HADÈS Archéologie

“La Poterne de La Brèche”

Nos métiers Production scientifique Opérations “La Poterne de La Brèche”

Fiche

  • Responsable : Sandrine CONAN
  • Localité : Bazas (Gironde)
  • Agence : ATLANTIQUE

Résumé

La « Poterne de la Brèche » est située en contrebas de la place centrale de Bazas. Elle constitue le sous-sol d’une maison particulière et est composée de deux salles et d’une cave creusée dans le rocher. Cet édifice est adossé à une portion de l’enceinte médiévale de la ville. Préalablement au projet de la municipalité, de restaurer les lieux en vue de son ouverture au public, le Service Régional de l’Archéologie d’Aquitaine a souhaité une étude archéologique du bâti ainsi qu’un suivi des travaux de terrassements à l’intérieur.

« La poterne de la Brèche» est aujourd’hui un des rares vestiges de l’enceinte médiévale de la ville de Bazas que le public aura tout loisir de voir et de comprendre. Ce lieu est connu depuis le XIXe siècle au moins, puisque Léo Drouyn en donne une description en 1865 dans son ouvrage sur la Guienne militaire. Mais, malgré tout son intérêt, il semble qu’aucune autre étude n’ait été depuis réalisée. Cette analyse archéologique complétée de sondages (réalisés par Jean-Luc PIAT) permet donc de préciser celle de Drouyn et surtout de mettre en évidence les différentes phases de la construction du bâtiment. Loin de correspondre à un vaste édifice homogène, la « poterne » résulte d’apports successifs dont le plus remarquable est celui d’une tour datée de la fin du XIVe ou du XVe siècle.

L’enceinte et la tour au Moyen Âge Les plus anciens vestiges conservés sont ceux de l’enceinte de la cité dont la construction remonte, à l’image d’autres villes de la Gironde, à la seconde moitié du XIIIe ou au début du XIVe siècle. Il ne s’agit ici que d’une petite portion du front sud qui était bâtie sur le rocher à l’aide de moellons de calcaire ou de grès. Les courtines peu épaisses étaient dotées d’un chemin de ronde construit en encorbellement à l’extérieur et qui subsiste encore au dernier niveau de la maison.

La base d’un des deux murs est ouverte par deux arcades brisées dont la singularité vient contredire le caractère défensif de l’enceinte. Il faut vraisemblablement voir dans le choix de tels ouvrages une réponse à un problème géologique ou tout simplement un désir d’ouvrir une poterne. L’escalier placé derrière les arcades permettait, par une ouverture dont on peut encore voir les claveaux, d’accéder à l’intérieur de la ville. Malgré l’absence de liaison susceptible d’établir une chronologie relative entre les arcades et ce dernier, il ne semble faire aucun doute que la fonction des deux se répond. Le front sud de la ville ne possède d’ailleurs pas d’entrée, la poterne située en haut de l’escalier comble cette lacune en servant de porte secondaire à la ville et en permettant l’entretien des murs.

À la fin du XIVe ou au XVe siècle, l’enceinte est dotée, d’une vaste tour de plan rectangulaire (6 m de large par 10 m de long). La maçonnerie est particulièrement soignée avec des pierres de taille de calcaire. Le rez-de-chaussée est ouvert de deux portes ornées d’un large chanfrein et sans doute en arc brisé. Un seul jour est conservé dans le mur oriental, laissant supposer un niveau peu éclairé. La tour était dotée de latrines à deux niveaux dont le conduit, aménagé dans l’épaisseur du mur, évacue les déjections dans une fosse. Celle-ci est creusée dans le rocher et est accessible par une cave voûtée dont la trappe se situe contre le mur ouest. Un sas, également voûté et de plan barlong, sépare les deux espaces précédents. La typologie de ces latrines rappelle de nombreux ouvrages présents dans des tours maîtresses du XIVe siècle.

Des incertitudes sur la distribution de l’édifice demeurent. Un sondage a permis de mettre en évidence un niveau de sol contemporain de l’utilisation de la cave à 1,20 m en dessous du niveau actuel. des remblais de l’époque moderne constituent le sol présent. Cette différence indique que les portes d’entrée de la tour bénéficiaient alors d’escaliers en bois à l’intérieur. L’hypothèse d’un niveau de plancher intermédiaire est à émettre. Celui-ci pouvait correspondre au seuil d’une porte du XVIe siècle percée dans le mur oriental. Les deux niveaux ainsi créés auraient alors eu 3 et 4 m de hauteur environ. Le niveau inférieur aurait donc été aveugle et les latrines accessibles à l’aide d’un escalier en bois.

La fonction de cette tour de qualité reste inconnue. Elle est peut être à mettre en relation avec le palais épiscopal situé à deux pas. Sa position contre l’enceinte a pu assurer une meilleure protection du rempart. Pourtant, son plan et ses dimensions contredisent les théories du flanquement de l’époque. Le plan rectangulaire, mieux adapté à l’habitation, laisse davantage supposer une fonction mixte de défense et de résidence. Les latrines à fosse des niveaux supérieurs dénotent un certain souci de confort. Les portes en façade avaient vraisemblablement des fins pratiques telles que le nettoyage de la fosse des latrines.

Les modifications du XVIe au XVIIIe siècle Suite à la destruction partielle de la tour, les murs sont épaissis au sud et à l’est. Une seconde salle est ajoutée à l’est. Le nouveau bâtiment prend alors des allures de forteresse avec des murs de 2 m d’épaisseur, le reste des élévations étant moindre aux niveaux supérieurs. Les deux salles sont alors reliées par une porte en partie conservée. Lors du passage de Léo Drouyn, l’arc existait encore et sa restitution a été possible par la gravure qu’il en avait donné. Cet ouvrage en plein cintre et orné d’un chanfrein pourrait dater du XVIe siècle. Son seuil se situe en hauteur par rapport aux sols des salles qui avaient, comme l’ont montré les sondages, des niveaux différents. L’hypothèse d’un plancher intermédiaire dans la tour suppose que cette porte permettait d’accéder au deuxième niveau. Un escalier de bois assurait l’accès à la seconde salle.

L’analyse archéologique révèle également que la construction de la salle 2 résulte de l’intégration d’une élévation antérieure à l’est. Cette observation peut laisser entendre qu’une brèche, dont la ruelle qui monte vers la place centrale de la ville portait le nom, existait dès cette époque. Les guerres de Cent Ans et de Religion, particulièrement marquantes à Bazas, sont sans aucun doute responsables de ces destructions, ce qui permettrait de dater l’agrandissement de la tour du XVIe siècle.

C’est peut être au XVIIIe siècle qu’il faut attribuer l’ouverture de l’arcade en plein cintre dans la salle orientale de la « poterne ». Cet ouvrage est difficilement datable mais n’est pas sans rappeler celui qui sépare les deux tours de la porte du Gisquet dont l’état actuel ne remonte qu’aux XVIIIe et XIXe siècles. J.B Marquette dans son étude sur Bazas (Atlas des villes de France) fait d’ailleurs une remarque intéressante sur les bazadais qui vont garder très longtemps les symboles de cette enceinte et dont la plus forte image de cet esprit de conservatisme est la reconstruction de la porte du Gisquet.

Transformation de la « poterne » en une vaste maison d’habitation à la fin du XIXe ou au début du XXe siècle Lorsque Léo Drouyn visite la poterne au milieu du XIXe siècle, elle sert d’animalerie dont le souvenir est conservé par les encoches d’une mangeoire. Les niveaux supérieurs de la maison servent alors d’habitation.

L’étude de Drouyn est intéressante puisqu’elle permet d’affirmer que ce n’est qu’après son passage que le bâtiment est entièrement transformé en habitation. La façade actuelle reflète d’ailleurs la nouvelle distribution des espaces. Cette étude archéologique du bâti, complétée par les sondages, permet d’offrir aux prochains visiteurs des précisions quant aux différentes phases de la construction. des interrogations demeurent mais la découverte d’une vaste tour de plan rectangulaire de la fin du XIVe ou du XVe siècle est très captivante. Il est donc à souhaiter que de nouvelles études historiques soient entreprises afin de mieux connaître cet édifice.

Sandrine CONAN

Sandrine CONAN