HADÈS Archéologie

Palais de la Berbie (PCR)

Fiche

Résumé

2015-2016

Le musée Toulouse-Lautrec, à Albi, dit Palais de la Berbie, a connu de lourds travaux de restructuration de 2001 à 2011. Seuls les étages ont fait l’objet d’un suivi archéologique. Devant l’intérêt exceptionnel de cet ancien palais épiscopal médiéval sans doute le mieux conservé de France avec celui de Narbonne, il a été jugé opportun de constituer un Projet Collectif de Recherche (PCR) qui reprendrait de fond en comble l’étude de l’édifice.

Si les travaux du PCR portaient en 2015 sur un regroupement de la documentation graphique, iconographique et photographique afin de constituer une solide base aux recherches de terrain, les études réalisées cette année ont aussi porté sur la collecte de données, mais cette fois-ci sur le site même. Les relevés orthophotographiques des façades du palais, qui n’ont pu être réalisés, ont manqué pour le travail d’analyse des élévations et retardent l’avancement de ces études.

En 2016, les recherches documentaires ont porté sur le rapport entre les fortifications du palais et celles de la ville. Elles ont apporté peu d’éléments nouveaux, mais un procès-verbal de visite de 1603 précise les différents espaces fortifiés, qu’il n’est pas toujours aisé de situer sur le terrain. L’ensemble apparaît comme une défense propre au domaine de l’évêque, très probablement inchangée depuis le Moyen Age, à laquelle est greffée la fortification de la ville. Outre le dépouillement de la documentation archivistique, de nouvelles recherches iconographiques ont permis de collecter des vues d’artistes du palais aux XVIIe et XIXe siècles qui renseignent sur les modifications apportées aux façades au cours des siècles. A cela se rajoute la collecte de plus de 2 500 clichés réalisés par l’architecte d’opération, Fabrice MAZAUD (cabinet DUBOIS et associés, Paris), lors des travaux effectués au sous-sol et au rez-de-chaussée, c’est-à-dire dans des parties qui n’avaient bénéficié d’aucun suivi archéologique. Ces photographies s’avèrent d’un intérêt capital pour l’analyse des parties de l’édifice aujourd’hui invisibles ou transformées. Ainsi apportent-elles quelques informations sur les fouilles réalisées en 2002 dans la cour d’honneur, dont le rapport d’opération n’a jamais été rendu. On y voit les vestiges d’un bâtiment de plus de 100 m2, d’orientation différente de celle du palais actuel et édifié en brique en association avec de la pierre ce qui suggère de datation antérieure au XIIIe siècle.

Le bâtiment de la chapelle Notre-Dame (fig. 1) et la tour carrée adjacente étaient jusqu’alors considérés comme la turris et l’aula primitives des évêques de la 1ère moitié du XIIIe siècle. Si cela n’est sans doute pas tout à fait faux, l’étude du seul bâtiment de la chapelle a quelque peu nuancé les choses, en faisant apparaître trois phases médiévales. La tour a d’abord été édifiée de manière indépendante avant que le bâtiment de la chapelle n’y soit greffé. Ce dernier comprenait primitivement trois niveaux, couverts par une toiture en terrasse, desservis par une cage d’escalier en vis hors-œuvre qui était complétée par des coursières en façade nord. L’aula se situait sans doute au 1er étage. Les niveaux auraient ensuite été voûtés par Bernard de Castanet, peut-être au moment où fut transformé l’aula en chapelle avec tribune dans les années 1280-1285. Le décor peint, remarquable et semble-t-il inédit de la sacristie, donne une image de ce que devait être le cadre médiéval de ces salles. Durant cette même phase, la terrasse fut surélevée et transformée en salle (fig. 2). Un pavement au riche décor de carreaux glaçurés aux armes de Bernard de Castanet, parachève la volonté ostentatoire de cet espace aux murs peints, probablement lié à l’exercice du pouvoir.

L’étude de l’aile nord a été limitée, en 2016, aux niveaux inférieurs (fig. 3). La salle de l’actuel 2e sous-sol, bâtie contre la tour Sainte-Catherine, était partiellement enterrée sur sa face sud car édifiée sur une forte pente de la berge du Tarn. Au-dessus, une salle de même plan était prolongée vers l’est par une autre, également voûtée d’ogives, qui paraît toutefois avoir été bâtie dans une seconde phase, mais proche dans le temps. La position fautive de la voûte d’ogives de la salle inférieure par rapport aux jours et aux fenêtres indique un voûtement postérieur aux élévations, semble-t-il lorsque le rez-de-chaussée était déjà en construction. C’est en tout cas ce qu’indiquerait le rajout des trois contreforts demi-cylindriques qui ne sont liés à la façade qu’à partir de ce second niveau. Si aujourd’hui ne subsistent que deux contreforts un troisième, à l’ouest, a été clairement identifié. Pour ce qui concerne les cinq contreforts en façade nord, si les trois les plus massifs sont bien médiévaux, les deux autres sont dus à un projet de l’architecte César Daly, au milieu du XIXe siècle, pour prolonger la terrasse arrière.

Il est désormais possible d’affirmer que le palais épiscopal d’Albi conserve la plus grande surface de sols carrelés médiévaux d’Occident. En complément de ceux mis au jour et relevés en 2009, trois pavements situés dans les combles actuels de la partie sud-est du palais ont fait l’objet de levés orthophotographiques en préalable à leur prochaine étude technique et stylistique (fig. 4).

En 2016, un premier décryptage archéologique a été réalisé sur toutes les façades. Comme on pouvait s’en douter, le phasage obtenu révèle un édifice dont les élévations d’époque médiévale sont très importantes en quantité. Les apports de la période fin XVe-début XVIe siècle y sont notables, sans parler de ceux du XVIIe siècle qui donnent au palais sa configuration actuelle. Ces analyses archéologiques doivent être retravaillées en 2017 et les observations reportées sur les orthophotographies à réaliser. Parallèlement ont été commencées des typologies sur les matériaux, portes, fenêtres, retombées de voûtes et décors peints.

L’étude de l’escalier qui conduit de la cour d’honneur au chemin de ronde de la tour Saint-Michel constitue pour sa part une première étape dans l’analyse des circulations verticales. Elle a décelé une portion d’escalier qui conserve des décors peints médiévaux – inédits à notre connaissance – dans une partie qui devait être seulement fréquentée par les gardes du palais.

Si les décors peints d’époque moderne et jusqu’au XVIIIe siècle étaient connus pour la plupart, ils n’avaient jamais fait l’objet d’une étude approfondie. Celle-ci a révélé toute leur importance au regard de leur qualité esthétique et de la rapide adoption des modèles parisiens et italiens. Il faut souligner entre autres l’étude du décor du plafond de la galerie d’Amboise récemment mis au jour où les ornements à l’antique appartiennent aux premiers temps de la Renaissance

Bernard POUSTHOMIS pour l’équipe

 

2017

Le Projet Collectif de Recherche (PCR) sur le Palais de la Berbie, à Albi, a pâti cette année encore d’un manque de moyens permettant d’avancer correctement le travail de relevés photogrammétriques, de datations dendrologiques et de travaux infographiques. En outre, une attribution très tardive des crédits de fonctionnement a considérablement réduit la durée des études. De ce fait, il a été convenu avec le Service Régional de l’Archéologie de prolonger l’étude du palais deux années supplémentaires, jusqu’en 2020.

Le dépouillement du fonds documentaire de l’archéologue Jean Lautier n’a fourni aucune information sur le palais. En revanche, la découverte de nouvelles vues du site (cartes postales, photographies de la fin XIXe à début XXe siècle etc.) a fourni d’utiles informations, dont une gravure antérieure à 1830 qui renseigne la face nord du palais.

Pour ce qui concerne les recherches historiques, le dépouillement d’un inventaire après décès du palais, de 1383, localise mal les salles. Sa compréhension pourrait être éclairée par l’étude prévue d’un autre inventaire, du début du XVe siècle.

Un relevé photogrammétrique des façades du palais est très avancé. Il sera complété et achevé en 2018, avec la production d’un modèle 3D.

Avec l’achèvement de l’étude du bâtiment dit de l’ « Escalier d’Honneur », il est désormais possible de proposer une synthèse des transformations architecturales des bâtiments les plus anciens du palais, au sud-est de la cour d’Honneur. Contrairement aux études conduites précédemment, il est désormais assuré que la construction la plus ancienne était une tour résidentielle (turris) construite au milieu du XIIIe siècle. Celle-ci fut rapidement complétée, probablement sous l’épiscopat de Bernard de Combret, par un corps de logis à l’est sans doute destiné à accueillir une grande de salle à l’étage (aula). Les travaux furent manifestement importants dans ce secteur du palais au XIIIe siècle, car l’ensemble fut sensiblement modifié du temps de Bernard de Castanet (dernier quart du siècle) qui fit transformer la grande salle en chapelle. Les travaux suivants touchèrent essentiellement le décor de la chapelle Notre-Dame, l’aménagement d‘un grand escalier dans les premiers niveaux de la tour, puis, à la fin de l’Époque moderne, l’écrêtement de la tour. Si malgré de nombreuses lacunes, la chronologie et les datations sont globalement assurées, les interprétations sont parfois délicates ; seule une synthèse générale sur les bâtiments du palais permettra désormais d’affiner la compréhension de l’usage des différents espaces restitués dans les bâtiments aujourd’hui dits de l’ « Escalier d’Honneur » et de la « Chapelle Notre-Dame ».

L’analyse archéologique des deux premiers niveaux de l’aile nord a été menée à son terme, les autres niveaux devant être étudiés en 2018. Dans son premier état médiéval, le bâtiment comprenait deux salles superposées, de grande dimension et de même plan, bâties contre la tour Sainte-Catherine. La salle inférieure était partiellement enterrée sur sa face sud car édifiée sur une forte pente de la berge du Tarn. Son voûtement traduit un changement de parti en cours d’élévation. Alors que la voûte de la salle supérieure est clairement prévue, celle du niveau inférieur est décidée en cours de chantier. Deux interprétations sont possibles : soit cette voûte remplace un niveau charpenté initialement projeté, les poutres maîtresses portant sur des piliers engagés rectangulaires, soit les deux niveaux devaient former une unique et haute salle avant qu’on décide son recoupement. Quoiqu’il en soit, les deux voûtes, à piliers engagés articulés, sont identiques et d’un type caractéristique du dernier quart du XIIIe siècle. L’ensemble du bâtiment est alors conforté par des contreforts, très puissants en façade nord et plus réduits en façade sud. Dans une seconde phase, le rez-de-chaussée est étendu vers l’est avec la construction d’une nouvelle salle, également voûtée en quatre travées mais moins longue. Les accès à ces salles s’effectuent depuis la cour alors que la salle inférieure ne serait accessible que par un escalier intérieur traversant la voûte. Après le Moyen Age, le niveau de la cour est rehaussé, condamnant les jours sud de la salle inférieure. La création d’un escalier au XVIIe siècle fait disparaître deux travées de la salle orientale du rez-de-chaussée et le reste de cette salle est détruit au XVIIIe siècle par l’ouverture d’un large passage vers une terrasse, au nord. Enfin, en façade nord, l’architecte César Daly prolonge la terrasse arrière au milieu du XIXe siècle, avec la construction des deux contreforts est.

Même si l’étude du palais épiscopal ne peut avancer au rythme que nous aurions souhaité, une chronologie nouvelle apparaît progressivement, qui renouvelle passablement des connaissances qu’on croyait acquises (fig. 5).

 

Bernard POUSTHOMIS pour l’équipe

 

2018

L’absence de soutien financier de la part de la collectivité locale au Projet Collectif de Recherche (PCR) d’archéologie des élévations sur le palais épiscopal de la Berbie, à Albi, lancé en 2015, a retardé la réalisation de travaux externes tels que les relevés photogrammétriques des façades, les datations dendrologiques, les travaux infographiques, etc. En accord avec le Service Régional de l’Archéologie il a donc été décidé de prolonger cette étude deux années supplémentaires, jusqu’en 2019.

Les recherches menées en 2018 ont encore été riches d’enseignements.

Le dépouillement des « Dossiers travaux » de la Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine et de l’UDAP du Tarn a apporté son lot de plans et photographies inédits. Mais il a été avant tout d’un grand apport pour les précisons apportées sur l’édifice, que ce soit en termes de datation d’ouvrages ou d’état des lieux fourni par les devis ou dossiers préalables à travaux. C’est ainsi qu’est datée de 1902-1908 la démolition d’un portique-galerie ouest de la cour d’honneur, qui avait été édifié à la fin du XVIIe siècle, et dont la construction avait très fortement dégradé la façade de la Tour mage. Il n’y a désormais plus de doute sur l’ampleur de la restauration/reconstruction qui a impacté la moitié inférieure de cette façade, en 1922. On pourra s’étonner de ne voir réalisée cette étude documentaire qu’au bout de trois ans. Les dimensions et la complexité de l’édifice rendaient nécessaire une excellente connaissance des bâtiments pour juger de l’intérêt de tel devis, de tel cliché ou savoir distinguer un projet d’une réalisation effective. C’est le cas après ces trois années d’arpentage en tous sens du palais.

Pour ce qui concerne les études archéologiques et architecturales, l’accent a été mis sur la « Tour Mage » et sur les campagnes de travaux postérieures au Moyen Âge. Ainsi la chronologie de la construction des tours Sainte-Catherine et Saint-Michel a été précisée, avec un voûtement de la première qui semble intervenir alors que les élévations sont bien avancées. Elle a également conduit à comprendre les dispositifs de circulation verticale et de communication avec les édifices adjacents, révélant ainsi la réalité médiévale de ces tours.

Au fil de l’étude du palais, il est ressorti que les interventions menées entre 1400 et 1510-1520 environ avaient été beaucoup plus importantes que ce que laissait entendre l’historiographie. Et que certains édifices que l’on croyait édifiés tardivement (telle l’aile de Stainville) existaient déjà antérieurement.

Une prospection radar réalisée par le Laboratoire TRACES (Université Toulouse Jean-Jaurès) sur une terrasse à l’ouest du palais a révélé peu de choses. Mais, le tracé de la courtine occidentale semble avoir été identifié et il se pourrait que la tour dite « du bastion » ait été un ouvrage isolé.

L’achèvement, en 2018, des relevés photogrammétriques des élévations et la finalisation en cours de leur traitement informatique fournit enfin un support de grande qualité pour le report des études d’élévations réalisées en 2016.

Il reste maintenant à réaliser un gros travail de synthèse par un croisement des données historiques avec les données archéologiques et d’histoire de l’art, chose que nous avons volontairement peu effectué jusqu’à présent afin de favoriser une analyse « en aveugle » de l’édifice. Dans ce cadre sera exploité le dépouillement de deux inventaires ; un premier, de 1383, est précis et propose une description du palais habité. En revanche, celui de 1337 est de moindre intérêt.

La documentation graphique, iconographique (dont les photographies) et technique (documents de travaux) relative au palais de la Berbie est devenue considérable. On compte ainsi :

  • 9 représentations anciennes, du XVIIe au XIXe siècle
  • une centaine de dossiers de travaux dépouillés, dont une cinquantaine ont été photographiés
  • 50 plans et élévations, du début XIXe à la fin du XXe siècle.
  • environ 180 photographies des XIXe et XXe siècles.

Il faut rajouter à cela les clichés du chantier de restructuration (2001-2012) qui font désormais partie de l’iconographie ancienne :

  • 1500 photos de l’Architecte en chef des monuments historiques P. Calvel
  • 2500 photos de l’architecte F. Mazaud (cabinet Dubois et associés)
  • 8500 photos du Bureau d’études archéologue HADÈS, limitées aux étages du palais

Enfin, ont été produits dans le cadre du présent PCR une couverture photographique de près de 3 000 clichés auxquels il faut ajouter un lot conséquent de documents graphiques.

Cette masse documentaire est d’un intérêt majeur qu’il sera nécessaire de rassembler dans une base de données.

 

Bernard POUSTHOMIS pour l’équipe