HADÈS Archéologie

Montemart

Fiche

  • Responsable : Dimitri PALOUMBAS
  • Localité : Malemort-sur-Corrèze (Corrèze)
  • Type d’opération : 
  • Période :  ,
  • Agence : MIDI

Résumé

L’opération de reconnaissance archéologique conduite sur le site de Montemart répondait à une demande de la municipalité de Malemort, qui souhaitait engager un programme de mise en valeur du site castral et de ses abords après avoir initié des démarches de conservation en 2005. À l’appui d’une documentation textuelle particulièrement féconde, un travail de synthèse réalisé en 2005 dans le cadre du Projet Collectif de Recherche (PCR) intitulé « Morphologies et mutations du castrum, l’exemple du Limousin, Xe XIVe siècles », avait permis de mettre en avant les principales caractéristiques morpho historiques du castrum au Moyen Âge. Fort de ces connaissances, le Service Régional de l’Archéologie du Limousin a prescrit une étude de reconnaissance archéologique sur le castrum. Celle-ci avait pour objectif, outre la caractérisation des vestiges enfouis et des vestiges en élévation, de favoriser leur mise en valeur et de susciter des nouvelles problématiques de recherche en vue d’un éventuel prolongement du projet scientifique sous la forme d’une fouille programmée. L’intervention a été confiée à la société Hadès. Elle s’est déroulée durant trois semaines, du novembre au décembre 2011. L’équipe archéologique était composée de Dimitri Paloumbas (responsable d’opération), Vincent Cousi (responsable de secteur), Geneviève Gascuel (archéologue), assistés de Marie Arbelet (topographe) et de Sébastien Champeyrol (archéologue) lors de la dernière semaine d’intervention. Le bilan de cette opération d’étude archéologique sur le castrum de Malemort s’est révélé extrêmement positif sur de nombreux points. Plusieurs structures bâties ont été mises au jour, et les données fournies par la stratigraphie sédimentaire ont pu être confrontées favorablement aux éléments textuels recueillis dans le cadre de l’étude historique. Si l’on excepte la mention suspecte de 1010, la première phase d’occupation connue par les sources écrites remonterait au XIIe siècle. Vers 1106 1108, il est question d’un castellum de Malemort, au sein duquel le lignage Alboin avait la possession d’une tour (…apud castellum de Malamort, in turre…). En plus de cette référence expresse au site fortifié et à un élément de topographie monumental, les chartes des cartulaires font référence à plusieurs lignages susceptibles d’avoir habité le site ou, à défaut, d’y avoir exercé des droits de dominium supérieur. Outre le lignage (a priori) éponyme, figurent les familles Bernard, Belcastel, Saint Exupéry ou encore Saint Michel, bien connues de l’historiographie limousine. Leur ancrage à Malemort au XIIe siècle est suggéré par le recoupement des données onomastiques : soit par le relevé des formes anthroponymiques triples, soit par le biais de liens de parenté direct avec la famille Malemort. Les vestiges médiévaux mis au jour dans le cadre de cette opération sont de deux types : on trouve, d’une part, des vestiges de bâtiments ; d’autre part, des vestiges de murs dont la vocation était de clore un espace habité. La date de construction de la TOUR 1 a pu être située, par comparaison stylistique, entre la fin du XIIe siècle et les premières décennies du XIIIe siècle. L’exigüité de son volume intérieur suggère de l’identifier à la magna turris citée dans les actes d’hommages de la fin du XIIIe siècle et du début du XIVe siècle. Sa vocation aurait été celle d’une tour beffroi, c’est à dire une tour que l’on réservait à la réception des hommages et où la notion de résidence était secondaire. La tour était accolée, sur sa face sud ouest, à un édifice de grande ampleur (BAT 17) dont témoigne le MUR 11. Nous ne connaissons pas la date d’édification, ni le plan, de ce bâtiment. Le collage de maçonnerie constaté entre le MUR 11 et le MUR 1est un indice de chronologie relative mais, dans la mesure où ce collage a été réalisé avec contre mur, il n’est pas déterminant sur le plan des datations. En dépit des difficultés rencontrées, et notamment celles qui concernent la datation du MUR 11, cette intervention a ouvert de nombreuses pistes de réflexion. Gageons que les futurs travaux permettent de restituer et de dater le BAT 17. Ces travaux s’annoncent particulièrement stimulants, car ils ont pour enjeu, selon nos hypothèses, la mise au jour d’un édifice seigneurial antérieur au XIIIe siècle. Une séquence médiévale a également été reconnue dans la zone 2, où les terrassements ont rapidement dégagé, à 0,60 m au dessous du niveau de sol actuel, les vestiges d’un bâtiment maçonné (BAT 18). D’après la typologie de ses maçonneries, le BAT 18 semble avoir été construit avant le XVe siècle : c’est ce que suggèrent l’utilisation de la pierre de taille de grès et la mise en œuvre, à double parement. Les structures en creux du sondage 4 et le dispositif de calage du sondage 3 sont susceptibles d’être associés à ce bâtiment. Les éléments archéologiques sont toutefois insuffisants pour permettre de l’affirmer. On associera à cette séquence d’occupation médiévale le MUR 31, dans le sondage 7. Nous interprétons ce vestige comme le témoin d’une habitation de bonne facture, partiellement adossée au rocher. de toute évidence, et conformément aux modèles de nombreux castra de l’aire méridionale, l’espace castral abritait, au Moyen Âge, un quartier « subordonné » au noyau supérieur. Cet espace devait être clôturé, comme le suggère la maçonnerie mise au jour dans le sondage 8, au sud de l’enclos. Dans le détail, la chronologie d’implantation de cet habitat reste mal cernée : doit-on envisager un peuplement précoce, contemporain du groupe de bâtiments de la plate forme sommitale ? En réalité, c’est bien toute la question de la morphologie du castrum médiéval qui reste en suspens au terme de cette étude de reconnaissance archéologique. Outre les enjeux relatifs au peuplement sub castral, l’analyse de la structure interne de la butte méritera d’être poursuivie. des éléments de réponses ont été apportés par le sondage 6. La mise en évidence d’une succession de remblais laisse en effet penser que le versant nord-ouest de la butte, tel qu’il se présente aujourd’hui, a été aménagé par l’homme. Comment, dès lors, imaginer la configuration initiale de l’escarpement rocheux entre l’enclos et la plate forme sommitale ? La poursuite de l’exploration du tertre artificiel que jalonne le chemin périmétral CHEM 3 s’annonce décisive pour la compréhension de la topographie castrale durant la période médiévale. Si l’on cerne encore mal, dans le détail, les rythmes de l’occupation médiévale du site, les textes et l’archéologie confirment que le castrum a connu une importante séquence de démolition au début du XVe siècle. Le témoin a quo le plus fiable de cette séquence reste la date de 1410. L’hypothèse d’une destruction massive des bâtiments du castrum paraît d’autant plus recevable que les textes confirment l’utilisation d’armes lourdes (…et les ont mene et mis à siege devant les forteresses dessus dites establies par ledit de Turenne comme dit est y mene et fait mener engins canons et autres artilleries…). Les nombreux remblais de démolition mis au jour dans tous les sondages confortent également cette hypothèse, dans la mesure où les lots de mobilier qu’ils contiennent sont homogènes. Manifestement, le site a été abandonné durant une longue période, ce dont témoigne l’absence d’artefacts datant de l’Époque moderne. Les textes montrent en revanche que les dynamiques foncières ont été particulièrement actives dans le bourg castral au XVe siècle. L’abandon, s’il a réellement eu lieu, ne semble donc pas avoir affecté tout le peuplement du site. Suite à l’implantation d’une villa au milieu de la plate forme sommitale, dans les années 1900, le site fut à nouveau partiellement occupé.

La désaffectation de ce logis au cours du XXe siècle fut suivie par une importante phase d’abandon. La stratigraphie générale se trouve ainsi scellée par des remblais et des niveaux de sol contemporains.

En définitive, bien que tous les problèmes posés par le site de Malemort n’aient pas été résolus, et notamment celui de la chronologie des bâtiments mis au jour, cette intervention a laissé entrevoir de nouvelles problématiques susceptibles de nourrir les réflexions menées dans le cadre du projet de mise en valeur du site. La mise en exergue de plusieurs bâtiments sur le sommet de la plate forme offre des perspectives de découvertes majeures, en lien avec la plus ancienne phase d’occupation connue. Dans ce contexte, l’avenir de la villa dite « Hom », implantée au milieu de vestiges médiévaux, pose question. Peut être sera t il nécessaire d’envisager une déconstruction de l’édifice qui, bien que présentant un réel intérêt historique, risque d’entraver la progression des investigations archéologiques.

Dimitri PALOUMBAS