HADÈS Archéologie

Macaille, rue des Pommes cannelles

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Fiche

Résumé

Le site de Macaille, rue des Pommes Cannelles est localisé sur la commune d’Anse-Bertrand, à l’extrémité septentrionale de l’ile de Grande-Terre (Guadeloupe). Il occupe une légère proéminence dans un paysage ouvert, fait de pâturages pour les bœufs et envahi à certains endroits par de vastes massifs d’acacias.
La fouille préventive entre dans le cadre de la construction d’un lotissement sous la maitrise d’ouvrage de la société SARL Clémence ; elle fait suite à un diagnostic réalisé durant l’été 2006 à l’occasion duquel le creusement mécanisé de tranchées en quinconces avait révélé la présence de vestiges d’époque coloniale – trous de poteaux, grande fosse, fossés, mare artificielle – répartis en quatre ensembles archéologiques distincts sur une superficie de 5,5 ha.
La phase de terrain a été conduite aux mois de novembre et décembre 2007. Étalée sur presque cinq semaines, elle a mobilisé une équipe de trois à quatre archéologues, encadrés par un responsable et un assistant (responsable de secteur). Les deux premières semaines ont été consacrées au décapage mécanique. Il a été effectué à l’aide d’une pelle munie d’un godet large de curage, assistée d’un camion-benne destiné à acheminer la terre extraite au delà de l’emprise. L’enlèvement de la terre arable sur une épaisseur de 0,40 m en moyenne a permis la détection des structures en creux,
toutes apparues au niveau du substratum calcaire (tuf).

La fouille, conduite sur une surface de 3600 m², a permis d’élargir et d’ajuster les résultats du diagnostic réalisé en 2007. Elle a occasionné la reconnaissance et la fouille partielle d’une habitation coloniale occupée entre la fin du XVIIe ou le début du XVIIIe siècle et les années 1780, matérialisée par 466 structures en creux, dont plus de 400 trous de poteau, 2 fosses dépotoirs riches en mobiliers (fig. 1), 1 foyer extérieur, et
une série de creusements interprétés comme des aménagements agraires (fonds de fossés de drainage et rangées de façons culturales). Le site, dont la limite sud est fixée par une longue palissade rectiligne, se compose de 15 bâtiments à ossature de poteaux de bois (fig. 2). La plupart sont rectangulaires à deux nefs, et correspondent de toute évidence à des cases d’esclaves ; certains, plus petits, monocellulaires et de plan carré, s’apparentent à des annexes (greniers à plancher surélevé ou enclos pour les animaux) ; 2 autres, par leur superficie importante ou la relative complexité de leur plan, évoquent des entrepôts ou des bâtiments au statut « à part ».
Le mobilier collecté dans les 169 structures fouillées – en particulier dans les deux fosses-dépotoir – se révèle quantitativement important et varié, avec la présence de céramiques locales ou importées, de récipients en verre, d’outils et d’objets d’habillement en métal et enfin de vestiges de faune consommée (vertébrée et invertébrée).
Il documente la culture matérielle et le quotidien des occupants, illustre les nombreuses activités pratiquées sur place ou à proximité du site, comme le déboisement, la construction en bois, l’approvisionnement, la préparation et la consommation de nourritures carnées. Il signale enfin – peut-être – une activité de production sucrière in situ, que révèle la présence d’un grand nombre de récipients industriels en terre cuite (formes à sucre et pots à mélasse, fig. 3).
Ces résultats, bien que prometteurs, ne doivent cependant pas masquer les limites qui ont affecté la fouille du site de Macaille et compliqué son interprétation. Ces limites sont d’abord taphonomiques, car l’arasement généralisé du site à fait disparaître certains vestiges, en particulier les niveaux de sols et les aménagements de surface associés à l’occupation des bâtiments, interdisant de restituer leur découpage interne et de préciser leur fonctionnalité. L’analyse planimétrique, bien qu’elle permette généralement de restituer le plan des constructions, demeure insuffisante lorsque la densité d’aménagements augmente : le problème se pose avec acuité dans la partie sud-ouest de l’emprise, où de nombreux trous de poteau n’ont pu être regroupés en ensembles cohérents. D’autre part, les artefacts ont toujours été retrouvés en position secondaire, déconnectés de leur cadre d’utilisation initial, abandonnés et regroupés de façon intentionnelle dans des dépotoirs collectifs (ou piégés de façon plus anecdotique dans les comblements de trous de poteau) : ils livrent donc une « vue d’ensemble » sur les activités pratiqués sur le site, mais n’offre aucune garantie pour pousser l’analyse topo-fonctionnelle plus avant.
D’autres limites, méthodologiques celles-ci, doivent également être mentionnées. La fouille, notamment, n’a pas permis de circonscrire la totalité du site, en particulier au nord, ni de fouiller la totalité des structures mises au jour, tout particulièrement le grand dépotoir central FOS 1. L’échantillonnage qui en découle pose inévitablement la question de la représentativité des matériaux étudiés.
Malgré les limites énumérées dans le paragraphe précédemment, les apports de la fouille sont significatifs. L’image qu’elle livre de l’habitation, même appauvrie, n’en demeure pas moins inédite, car extensive. L’agencement spatial des bâtiments et l’aménagement de grands dépotoirs ou d’un foyer à l’air libre rendent compte d’une organisation concertée et assurément collective, qui s’inscrit dans une tradition encore afro caribéenne. On dispose donc désormais, avec le site de Macaille, d’un contre éclairage concret et précieux sur la vie quotidienne dans une petite habitation du XVIIIe siècle, dont la connaissance, jusqu’à présent, se fondait essentiellement sur des témoignages écrits ou figuratifs issus de la classe dominante, témoignages partiaux s’il en est. Le tableau de la colonisation de la Grande Terre s’en trouve complété, laissant imaginer un phénomène dont la réalité est plus complexe, moins figée que ce que les textes et les gravures laissaient croire.

Yann HENRY