi la construction d’une nouvelle galerie nord. Elle est envisagée à la fin du XVe siècle, également en raison du style des culots. A cette période, l’abbaye bénéficie d’un investissement personnel de Louis XI pour la reconstruction de l’église abbatiale. L’identification du souverain comme commanditaire du nouveau cloître est une éventualité, mais les abbés Louis Ier de Lézignac et Mathurin Joubert de la Bastide peuvent également en être les maîtres d’ouvrage (phase IV ou V).

Une destruction des galeries de cloître est imputée aux protestants dans le contexte des guerres de Religion (phase VI). D’après une inscription dans l’église, l’évènement se serait déroulé en 1569.

Les premières reconstructions ont vraisemblablement eu lieu dès la fin du XVIe siècle (phase VII). Une inscription lapidaire évoque l’année 1597. de même, une source signale l’installation d’un dortoir dans l’aile orientale vers 1630 (phase VIII). En 1651, l’abbaye est rattachée à la congrégation des génovéfains. Les premiers prieurs, Jacques Lory et Julien Gouraud, entament des restaurations (phase IX). Ils remettent en état un réfectoire, une cuisine, un dortoir, un parloir, un oratoire, plusieurs chambres, des écuries et un fenil. Toutefois, le cloitre et ses galeries restent en ruine jusqu’en 1661. À cette date, l’état des lieux est parfaitement décrit dans un procès-verbal de visite. Les bâtiments sont encore en cours de réaménagement. Les travaux sont poursuivis par les prieurs Nicolas de Saint Gobert (phase X), puis Robert Brethe de Clermont (phase XI). Ces derniers confient la réalisation d’un vaste programme architectural à l’architecte François le Duc dit Toscane. En 1682, les travaux sont interrompus en cours. L’ancien cloitre et l’aile orientale ne bénéficient pas de façades à ordonnancement classique. Quelques modifications sont apportées, mais les galeries ne sont pas reconstruites. A la Révolution, les bâtiments sont divisés en plusieurs propriétés. des ouvertures sont alors condamnées. En 1805, l’aile orientale est ravagée par un incendie (phase XIV). Le mur est conservé en élévation pour maintenir une limite de propriété. L’étude de bâti nécessite d’être complétée. Une mise en phases globale des vestiges du site fait défaut. La comparaison des procédés de construction, des styles d’ornementation et l’analyse des relations stratigraphiques devraient améliorer les datations, mais surtout la perception de l’évolution architecturale de l’un des principaux établissements monastiques du sud des Deux Sèvres.

Patrick BOUVART

2012

Située au chevet de l’église abbatiale Notre-Dame de Celles sur Belle, l’actuelle parcelle cadastrale n°110est occupée en son centre par un bâtiment communément appelé « logis Saint Gobert » (fig. a). D’abord inscrit au titre des Monuments Historiques le 7 octobre 1997, l’édifice est finalement classé le 31 juillet 2000 avec le sol de la parcelle ainsi que les vestiges d’un cloître médiéval1. L’ensemble appartient à Monsieur Jacques Pignoux. Une analyse archéologique réalisée en 2010 rend compte de l’évolution des élévations de M1 et M2, deux murs délimitant la parcelle sur son côté oriental.

L’opération effectuée en octobre 2012 s’inscrit dans la continuité de cette étude.

Elle précède un projet d’aménagement en jardin d’agrément de la portion confinée entre le logis Saint Gobert et l’aile conventuelle moderne. Les observations doivent également rendre compte de l’impact d’un cheminement aménagé sur les parcelles voisines n° 111 et 144. L’intervention compte 5 jours de terrain et 9 jours de rapport.

Elle comprend trois sondages, des relevés et une analyse de bâti complémentaires.

Les résultats améliorent faiblement les connaissances exposées dans le rapport de 2010. Tout d’abord, aucun contexte stratigraphique ne renseigne sur l’origine de Celles sur Belle. Suggérée par diverses sources, l’installation d’un prieuré (cella) sur les bords d’un cours d’eau dénommée la Belle reste incertaine, soit une fondation mérovingienne, soit une villa cédée à l’abbaye de Lesterps pour y établir un prieuré entre 1032 et 1095. Les plus anciennes constructions repérées se résument toujours au portail occidental de l’église abbatiale et à la crypte de l’église paroissiale Saint Hilaire2 (phase I). Elles résulteraient d’un essor de l’établissement monastique lié à la création d’un pèlerinage en faveur d’une statue de la Vierge réalisant des miracles3.

Cette phase est actuellement envisagée après l’élévation du prieuré au rang d’abbaye en 1140 ou 1148, selon les sources4. L’emplacement, la nature et l’organisation des bâtiments conventuels primitifs demeurent méconnus.

Dans l’emprise de la parcelle cadastrale n° 110, les vestiges de deux galeries de cloître, l’une orientale, l’autre occidentale, apparaissent comme des constructions établies sur un terrain décapé jusqu’au substrat rocheux. Aucune donnée n’a encore été acquise sur les galeries nord et sud. La largeur de l’espace de circulation avoisine 3 m.

Le sol serait un plancher de niveau constant entre les galeries. La datation de cette phase II est uniquement suggérée par le profil mouluré des ogives des voûtes et le décor végétal d’un culot (fig. b). Elle se situerait probablement dans le courant du XIIIe siècle. La persistance d’un plancher durant les phases suivantes limite naturellement l’accumulation des couches archéologiques. Les différentes structures n’ont livré aucun témoignage supplémentaire concernant une démolition (phase III).

Celle-ci n’est déterminée qu’en raison d’une importante reconstruction estimée de la fin du XVe siècle, également en raison du style de culots de voûtes. Le commanditaire n’est pas encore identifié : le roi Louis XI ou les abbés Louis Ier de Lézignac ou Mathurin Joubert de la Bastide5 (phase IV ou V). Une destruction des galeries est ensuite imputée aux Protestants dans le contexte des guerres de Religion (phase VI). D’après une inscription dans l’église, l’évènement se serait déroulé en 1569. Les premières reconstructions pourraient avoir lieu dès la fin du XVIe siècle, ainsi que l’évoque une inscription lapidaire (phase VII). Les travaux consisteraient au confortement d’une voûte et à la réfection de l’un des piliers de la galerie ouest. Les galeries ne connaitraient ensuite aucune évolution avant leur état de ruine tel qu’exposé dans un procès-verbal de 1661.

À cette date, les bâtiments sont en cours de réaménagement. La destruction de la galerie nord est effectuée lors de la construction d’un logement pour le prieur Nicolas de Saint Gobert6 (phase X). Celle de la galerie orientale est liée à la réalisation d’un vaste programme architectural commandité par le prieur Robert Brethe de Clermont7 (phase XI). L’architecte François le Duc dit Toscane procède sans doute à un important terrassement en vue de l’édification d’une galerie. Les travaux sont interrompus vers 1682 et restent inachevés. Quelques modifications sont apportées, mais les galeries ne sont pas reconstruites.

L’aménagement du jardin offrira sans doute l’une des dernières occasions d’améliorer la perception du cloître. Cette perspective dépend, bien entendu, de la nature du projet.

Patrick BOUVART