HADÈS Archéologie

Château Barrière

Fiche

Résumé

2004

Le château Barrière est un des monuments phare de la Cité de Périgueux pour les périodes antique et médiévale. En effet, cette maison forte construite sur l’arase d’une courtine et d’une tour rempart du Bas-Empire, à l’ouest de la Cité, se trouve tout près du site du château comtal de la Rolphie et constitue, avec la toute proche « maison d’Angoulême », un des rares vestiges en élévation des nombreuses maisons nobles qui avaient érigé leur tour maîtresse sur l’enceinte de la Cité au Moyen Âge (fig. 1*).

Bien connu, suscitant l’engouement des érudits férus d’Antiquité depuis la fin du XVIIIe siècle et classé au titre des monuments historiques dès 1862, cet édifice n’a pourtant jamais fait l’objet d’une étude approfondie. On connaissait juste les grandes lignes de son histoire, passant des Barrière aux Abzac de la Douze en 1474, avant d’échoir aux Jay-de-Beaufort et d’être incendié pendant les guerres de Religion. Laissé à l’abandon, le château est resté en proie à la végétation pendant au moins deux siècles, jusqu’au nettoyage de ses parements et leur consolidation en 2004-2005 par un architecte en chef des Monuments Historiques. Le service régional de l’Archéologie, en concertation avec la commune de Périgueux – propriétaire du site – a souhaité mettre à profit l’installation des échafaudages pour ces travaux en commandant une étude des élévations extérieures du château, les seules à être concernées par les restaurations. Bien entendu, les parements intérieurs n’ont pas été négligés, mais leur simple observation depuis le sol a été demandée. Aucun dépouillement d’archive n’a été requis, seule une collecte de la documentation iconographique ancienne intéressant le site a été établie.

Il est ressorti de cette étude que le château, composé d’une tour au sud flanquée de deux corps de logis en enfilade, a été construit en quatre phases (fig. 2**). La première correspond à l’enceinte du Bas-Empire (probablement du début du IVe siècle), construite en gros blocs de remplois issus des monuments publics et funéraires de la ville augustéenne. L’appareil très soigné, monté à sec, présente de nombreux décrochements destinés à caler au mieux les éléments retaillés, provenant d’édifices divers, qui gardent encore les accroches des engins de levage employés lors de leur première utilisation.

Cette enceinte est surtout conservée au soubassement de la tour médiévale qui a été érigée dessus (fig. 3). Celle-ci est construite en petits moellons équarris au marteau, liés par un mortier très solide, disposés sur des assises régulières, réglées contre des contreforts saillants en pierre de taille sur sa partie plate (à l’est) et contre des chaînages intermédiaires qui permettent d’épouser la forme courbe de la tour primitive à l’ouest. Voûté au premier étage et planchéié aux niveaux supérieurs, cette tour maîtresse était accessible par un grand degré en pierre adossé contre les vestiges de la muraille antique (fig. 4). Malgré l’absence d’éléments dateurs, hormis un coussinet orné de billettes au sommet d’un piédroit, cette tour peut être située, par sa mise en œuvre, entre le milieu du XIIe et le début du XIIIe siècle. On ignore cependant si un corps de logis fonctionnait avec celle-ci – inhabitable dans son premier état – mais la porte ouverte vers le nord, au deuxième étage, suggèrerait que oui (fig. 5).

Dans un troisième temps, un vaste corps de logis est accolé au nord de la tour. Daté de la seconde moitié du XVe siècle par ses ouvertures, ce bâtiment présentait des parements peu soignés, hormis sa belle tour d’escalier polygonale, de style flamboyant, flanquée contre le gouttereau est (fig. 6). Au même moment, la tour « romane » acquiert un caractère résidentiel par l’ouverture de demi-croisées et l’adjonction de cheminées et de latrines.

Enfin, sans doute dans la première moitié du XVIe siècle, le château est complété au nord par l’ajout d’un second corps de logis, en forme de tour flanquée d’une autre construction qui demeure inconnue. Cette seconde tour était en retrait par rapport au logis précédent et faisait une saillie vers l’ouest en avant du rempart. Elle pourrait reprendre l’emplacement d’une tour antique et correspond à la dernière phase de construction du site avant son incendie pendant les guerres de Religion.

Ainsi, le château Barrière constitue non seulement un des vestiges bâtis les plus remarquables conservés dans la Cité, mais il est aussi emblématique de l’histoire de la ville. En effet, chaque étape de sa construction marque une période charnière de l’histoire de Périgueux, de son retranchement dans l’enceinte du Bas-Empire à l’érection de maisons nobles contre le rempart au Moyen Âge et du nouvel essor de la ville à la fin du XVe siècle, après les souffrances de la guerre de Cent Ans et avant les ravages des guerres de Religion.

Mélanie CHAILLOU

* DAO de M. CHAILLOU, d’après les plans de GIRARDY-CAILLAT (C.). — Périgueux. In : GARMY (P.), MAURIN (L.), dir. — Enceintes romaines d’Aquitaine. Bordeaux, Dax, Périgueux, Bazas. Paris : MSH, 1996 et  HIGOUNET-NADAL (A.). — Atlas historique de France, Périgueux. Paris : CNRS, 1984.
**Relevé topographique B. ALBRAND, DAO de A. MARIN.

2013

L’étude des parties antiques de la façade orientale du château Barrière de Périgueux est une commande du Service régional de l’Archéologie d’Aquitaine. Confiée à la société Hadès, elle fait suite à un avis CIRA émis en 2011 au sujet d’un rapport d’étude consacré aux phases médiévales et modernes du site, les seules concernées par un chantier de restauration. Le rapport, rédigé en 2008 par M. Chaillou à partir des notes de terrain d’A. Marin (cf. supra), évoque les élévations du Bas Empire réutilisées par la maison forte. Or, l’hypothèse alors émise quant à la possibilité de l’origine antique de la poterne ouverte au contact d’une courtine et d’une tour méritait une vérification.

Comme plusieurs portions du rempart du Bas Empire de la ville avaient été étudiées dans le cadre d’autres opérations (PCR, fouille programmée, chantier de restauration), la CIRA a demandé à ce que cette partie de l’enceinte soit à son tour documentée. En outre, M. Chaillou ayant également rendu en 2010 une étude sur la face extérieure du rempart du Centre National de la Préhistoire (CNP), dont la partie antique a été analysée par J.‑P. Fourdrin (CNRS), le SRA Aquitaine sollicite sa publication. Dans cette perspective, il a soutenu l’avis émis par la CIRA, afin de provoquer une étude complémentaire du château Barrière, consacrée cette fois exclusivement aux parties antiques de ses élévations, et de projeter sa publication conjointe avec celle du rempart du CNP.

Cette opération comporte un relevé lasergrammétrique des maçonneries du Bas Empire (réalisé par O. Veissière ; fig. 7), un inventaire de chaque bloc employé établi à partir de ce relevé et un sondage manuel, pratiqué au pied de la fameuse poterne. L’objectif de cette campagne étant de collecter les informations utiles à la publication du site, le présent rapport qui en rend compte n’épuise pas le sujet, mais pose des jalons qui seront développés dans l’ouvrage à venir. Ce complément d’étude ne prévoit aucun jour de post fouille : l’analyse précise des données sera réalisée dans le cadre de la publication envisagée. Le présent rapport n’est donc qu’un inventaire des données récoltées.

Il en ressort que l’origine antique de la poterne est définitivement écartée. Les fondations du rempart ont été mises au jour devant la poterne. Elles sont composées d’un radier de moellons équarris, installé dans une tranchée étroite creusée dans le substrat qui culmine ici à 88,30 m NGF, surmonté d’une assise de blocs de remploi non retaillés.

Cette mise en œuvre contraste avec celle, soigneusement parementée, mise au jour au pied de la courtine 8 du rempart du CNP. Enfin, les blocs de l’élévation, issus de remplois des monuments de la ville du Haut Empire, sont inventoriés individuellement dans une base de données. Les éléments révélateurs de leur mise en œuvre et chaque trou relatif à leur manutention y sont consignés.

Ces données complètent donc utilement la connaissance du rempart du Bas Empire pétrocorien. Elles attendent bien entendu leur publication pour être davantage exploitées.

Xavier PERROT